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Par Jean Poletti
Indestructible. L’exemple d’un opportunisme érigé en doctrine, qui pourrait être enseignée à Science Po. En parodiant le titre d’un film à succès, on pourrait aisément dire Valls le retour. Aux orties les convictions. Oubliées les déclarations martiales. Celui qui s’opposa à Macron fit ensuite acte d’allégeance. Lui qui affirmait faire de Barcelone son nouvel eldorado revint en France sitôt son cuisant revers électoral officialisé. Il trépignait et devint chroniqueur, s’afficha à des réunions politiques auxquelles il n’était pas convié. Effectua des déplacements à l’étranger, en quête de caméras pour donner son point de vue sur les problèmes du monde. Exister. Être sur le devant de la scène telle semblait sa doctrine. Celle qui foule aux pieds ce qu’il avait défendu pour sans cesse s’adapter aux circonstances. Il fustigea avec une belle assurance le droit du sol à Mayotte, qu’il qualifia de manière péremptoire d’erreur d’analyse. Mais s’y rallia sitôt nommé ministre des Outre-mer. On pourrait à loisir multiplier ses changements de muleta propices à l’évitement, pour ne retenir que ses assertions désobligeantes sur la problématique du grand banditisme en Corse. Il brandit la sempiternelle argutie de l’omerta. Accusant à mots à peine couverts la population de ne pas dénoncer les voyous. Dialectique courte, sommaire et injuste du ministre de l’Intérieur d’alors à l’égard d’une population innocente victime, qu’il métamorphosa d’une phrase en coupable par silence. En cela, il épousa tacitement ceux qui traitèrent l’île de « préfeticide » au lendemain de l’assassinat de Claude Érignac. L’ancien chef du gouvernement qu’il fut ne s’arrêta pas en si bon chemin. Tandis que Gérald Darmanin évoquait dans le droit fil de l’Élysée une possible autonomie, il rétorqua dans une tribune au Figaro par « l’indivisibilité de la nation, et le risque d’ouvrir la boîte de Pandore pour tous les communautarismes ». Au rebut, là aussi, les préceptes de son mentor Michel Rocard dont il fut le proche collaborateur et épousait ses thèses. Donnant même à l’époque des leçons de corsisme à ceux qu’il rencontrait. Se souvenait-il, fut-ce partiellement, du cri du cœur de celui qui théorisa la deuxième gauche « Corses libéraux, ne tuez pas la paix. » Ou son discours à l’Assemblée nationale forgé dans l’airain d’un particularisme devant être reconnu ? Valls occulta-t-il sans l’esquisse de l’ombre d’un remords les dernières volontés de celui qui voulut dormir de son éternel sommeil à Monticello ? Décidemment, le brave Edgar Faure ne cesse de faire recette. « Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent. » Telle était sa conduite et son seul livre de chevet pour se maintenir au pouvoir. D’ailleurs, la nomination surprise de Manu dans l’aréopage de Bayrou suscita une pluie de reproches, critiques et quolibets, parfois outranciers. Lui, drapé dans sa superbe indifférence, affirmant qu’il n’avait pas à répondre à ces calomnies. On fera grâce de l’épisode des primaires socialistes, où évincé par Benoît Hamon il rompit le pacte de désistement, partant avec armes et bagages rejoindre le camp macroniste. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Voilà qui chez certains accompagne l’engagement. Se faisant, ils accroissent davantage encore le fossé entre le citoyen et la classe politique, contribuant à faire progresser les extrêmes, le populisme et le repliement sur soi. Écoutons une nouvelle fois Rocard nous dire « La politique c’est dégueulasse parce que les hommes qui la font la rendent dégueulasse. » Que ceux qui se sentent visés baissent les yeux. Certains qualifieront de pamphlet ces quelques lignes. Nullement. Telle n’est pas l’intention. Mais au-delà de l’ambition dévorante d’un personnage, il peut, en ce qui concerne notre île, lui être reproché la sentence injuste qu’il prononça. Renvoyant à la responsabilité collective d’une communauté qui n’en peut plus. Mais a-t-il songé aux dégâts que de tels propos provoquèrent dans l’opinion publique continentale ? Nul ne peut imaginer que tel était le but. Aussi il convient de reléguer ce dérapage sémantique au niveau de l’inconséquence ou de cette frénésie de s’exprimer sur tous les sujets afin de saturer l’impact médiatique et se donner l’impression d’exister. Mais certains disent que l’expérience est le début de la sagesse. S’agissant de Manuel Valls rien n’est plus incertain. Chassez le naturel, il revient au galop. Et pour poursuivre dans cette phraséologie équestre, rien n’interdit de dire que brosser dans le sens du poil tient en l’occurrence lieu de programme pour occuper les bureaux ministériels quittés par la porte et revenus par la fenêtre. Valls, surnommé en son temps le sarcozyste de gauche, laissa en chemin la seconde partie de la formule. Il est désormais ailleurs à l’image d’un Michel Jobert, aussi à l’aise comme ministre de Pompidou puis de Mitterrand. L’équité commande à souligner que Valls se positionna toujours en faveur de la laïcité et son corollaire le combat contre l’islamisme. Un enracinement dont nombreux à gauche se sont exonérés. Les deux visages de Janus ? Puisse la face sombre ne pas étouffer complètement « Manu le kamikaze » comme le nomme un brin ironique François Bayrou…
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