François-Xavier Ceccoli – Les fruits de la solidarité 

Quarante producteurs d’agrumes, de pommes se retrouvent désormais réunis au sein de la première banque alimentaire de Corse. Une initiative originale y compris à l’échelon national et qui devrait prendre de l’ampleur dans les mois à venir.

Par Véronique Emmanuelli

Solidaires, innovants et déterminés à promouvoir un avenir alimentaire toujours plus durable. Près de quarante producteurs d’agrumes, de pommes, et autres fruits, installés en Plaine orientale se sont rassemblés pour donner naissance à la première banque alimentaire à l’échelon insulaire. Et pour l’heure, ils ont relevé le défi du terrain. « La structure à laquelle nous avons donné une dimension agricole est opérationnelle depuis quelques mois. Ce qui correspond à cinquante tonnes de fruits variés d’ores et déjà distribués aux associations et centres communaux d’action sociale (CCAS). La prochaine étape consiste à déposer nos statuts », résume François-Xavier Ceccoli, producteur de clémentines, de kiwis, de noisettes à San Giuliano, président du GIEC (Groupement d’intérêt économique) – Corsica comptoir et membre fondateur de la banque alimentaire.

On est actif et on est tombé d’accord sur les grands principes. « Notre référence majeure est l’association loi 1901. Notre approche exclut toute considération commerciale et toute idée de bénéfice », reprend le producteur. La position consiste à prôner la gratuité s’agissant des biens et des services. Nous nous situons dans le registre du don pur. C’est pourquoi, nous prenons à notre charge les coûts, de ramassage, de stockage, poursuit-il. On ne parle pas d’argent. Par voie de conséquence, le scénario privilégié n’induit aussi aucune subvention. »

La banque alimentaire s’organise de manière autonome, en marge des institutions et autres organismes de tutelle. Elle doit s’inscrire dans le paysage solidaire de façon originale. C’est le cap tracé. « Nous avons opté pour la rapidité, pour la souplesse. Nous avons fait le choix, en outre, de ne pas nous affilier à la fédération européenne des banques alimentaires », reprend François-Xavier Ceccoli. On bouscule les modèles mais on s’en inspire aussi. « Notre banque alimentaire agricole, à l’image de toutes les autres banques alimentaires, joue un rôle d’intermédiaire entre les donateurs, c’est-à-dire les producteurs, la grande distribution et les associations solidaires reconnues qui se chargent ensuite de procéder à la redistribution auprès des bénéficiaires. Pour notre part, nous n’avons donc pas de contact direct avec ceux-ci », reprend le fondateur.

Ces mécanismes en vigueur au plan national ont constitué un signal positif aux yeux des porteurs de projet insulaires. « Cette approche nous a séduits et rassurés tout de suite. D’abord parce que nous ne sommes pas en capacité de vérifier la qualité des publics. Ensuite, nous voulions absolument éviter que nos productions servent à alimenter un éventuel marché parallèle de nature à déstabiliser les équilibres du commerce local », insiste François-Xavier Ceccoli. Car, au sein de la banque alimentaire agricole de Corse, on donne tout en restant centré sur l’exercice de sa profession. La générosité a ses frontières. « Il ne s’agit pas du tout d’entrer en concurrence ou de substituer aux associations. Nous nous concentrons sur ce que nous savons faire et sur les marchandises dont nous disposons », souligne-t-on.

Produits de qualité

Dans la pratique, la banque alimentaire prendra appui sur la station de conditionnement, « Fruticor » installée à Moriani. « Elle bénéficie des chambres froides, du matériel de la structure ainsi que d’un espace de stockage », indiquent les fondateurs. Sur la plateforme, le bénévolat est de rigueur. « La personne qui s’occupe du guichet donne de son temps personnel. Il n’y a pas d’employé rémunéré par la banque alimentaire », rappelle-t-on. Une de ses tâches essentielles consistera à passer le bon coup de fil au bon moment. « Nous avertissons les CCAS et les associations, lorsque nous tenons des fruits à leur disposition. Ces acteurs viendront ensuite les récupérer à leur convenance, puisque nous n’effectuons pas de livraisons. »

Et le contenu des cageots varie selon les saisons. C’est le calendrier des récoltes qui imprime la cadence. « Nous commençons au mois d’octobre avec la clémentine. Ensuite, nous avons de la pomme, du kiwi, de l’orange. Le pomelos arrive au printemps », énumèrent les porteurs du projet.

À brève échéance, ils comptent bien donner davantage d’ampleur à l’élan de générosité. « Nous avons pris contact avec d’autres producteurs afin d’avoir de la pêche, de la nectarine et des abricots. Ce qui nous permettrait d’arriver jusqu’à l’été et, de fait, d’apporter une contribution pendant dix mois de l’année. » D’autant que la position adoptée permet de combler des lacunes dans le menu tout en favorisant l’accès à une alimentation saine pour tous. « Nous apportons ce qui fait défaut. Les fruits frais comptent parmi les produits les moins présents dans les stocks des associations. En règle générale, grâce à l’Europe, grâce à leurs référents nationaux et aux collectes organisées de façon régulière au plan local, elles sont bien approvisionnées en conserves et en denrées telles que riz, pâtes, biscuits, lait par exemple. Pour les fruits, elles sont toujours obligées d’agir un peu au coup par coup, en sollicitant un producteur ou un autre, sans avoir la moindre certitude quant à la disponibilité de la marchandise », explique-t-on à la banque alimentaire. En outre, la qualité est toujours au rendez-vous.

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