PRUNU,
DI U TO SANGUE PREZIOSU
de Forteleone Arrighi
Aux éditions DES IMMORTELLES
Par Karine Casalta
Première œuvre théâtrale de Forteleone Arrighi et préfacée par Marc Biancarelli, cette pièce, inspirée d’évènements contemporains, explore à travers l’expérience de trois jeunes nationalistes corses, les thèmes de la violence politique et symbolique. Suite à un évènement traumatique qui les conduits vers une radicalisation progressive, ils se retrouvent confrontés à un choix ancestral: vivre dans la honte du déshonneur ou choisir de s’en laver par la violence et le sang.
Comment laver un affront autrement que par le sang? Comment résister à ce besoin viscéral qui transforme immanquablement les vies en tragédie? C’est ce thème fort et puissant que le jeune auteur a choisi de placer au centre de sa pièce, écrite avec non moins d’intensité. La pièce est ainsi construite comme une veillée funèbre, centrée autour d’une «tola», la table traditionnelle où les hommes ayant subi une mort violente étaient exposés. Les femmes entonnaient alors le «voceru» par lequel elles appelaient à la vengeance. Une quête de vengeance à travers laquelle, l’auteur mêle ici le destin de chaque personnage et le destin de la Corse. Par un jeu de métonymie, on assiste à la tragédie de la vendetta corse.
Créée dans le cadre de la Bourse à la nouvelle dramaturgie en langue corse, la pièce a été mise en scène par Paul-Alexandre Fortini, et éditée avec le soutien du Festival de l’Olmu et de la Collectivité Territoriale de Corse.
Deux représentations en seront données les 3 et 7 août à Olmeto dans le cadre du festival de l’Olmu.
Jeune auteur prometteur, Forteleone Arrighi est membre fondateur de la revue en ligne Tempi, écrite intégralement en langue corse, et lauréat du prix Andria Fazi en 2016, Forteleone Arrighi est un auteur émergent insulaire. Passionnéparlalangueetlaculturecorses, ses projets bilingues cherchent à proposer une expérience semblable à l’usage quotidien oral des locuteurs contemporains. En juin 2024, il publie la pièce de théâtre Prunu, di u to sangue preziosu aux éditions des Immortelles dans le cadre de la première édition de la bourse à la nouvelle dramaturgie en langue corse.
Si vous deviez décrire votre pièce en deux phrases ?
Prunu est une pièce à mi-chemin entre la tragédie classique et le théâtre contemporain. Elle plonge dans le quotidien de trois jeunes corses dont chacun des parcours représente une facette de la Corse: le déshonneur, l’exil et la mort.
Comment est né ce projet ?
Ce projet est une sorte de commande d’écriture dans le cadre de la Bourse à la nouvelle dramaturgie en langue corse. Quand le metteur en scène Paul-Alexandre Fortini m’a contacté pour écrire une pièce pour le Festival de l’Olmu, je n’avais jamais écrit de théâtre et j’ai failli dire non. Nous avons très vite échangé autour de questions à la fois sociales, politiques et symboliques. Je me suis rendu compte que ce format pouvait m’offrir une très grande liberté artistique et bien sûr, j’avais carte blanche sur le récit, l’écriture et les messages de la pièce.
Qu’est-ce qui a motivé cette thématique ?
Paul-Alexandre avait une idée en tête, il voulait parler de violence politique. Je crois que tous les jeunes de mon âge ont été profondément marqués par les manifestations de 2022. On avait besoin d’en parler, de mettre des mots dessus. On s’en est librement inspirés et on s’en est affranchis, mais c’est notre matériau de base.
Un évènement qui pourrait vous pousser vers la vendetta?
Pour des raisons légales, je vais m’abstenir de répondre à cette question.
Pour écrire, il vous faut… ?
Des sources, des ressources, des références, des symboles, des citations… Je ne crois pas qu’on inventequoiquecesoitsanscomprendreson sujet et sans s’inspirer de ce qui a été créé avant. Certains concepts sont si bien traités par d’autres qu’il est indispensable de s’en inspirer, parce que, si on ne se plonge pas dans leur littérature, on risque de les paraphraser et de se convaincre qu’on a réinventé la roue!
Une rencontre qui vous a marqué ?
Paul-Alexandre Fortini bien sûr, qui organise un festival de théâtre gratuit dans le rural depuis qu’il a 19 ans. Et les acteurs évidemment avec lesquels nous avons travaillé en écriture plateau (avec beaucoup d’improvisations et de nouveaux apports au texte), sans qui cette pièce serait moins naturelle et équilibrée.
Un lieu qui vous ressemble ?
Je ne sais pas si je ressemble à la forêt d’Aïtone, mais quand je la traverse en voiture de nuit, je me dis que mon esprit pourrait bien ressembler à ça.
Le casting d’un dîner idéal chez vous?
J’ai eu le plaisir d’héberger la première résidence chez moi au village et ce fut un moment formidable ! Je crois que j’aimerais réitérer l’expérience, les conditions de travail sont extraordinaires et c’est un vrai moment de réflexion collective.
Un prochain livre à suivre ?
Sans doute… Une nouvelle pièce est dans les tuyaux sur un sujet très différent, et je sais que j’ai la confiance du Festival de l’Olmu pour mener ce projet dans l’année qui vient.
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