Journaliste et écrivain franco-libanais, il s’est imposé depuis de nombreuses années comme expert du monde arabo-musulman qu’il s’applique régulièrement à décrypter. Profondément méditerranéen, il est aussi un amoureux de la Corse et peut être à ce titre le plus corse des Libanais.
Par Karine Casalta
Né au Liban en 48 dans une famille chrétienne maronite, Antoine Sfeir est imprégné depuis toujours de la complexité de cette région du monde. Élevé chez les jésuites, c’est le hasard qui va le conduire vers le journalisme. Il entame en effet après son bac des études de médecine. Mais les mouvements de la jeunesse en 68 vont changer son parcours. À l’époque étudiant, il envoie des écrits au journal L’Orient-Le jour qui va les publier puis lui propose une collaboration régulière « Le Jour des jeunes » chaque jeudi, avant de l’embaucher deux ans plus tard. C’est là que va démarrer véritablement sa carrière. Ayant basculé entre temps vers des études de droit et de sciences politiques, s’intéressant par ailleurs aux relations entre États, connaisseur de l’islam, parlant l’arabe, il va être amené à couvrir différents événements dans la région. Jusqu’à ce qu’en 1976, survienne un événement qui va le marquer à jamais : le 13 juin, il est enlevé par une milice du front de libération de la Palestine. Retenu prisonnier, torturé, il pense alors qu’il ne s’en sortira pas. Il est pourtant libéré sept jours plus tard.
La volonté d’expliquer
Cette expérience qui le laisse traumatisé et va le pousser à quitter la région, ne le détourne pas du métier mais l’installe au contraire un peu plus dans la profession. « Cet événement a renforcé chez moi le refus de l’émotion dans le métier. J’ai appris aussi une chose après ça, c’est que j’avais envie de transmettre, et cela ne s’est jamais arrêté. J’étais déterminé et j’ai eu la chance de retravailler très vite dans le journalisme. Un métier dont on ne se lasse pas et où on apprend tous les jours. On est à la fois étudiant et transmetteur… »
C’est dans cet état d’esprit qu’il arrive en France le 1er septembre 1976, où va se poursuivre sa carrière. Il commence bientôt à travailler pour le journal La Croix, puis, très souvent sollicité pour sa connaissance des problématiques des pays arabes et du monde musulman, il va peu à peu se spécialiser sur le sujet et à collaborer avec différents titres de presse et à s’exprimer régulièrement à la radio et à la télévision. Sur cette lancée, il fonde en 1985 Les Cahiers de l’Orient, une revue d’études et de réflexion sur le monde arabe et musulman.
Amoureux de la Corse
C’est aussi durant cette période qu’il découvre la Corse et en tombe amoureux. « Je suis arrivé par bateau, j’ai cru qu’on avait été détourné ! J’ai vu une montagne flanquée dans la mer, j’avais l’impression d’arriver au Liban ! » Son mariage avec Véronique, originaire de Vivario, ancrera un peu plus sa proximité avec l’île. Profondément méditerranéen, la Corse le renvoie à ses racines. « Corses et Libanais, nous avons tellement de choses en commun ! Deux entités jumelles par leurs paysages, leur mentalité, leur diaspora… » Et c’est sous le pseudonyme corse d’Éric Santoni, anagramme quasi parfaite d’Antoine Sfeir, qu’il signera un livre sur la vie de Jésus, premier ouvrage d’une série de nombreux essais.
Depuis 2014, il préside également l’Institut libre d’étude des relations internationales (ILERI), qu’il envisage comme un lieu de formation des consciences. Il s’y adonne avec bonheur à sa mission de transmission, ambitionnant d’offrir à ses étudiants une compréhension subtile du monde propre à forger la paix.
Passeur de connaissances
Atteint d’un cancer, il s’est depuis quelque temps un peu éloigné de la radio et de la télévision, mais il multiplie néanmoins conférences et interventions, n’ayant pas renoncé d’expliquer, toujours et encore, les problématiques des pays arabes, dans l’objectif de clarifier la complexité de cette région du monde, tant sur les plans politique, économique, que social et culturel.
Une façon de contribuer aussi à l’apprentissage essentiel à ses yeux du vivre ensemble qui conduit à la citoyenneté. Une notion qui passe inévitablement par la connaissance de l’autre, indispensable pour l’accepter dans son altérité et ne plus le regarder comme un étranger. « J’ai eu la chance de connaître cela au Liban. Le Liban c’est le « vouloir vivre ensemble », dans le respect de l’autre tel qu’il est. J’ai eu la chance de pouvoir draguer le vendredi à la mosquée, le samedi à la synagogue et le dimanche à l’église. C’est aussi cela qui m’a permis de m’ouvrir sur ces différentes religions et d’apprendre à les connaître. » Une connaissance qu’il n’a depuis de cesse de partager.
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