Refus réitéré de baser un Canadair à Poretta. Tentative de transférer à Paris l’hélicoptère Dragon de la sécurité civile durant les Jeux olympiques. Deux attitudes qui dénotent une absence de stratégie des autorités dans une île ou incendies et secours sont prégnants notamment lors des saisons estivales. Mais pas seulement.
Par Jean Poletti
La réalité implique d’adapter les moyens de lutte contre les incendies. Pour autant, la doctrine du ministère de l’Intérieur semble observer une doctrine immuable. Figée et réfractaire au changement. Exemple probant, voilà des années qu’édiles et secouristes réclament le positionnement d’un Canadair à Poretta sans rencontrer le moindre écho. Récemment encore le député Michel Castellani posa avec lucidité la problématique des moyens installés dans l’île. Dans ce droit fil, il demanda, sans succès, l’installation en Corse d’une des bases de Canadair. La proposition est loin d’être saugrenue. Tant s’en faut. Elle s’insère dans une vision globale. Et le parlementaire d’expliciter que la multiplication des sinistres en Corse mais aussi sur l’île d’Elbe en Toscane et alentour montre à l’évidence que Bastia pourrait être la base idéale pour la Méditerranée occidentale. Cette possibilité qui s’inscrivait dans le cadre d’une loi de programmation essuya le sempiternel refus du rapporteur Florent Boudié et de Gérald Darmanin.
Plus factuellement, l’absence récurrente de bombardiers d’eau, sitôt que s’éloigne l’été, n’est pas exempte de dangers. Dans un passé récent, lors du mois de février, notre région fut victime d’un week-end rouge. Une cinquantaine d’alertes simultanées. Les flammes attisées par un vent violent ravagèrent plus de mille cinq cents hectares de végétation. Pis encore les villages de Sampolo, Moncale et Calenzana furent menacés. Ce scénario n’est pas isolé.
Ailes brisées
À chaque fois, en ces périodes printanières ou automnales, un temps précieux est perdu avant l’arrivée de moyens aériens du continent. Les pompiers sont seuls en première ligne, mais leur bonne volonté ne suffit pas face à l’amplitude des foyers. Et des analyses affirment que le succès repose exclusivement ou presque sur l’attaque immédiate du feu. Quand il ne s’est pas encore propagé. Des largages avec deux ou trois heures de retard, faute de logistique sur place, est synonyme de bilans bien plus lourds. Et surtout de la mise en danger accrue des populations.
L’interrogation est de mise. Par quelle obscure raison la flottille des avions jeunes salvateurs émigre sous des cieux hexagonaux à l’issue de l’immuable « saison feu » décrétée en haut lieu ? Économies de bout de chandelle ? Impuissance à se défaire d’habitudes ? Refus patent de scruter l’évidence ? Qu’importent les raisons. Le constat est limpide. De même que les flammes ne connaissant pas la frontière de Vizzavona, elles ne rentrent pas en sommeil au rythme du calendrier.
Prise de conscience à l’avenir sur les bords de la Seine ? Ici nombreux veulent l’espérer. Car un tel statu quo montre failles béantes et inadaptations, encore accrues par le réchauffement climatique. Plus prosaïquement tout concorde de dire que cette carence est à maints égards relative à une imagination qui n’est pas au pouvoir.
Exemple probant
Comment en effet concevoir par ailleurs, la décision de réquisitionner le Dragon 2A aux fins de Jeux olympiques. Dévêtir Paul pour habiller Jacques. Quelle tragi-comédie ! Elle n’aurait pas déplu à Courteline qui ne cessait de flétrir les décisions de ces ronds-de-cuir, en l’espèce la haute administration qui fréquemment guide les décisions ministérielles. Il fallut une mobilisation insulaire pour que cette perspective irréfléchie et inacceptable soit mise en sommeil. « Option inenvisageable », maugréa en écho Gilles Simeoni. Partie remise ? Beaucoup ici le redoutent. Ils ne sont pas certains que ce coup d’essai avorté n’aura pas de suite ? Et de prédire que la base pourrait bien fermer définitivement à plus ou moins brève échéance. Un précédent existe. Nous étions en 2014 et l’annonce en avait été faite. Elle suscita à l’époque déjà une levée de boucliers qui aboutit au maintien de cette unité si utile au vaste domaine de la prise en charge des blessés et des malades. Les plus pessimistes martèlent que la vigilance est de mise. Qu’il ne faut pas baisser les bras. Car sommeille encore et toujours l’idée de redéployer le Dragon sur une nouvelle implantation de la sécurité civile dans le Var et plus précisément sur la commune de Le Luc.
Variable d’ajustement
À l’aune de ces deux décisions, il apparaît que la Corse est à bas bruit une sorte de variable d’ajustement dans les secteurs de la protection et du secours. Aussi deux problématiques qui peuvent paraître différentes se rejoignent pour mettre en lumière, ici le veto, là des velléités d’amputer l’existant.
Est-ce à dire que tout est figé ? Et si une nouvelle gouvernance avait une autre stratégie réduisant à néant ces vieilles lunes aux effets néfastes ?
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