Le palais des chimères, l’édito de Jean Poletti

 

Les jeux sont faits. Rien ne va plus. Au grand casino des idées la Corse  flambe ses dernières  mises.  Assaillie de problèmes,  percluse d’inconnues, elle paie comptant  les récurrentes erreurs et  l’absence d’une stratégie lucide.  Le mal vient de loin. Il s’enracine  sur le terreau de l’illusion  irrigué par  le déni de réalité. Dans une folle fuite en avant, les  questions essentielles  recevaient  inexorablement de fausses réponses. Vains  palliatifs, s’apparentant à  dissimuler la poussière des problèmes sous le tapis de l’histoire.   Les transports maritimes  sont devenus un  véritable goulet d’étranglement. La précarité devient monnaie courante. L’immobilier flambe et tue. Le chômage met une jeunesse à genoux. La ruralité s’habille d’illusions.  L’économie joue un requiem. Triste spectacle.  Une société part à vau-l’eau.  Et tandis que le navire coule, des  faux timoniers se complaisent encore  dans de vaines polémiques, sur le pont des soupirs.

En finir avec le mille-feuille administratif ?  Vous n’y pensez pas mon prince. Laissez nous nos trois cents soixante communes,  les intercommunalités, et les floraisons  de syndicats mixtes. De grâce que perdurent les conseils généraux et la collectivité territoriale. Qui fait quoi ? Empiètements de prérogatives ?  Morcellement des compétences ? Méandres indéchiffrables ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse de l’élu. Même si l’ile doit pour cela boire le calice jusqu’à la lie.

Notre région, est-elle la Lozère ou  quelque coin  banni des dieux ?  Nullement. Elle regorge de potentialités naturelles, et  de personnes qui allient volonté et esprit d’initiative.  Mais ce  panel de richesses  ploie sous le joug  d’une organisation sclérosée. Alimentée par un conservatisme suranné, qui engendre  l’immobilisme et fait éclore les  fruits amers du malheur.

Voilà bien des années déjà, des voix s’élevaient pour dire et affirmer que   notre région  vivait sous perfusion. Transferts sociaux et  subventions étatiques  palliaient  l’absence de  ressources propres. Eternel recommencement.  Sous le soleil, la misère.  Un habitant sur cinq vit  sous le seuil de pauvreté.   L’agriculture est moribonde. Le monde entrepreneurial s’asphyxie. Et l’on nous ressert  sans cesse et toujours l’antienne interrogative quel tourisme pour la Corse ?

Par un curieux hasard, qui défie  l’entendement, dès que certains élus esquissent des pistes nouvelles,  d’autres se lient en une alliance de circonstance pour tenter de les pourfendre.  Statut de résident ? Discriminatoire. Le plan d’aménagement ? Illusoire. Evolution institutionnelle ? Vouée à l’échec. Cet antagonisme qui transcende les clivages  politiques traditionnels a reçu une première réponse lors des dernières municipales.  Deux places  fortes, symboliques entre toutes sont tombées sous une offensive générationnelle. Une recomposition s’esquisse. Dire la forme qu’elle prendra relève de  l’incantation ou des augures de la pythie.  Mais l’avertissement est clair. Malheur à ceux qui ne l’entendront pas.

Jean  Poletti

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