Cycl’eau Corsica ou comment la Corse peut-elle préserver sa ressource la plus précieuse ?
L’IMBUSCHE DI A GESTIONE È DI L’USU DI L’ACQUA ERANU IN CORE D’UN RITROVU MAIÒ QUALCHÌ GHJORNU FÀ IN AIACCIU CÙ PARECHJE DUMANDE È PROBLEMATICHE MESSE IN LUME MA DINÒ UNEPOCHE DI SOLUZIONI. DI PETTU À U RISCALDAMENTU CLIMATICU, À UNA VERA MANCANZA DI RITENUTE O À UN LIVELLU DI PERDITE ALTISSIMU IND’È U NOSTRU RETALE DI DISTRIBUZIONE, CI TOCCA PROPIU À CAMBIÀ DI MUDELLU.
Par Petru Altiani
Le Palais des Congrès d’Ajaccio a accueilli le 19 septembre dernier Cycl’eau Corsica, une grande première dans l’île pour cet événement itinérant dédié à la gestion de l’eau. Une journée, organisée avec le soutien d’acteurs publics et privés tels que la Collectivité de Corse, l’Office d’Équipement Hydraulique de la Corse (OEHC) ou encore l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC), qui a réuni experts, élus, techniciens et citoyens autour d’une question-clé : comment répondre aux défis posés par la raréfaction de l’eau dans un contexte de changement climatique ? L’enjeu est de taille pour un territoire où les épisodes de sécheresse se multiplient et où l’eau, bien que présente en abondance, est mal utilisée.
Sous le thème de la « Sobriété hydrique : les défis et solutions d’après les élus », la conférence inaugurale, animée par Antoine Orsini, hydrobiologiste et président de la Communauté de communes du Centre Corse, a posé les bases du débat. Ce scientifique, habitué à sensibiliser sur les réalités du terrain, n’a pas mâché ses mots : « Il ne pleut pas assez, ou il pleut trop. En Corse, nous vivons des sécheresses longues suivies de catastrophes quand les pluies arrivent. C’est une réalité que nous ne pouvons plus ignorer. Et si nous n’adoptons pas rapidement des mesures concrètes, les conséquences seront dramatiques. » Le ton était donné pour cette journée où plus de 30 exposants se sont succédé pour exposer leurs solutions techniques et leurs retours d’expérience.
Une ressource abondante, mais mal gérée
La situation est d’autant plus paradoxale que la Corse reçoit chaque année un volume de précipitations comparable à celui de la Sardaigne, soit environ 8 milliards de mètres cubes. Pourtant, une grande partie de cette eau s’écoule directement vers la mer, faute de systèmes de stockage et de captage adaptés. En conséquence, les périodes de sécheresse estivale deviennent de plus en plus critiques. « Aujourd’hui, nous sommes face à un défi majeur : comment retenir cette eau, la stocker et surtout, comment l’utiliser intelligemment », a martelé Antoine Orsini. La conférence a permis de mettre en lumière l’urgence d’une action concertée entre les différents acteurs de l’île ; des élus aux agriculteurs.
Au-delà des constats, Cycl’eau Corsica a mis l’accent sur la recherche de solutions concrètes pour mieux gérer cette ressource vitale. Parmi celles-ci, la rénovation des infrastructures de distribution d’eau, très souvent obsolètes. Selon l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, certaines zones de Corse souffrent de taux de fuite particulièrement élevés, parfois jusqu’à 70% du volume transporté. « Avant même de penser à des projets de stockage massifs, il est essentiel de réparer nos réseaux. En réduisant les fuites, nous économiserions déjà une quantité d’eau considérable », a ajouté l’hydrobiologiste cortenais. Cet aspect technique a d’ailleurs été largement abordé lors des différentes tables rondes, avec une insistance sur l’importance des investissements à réaliser dans ce domaine.
Le stockage de l’eau : une solution suffisante ?
Le salon a également été l’occasion de s’interroger sur les différentes options de stockage de l’eau. Faut-il construire de nouveaux barrages, à l’image de ceux réalisés en Sardaigne il y a plusieurs décennies ? Pour Antoine Orsini, cette solution ne doit pas être vue comme un remède miracle. « Les grands ouvrages de stockage ne sont pas la panacée. Les Sardes eux-mêmes reviennent sur ce modèle. Ce qui nous sauvera vraiment, ce sont les économies d’eau et l’adaptation de nos pratiques à la nouvelle donne climatique », a-t-il affirmé. Il a ainsi plaidé pour une approche plus fine et plus localisée, visant à optimiser la gestion de l’eau au plus près des besoins des populations et des territoires.
Cette idée de sobriété hydrique a d’ailleurs été au cœur de nombreuses interventions. L’agriculture, qui représente plus de 50% des prélèvements en eau en Corse, est l’un des secteurs où des progrès rapides pourraient être réalisés. Les techniques d’irrigation comme le goutte-à-goutte ou la micro-aspersion, déjà mises en place dans certaines exploitations, permettent de réduire considérablement les besoins en eau. « Nous devons impérativement moderniser nos méthodes d’irrigation et privilégier des cultures méditerranéennes, moins consommatrices d’eau », a souligné un agriculteur présent lors du salon. Ce dernier a également insisté sur l’importance d’accompagner financièrement la profession dans cette transition, afin de garantir la viabilité économique des exploitations.
La réutilisation des eaux usées : un levier essentiel
Un autre point important abordé au cours de la journée est celui de la réutilisation des eaux usées traitées. Si cette pratique reste encore marginale en Corse, elle est pourtant largement utilisée dans d’autres régions méditerranéennes et pourrait offrir une solution durable à la pénurie d’eau douce. Antoine Orsini, qui défend cette idée depuis plusieurs années, a tenu à rassurer sur la qualité de ces eaux une fois traitées : « Il y a certes une barrière psychologique, mais l’eau usée, une fois traitée, est parfaitement adaptée à l’irrigation agricole ou à l’arrosage des espaces verts. Ce n’est pas une question de danger pour la santé, c’est une question de mentalités à faire évoluer. »
Les débats ont montré que la réutilisation des eaux usées, bien encadrée sur le plan réglementaire, pourrait représenter un complément précieux aux autres sources d’eau disponibles en Corse, notamment dans les périodes de sécheresse. Les participants ont ainsi appelé à une sensibilisation accrue du grand public sur ce sujet, afin de lever les réticences et d’encourager les collectivités à s’engager dans cette voie.
L’urgence d’une adaptation collective
Si Cycl’eau Corsica a permis de dresser un état des lieux des problèmes et des solutions à disposition, il a également souligné l’urgence d’une action collective et coordonnée. L’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a récemment annoncé un plan d’investissement de 15 millions d’euros sur cinq ans pour soutenir la rénovation des infrastructures hydrauliques sur l’île, notamment en ce qui concerne la réhabilitation des canalisations vétustes. Un effort salué par Antoine Orsini, qui estime cependant que ce n’est qu’un début : « Il est temps que les communes prennent conscience de l’ampleur du problème et agissent en conséquence. Réparer les réseaux, c’est déjà un premier pas, mais ce n’est pas suffisant. »
Au-delà des infrastructures, la question de l’adaptation des comportements a été omniprésente. « Nous ne pouvons plus nous permettre de gaspiller cette ressource précieuse. L’eau doit être gérée de manière responsable, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou pour les usages domestiques », a insisté un élu local présent lors des débats. Cette prise de conscience collective semble aujourd’hui nécessaire pour éviter des crises de plus en plus fréquentes et des restrictions d’eau toujours plus sévères.
Cycl’eau Corsica : un début très prometteur
Cette première édition de Cycl’eau Corsica a donc jeté les bases d’une réflexion essentielle pour l’avenir de la gestion de l’eau en Corse. Les échanges entre experts, élus et professionnels de la filière ont permis de dégager plusieurs pistes d’action concrètes, mais aussi de souligner la nécessité d’une vision à long terme. Comme l’a par ailleurs rappelé Antoine Orsini, « le temps presse. Si nous voulons garantir un avenir durable à nos territoires, il faut agir maintenant. L’eau est un bien commun que nous devons apprendre à préserver ensemble ».
L’événement a également contribué à renforcer les liens entre les différents acteurs régionaux et à promouvoir une approche plus intégrée de la gestion de l’eau, prenant en compte les spécificités de chaque bassin versant. En conclusion, Cycl’eau Corsica n’est qu’une première étape, mais elle marque un tournant dans la manière dont la Corse envisage la gestion de sa ressource la plus précieuse : l’eau. Les défis sont nombreux, mais les solutions existent, « à condition d’une volonté politique forte et d’une mobilisation collective », a conclu Antoine Orsini.
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