Atelier Santandrea : fragments de lumière
Le cœur de la citadelle de Bastia a accueilli un nouvel atelier en juin dernier dans l’une de ses anciennes caves au charme empreint d’histoire. Anna Toussaint, jeune céramiste, a choisi d’en faire son lieu de création et d’exposition. L’Atelier Santandrea se situe au 2 rue de la Paroisse. Intime et ouvert, il contient des pièces uniques issues d’un mélange de terre, de textures et de couleurs qui racontent les explorations sensorielles d’Anna et l’aura spontanée de cette artisane-céramiste.
Par Laura Benedetti
Anna est née à Bastia d’une mère corse et d’un père belge. Elle grandit à Bruxelles et passe tous ses étés dans le Cap Corse, à Barcaggio, village familial. Graphiste de formation, elle a d’abord étudié la typographie à La Cambre en Belgique, puis obtenu un master en direction artistique à l’ECAL en Suisse. Après ses études, elle travaille quelques années à la conception de livres d’artistes et de photographie à Paris : « J’ai eu la chance de collaborer avec des maisons d’éditions comme Xavier Barral ou delpire&co. J’ai aussi réalisé des scénographies pour les Rencontres d’Arles et, créé la nouvelle charte graphique pour le Frac Corsica à Corte. »
En parallèle, Anna commence à faire des stages de loisir chez Clay à Paris, et décide de se former plus sérieusement au tournage avec Léa Guetta, une céramiste qu’elle admire beaucoup. Elle prend ensuite un atelier en résidence chez Atelier Inoui : « Petit à petit, je me suis inscrite à des formations de plus en plus professionnelles. Aujourd’hui, je vais trois à quatre fois par an au CNIFOP, l’école des potiers à Saint-Amand-en-Puisaye, pour continuer à apprendre et à me perfectionner. »
Sa grand-mère maternelle, Jeannine Santandrea, avait un magasin d’antiquités sur le Vieux-Port de Bastia. Anna habite aujourd’hui ce même quartier où résonne encore la mémoire de son histoire familiale.
L’appel de la terre
Anna explore de manière transversale les formes, les proportions justes, les courbes ainsi que la rigueur et le souci du détail à partir de la typographie, d’où elle part, à la céramique, où elle chemine. Son fiancé, lui-même typographe, partage cette même recherche et l’accompagne à enrichir sa pratique, nous confie-t-elle. « À la base, la céramique était pour moi un espace de liberté. Cela me permettait de me libérer des contraintes que je pouvais rencontrer dans mon métier de graphiste. Travailler avec la terre m’apportait une connexion sensorielle, que je n’ai évidemment pas devant mon ordinateur {…} Avec la céramique, je peux gérer et décider de tout jusqu’à la fin : de l’idée de la collection, au façonnage des pièces, en passant par le choix des émaux et la cuisson. Je maîtrise chaque étape et je crée ce qui est dans ma tête. Tout est fait au même endroit, et chaque pièce est le résultat de mon travail manuel. Cela me donne un vrai sentiment d’accomplissement et de satisfaction. »Chaque phase de création a lieu dans son atelier bastiais : « Je sens que l’artisanat me connecte beaucoup aux gestes et à la matière. Chaque mouvement que je fais en travaillant la terre ou en appliquant des émaux demande de la concentration et de la patience. Le temps joue aussi un rôle important ; chaque étape prend du temps, et le séchage des pièces demandent une vraie maîtrise du temps. », nous dit-elle.
Là, sur fond musical ou radiophonique, elle modèle ses inspirations sensibles, d’où émergent, peu à peu, des pièces d’usage auxquelles Anna donne une vocation fonctionnelle dans le quotidien. Leurs lignes et formes épurées portent en elles une certaine élégance. Elle nous dit que, « pour imaginer une collection, je commence par observer tout ce qui m’entoure. Celapeut être des formes, des couleurs ou des objets du quotidien. Ensuite, je dessine dans mon carnet, je note les proportions, le diamètre et la hauteur, pour que mes objets soient bien équilibrés. En général, pour chaque collection, je choisis 2 à 3 émaux que j’utiliserai pour tous les objets que je vais produire pendant cette période. Cela leur donne une identité commune et crée une cohérence dans la collection ».Au cœur de l’atelier, Anna y a déposé une carte postale de Giorgio Morandi dont les natures mortes l’inspirent énormément par leur simplicité et leur profondeur : « Morandi a consacré une grande partie de sa carrière à peindre des objets du quotidien comme des bouteilles, des pots et des vases. Je suis fascinée par sa palette de couleurs douces et ses compositions soigneusement équilibrées. Ses œuvres évoquent un sentiment de calme et de sérénité, qui invite le spectateur à réfléchir sur la beauté des objets ordinaires. »
Les couleurs sont également très importantes dans son processus créatif. Elles l’insufflent et guident ses choix d’émaux et de textures : « J’aime voir comment différentes teintes peuvent changer l’apparence d’une pièce et lui donner une personnalité unique. », nous précise Anna.
Si le parti pris de l’artisane est l’épure, son exploration de lignes, d’émaux et de couleurs singularise sensiblement son travail. Libre et expressif.
@atelier_santandrea
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