Parti pris – Novembre 2014
Parti pris
Muter ou disparaitre
Se transformer pour ne pas mourir. C’est aussi l’enjeu de notre démocratie. En y regardant plus près, tous les acteurs ne l’ont pas compris de la même façon.
Prenons l’exemple du parti actuellement au pouvoir. Il est de moins en moins connecté au peuple. Les sondages le rappellent cruellement. A mi-mandat le président de la République ne recueille plus que 15% de satisfaits. Certains diront hâtivement qu’il est politiquement mort pourtant il s’exprime encore avec beaucoup de vigueur et promet même une accélération des réformes.
Avec ou sans son accord, son gouvernement développe une capacité impressionnante à lancer de nouveaux sujets de controverses qui sèment le trouble à l’intérieur de son propre camp. A peine nommé à Bercy, Emmanuel Macron suggérait de détricoter les 35 heures.
Au même moment, le Premier Ministre déclarait sa flamme aux entreprises devant 3000 patrons, tirant un trait sur une gauche anti-business, conservatrice, corsetée dans ses certitudes idéologiques. Dans les allées de l’Université du Medef, certains parlaient d’un Bad Godesberg à la Française.
L’offensive de la modernité
C’est une nouvelle génération qui pilonne l’ancienne à coup de déclarations provocatrices. Emmenée par Manuel Valls, cette génération estime que la survie de la gauche passera par une transformation sociale libérale assumée, sans tabou, ni posture comme l’exprimait le même Emmanuel Macron dans le JDD il y a quelques semaines. Plus de tabous certes mais des postures blairistes façon « troisième voie ».
C’est donc bien une guerre des gauches qui est désormais déclarée. Pour sonner la première charge, le Premier ministre a choisi opportunément la sortie du premier numéro de l’Obs, un magazine qui s’est transformé pour ne pas disparaître. Le jugement est sans appel : « il faut en finir avec la gauche passéiste (…) hantée par le surmoi marxiste et par le souvenir des Trente Glorieuses ». Les vrais fossoyeurs de la gauche se reconnaîtront : « la gauche (…) qui choisit de défendre les solutions d’hier plutôt que de résoudre les problèmes d’aujourd’hui ». L’objectif est clair : « se réinventer pour ne pas mourir ». Autrement dit, la gauche socialiste va mourir parce qu’elle n’aura pas sur se transformer. La gauche « pragmatique, réformiste et républicaine » que veut incarner Manuel Valls, survivra parce qu’elle s’est débarrassée d’une idéologie « désastreuse ». Logiquement le Premier ministre va jusqu’au bout en s’interrogeant même sur le changement de nom du PS.
Qui va flinguer l’autre ?
A l’UMP, le débat n’a pas encore pris cette tournure. Mais comme à gauche, la guerre s’annonce sanglante. A ce stade, elle n’oppose pas les anciens aux modernes, les idéologues aux pragmatiques. Elle oppose des hommes qui se battent par media interposés, à coup de sondages et de petites phrases et dont un hebdomadaire se demandait récemment « qui va flinguer l’autre ?».
Durera-t-elle jusqu’aux primaires ? C’est probable. D’ici là, le futur président du parti devra traiter le sujet de sa (re)connexion avec l’électorat, de sa capacité à se transformer. Car c’est bien d’une profonde transformation dont l’UMP a besoin. D’abord une transformation morale. Au-delà des fraudes qui ont entachées la dernière élection interne, au-delà de l’affaire Bygmalion qui a choquée l’opinion, c’est une conception de l’engagement politique que l’UMP doit repenser. Ensuite l’UMP a besoin d’une mutation idéologique, de faire des choix de société clairs et réalistes. Cette exigence ne pourra pas être éludée par une simple clarification du leadership ni par les victoires électorales engrangées lors des derniers scrutins.
Mutations des extrêmes
Aux extrêmes, les transformations se sont à l’œuvre depuis quelques années. Le FN fait sa mue sur fond de succession et donne le sentiment de se réinventer en changeant les mots du discours sans en changer les idées. Du côté du Front de gauche, c’est par l’absorption ou la satellisation des partis pseudo-révolutionnaires qu’il a donné l’impression de sa transformation.
Ouvrons les paris ! Qui changera de nom en premier pour acter le changement ou donner en donner l’illusion ? A l’UMP, l’hypothèse a été évoquée ouvertement. Au PS, même si pour certains, c’est une faute, Manuel Valls l’a proposé comme l’aboutissement d’un processus. Au FN, la transition est en marche avec le Rassemblement Bleu Marine et les observateurs estiment que la disparition du chef historique engagera la dernière phase de la transformation.
Se transformer pour ne pas mourir ou tout changer pour que rien ne change. La politique est toujours pleine de surprises.
Vincent de Bernardi
Exergue « Toutes les formations politiques sont au pied du mur, celles qui n’évolueront pas seront rayées de la cartes »
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