Médias, Jeunesse et Méditerranée : réflexions sur l’ère numérique
La 31e Conférence des médias audiovisuels publics de Méditerranée s’est tenue à Naples les 18 et 19 avril derniers. Deux jours consacrés au dialogue et à la circulation des idées dans un espace marqué par les guerres et traversé par les crises. Deux jours et un objectif : éduquer les plus jeunes à l’information à l’ère numérique. Un défi que les médias se doivent de relever.
Fondée au Caire en 1996, la Copeam regroupe aujourd’hui près de 70 organisations de 25 pays d’Europe, des Balkans, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dont 33 radios et télévisions publiques parmi lesquelles RCFM et France 3 Corse ViaStella. À travers ses différentes commissions, 7 au total, la Copeam encourage entre autres la coopération des acteurs du secteur audiovisuel, participe à leur formation, promeut les jeunes talents du bassin méditerranéen. Depuis sa création, l’organisation a toujours su se saisir des grands sujets qui transforment nos sociétés et interroger sur le rôle des médias. Après les questions environnementales et religieuses, l’égalité des genres, la diversité, cette année, la Conférence s’est penchée sur la nouvelle génération et son esprit critique.
L’info à l’ère numérique
À l’ère numérique et son flot continu « d’informations », comment sensibiliser les jeunes aux dangers de la propagande et des fake news, comment encourager les bonnes pratiques ? Et dans ce contexte, quelle est la responsabilité des médias ? Le cadre est posé par Claudio Cappon, secrétaire général de la Copeam et ancien président de la Rai. À la tribune, Sylvie Coudray directrice du département Liberté d’expression, Développement des médias et Maîtrise des médias et de l’information à l’Unesco, l’enseignant-chercheur à l’université de Bologne Alessandro Soriani dont les sujets d’études vont de la citoyenneté digitale aux jeux vidéos en passant par l’influence de la technologie dans les systèmes éducatifs traditionnels. Enfin, Jad Melki professeur associé à l’université libano-américaine de Beyrouth intervenait en visioconférence sur l’impact des réseaux sociaux.
Un problème global, des solutions locales
Si tous s’accordent à dire que l’heure est grave, chacun dans son domaine de compétences lutte, « résiste » comme le souligne Jad Melki pour faire entendre toutes les voix, toutes les opinions, pour rappeler tous les faits afin de proposer une information complète, juste, précise.
Ainsi, l’Unesco a développé un programme contre la désinformation, plusieurs formations en ligne (Mooc) et s’est rapproché d’influenceurs afin qu’ils soient formés aux techniques journalistiques. Et que par ailleurs, les journalistes puissent exploiter les codes des réseaux sociaux.
Les influenceurs désormais incontournables sont encouragés à donner leur avis sur des créations qui montrent la réalité et la complexité du monde aux plus jeunes. C’est le cas de « Bury me, my love » développé par les Français de The Pixel Hunt. L’histoire suit un couple syrien Nour et Majd. Nour tente de fuir la guerre civile qui ravage son pays pour rejoindre son mari en Europe. Ce roman visuel inspiré d’une histoire vraie nous plonge au cœur du conflit syrien. Les joueurs sont responsables du sort de Nour qui évoluera en fonction des conseils de Majd. Les personnages communiquent par l’application de messagerie WhatsApp et pas moins de 19 fins ont été envisagées. « Bury me, my love » est un exemple de ces nouveaux jeux qui de manière plus directe, plus concrète qu’un article ou un reportage permettent aux plus jeunes de capter l’essence d’un conflit.
De conflit, il en a été question avec Jad Melki, bloqué à Beyrouth par les troubles entre le Liban, Israël et le Hamas. D’ailleurs, certains représentants de la rive sud et des médias palestiniens n’ont pas pu participer à cette édition. Pour le professeur en journalisme et études des médias, il est urgent que le sud global crée ses propres héros, sa propre narration y compris sur les réseaux sociaux qui sont pilotés essentiellement depuis l’Occident et les États-Unis en particulier. Selon lui, ce monde unipolaire empêche la diversité des points de vue et réduit de fait la pensée. Une seule voix encouragée par les algorithmes qui passent sous silence ou rendent invisibles certains messages. De quoi relativiser les notions d’espace de liberté et de liberté d’expression volontiers associées aux réseaux sociaux. De même, l’intelligence artificielle qui se nourrit des contenus disponibles sur le web aura ses connaissances biaisées.
Le moment est donc idéal pour renouer le dialogue. De penser à des outils globaux adaptés au contexte local. Guide de bonnes pratiques, éducation aux compétences digitales, programmes scolaires adaptés, ateliers pour enfants et adolescents, collaboration étroite avec les enseignants, mise en place d’une citoyenneté digitale… Toutes ces initiatives ont un socle commun : la culture démocratique.
L’information n’est pas un produit. Ce n’est pas non plus une donnée, une data brute, un contenu créé pour des besoins marketing. L’information autant que l’instruction et l’éducation sert à élever de jeunes citoyens, de les éclairer, de leur donner les clés de compréhension d’un monde qui va parfois beaucoup trop vite. Les « vieux » médias ont tout autant la responsabilité de décrypter ce phénomène et d’anticiper les prochaines évolutions. Peut-on arrêter cette course folle ? Non. Peut-on prendre le temps de l’expliquer ? Oui, impérativement.
ENCADRE : La puissance de l’art
Inter-Rives fête ses 10 éditions. Mené en collaboration avec l’ASBU (Union des radiotélévisions des états arabes), le programme a pour objectif de mettre en lumière des histoires puissantes d’artistes de la région méditerranéenne qui utilisent leur créativité pour remettre en cause les stéréotypes et favoriser un changement positif en abordant d’importants sujets tels que l’égalité des genres, l’inclusion des minorités ou la protection de l’environnement. France 3 Corse ViaStella fait partie de la sélection. La chaîne présentera un documentaire de 13 minutes, projection prévue à Tunis en février 2025.
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