A la une – Septembre 2015
A chacun sa primaire
Par Vincent de Bernardi
Le match que se livrent les candidats à la primaire républicaine de chaque côté de l’Atlantique est fascinant tant sur le plan de la tactique que sur celui du traitement médiatique de la campagne des différents protagonistes. Aux États-Unis, ce sont les outrances de Donald Trump qui font l’actualité. Vues d’ici, elles laissent particulièrement perplexes. Celui que les sondages donnent très largement en tête –mi-aout, il caracolait à 29%, soit 20 points devant Carson, Rubio et Bush – n’en finit pas de provoquer l’opinion mais les sympathisants républicains en redemandent. Mais jusqu’où ira-t-il ? Jusqu’où fera-t-il tomber le débat politique ? Ses déclarations et notamment celles faites en réponse à une journaliste de Fox News montrent qu’il n’a aucune limite. L’establishment républicain se dit choqué mais une partie importante de l’électorat estséduit par celui qui ose le politiquement incorrect. Incontestablement, Trump assure le spectacle. Vingt-quatre millions de téléspectateurs ont regardé le premier débat des primaires républicaines début août, faisant de cette émission la plus regardée de l’histoire de la chaîne Fox News, a annoncé la société Nielsen Media Research. Le débat a eu un écho gigantesque sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, 7,5 millions d’utilisateurs ont participé à des discussions sur le débat et Donald Trump a été le candidat le plus mentionné. Sur Twitter, selon Nielsen Social TV, le débat a été l’événement dominant, devant le dernier épisode du Daily Show avec Jon Stewart, célèbre animateur satirique qui a quitté son fauteuil jeudi. Marquée par les transgressions du magnat de l’immobilier, la primaire républicaine fait la Une des media, pas seulement aux Etats Unis. Elle s’invite largement dans les colonnes des journaux et des magazines européens et notamment français. En pleine période estivale, la polémique a plus d’attraits que les soubresauts de la crise agricole, où que les déchirements de l’Union européenne sur le sort des migrants qui s’entassent à Calais dans l’espoir de gagner la Grande-Bretagne.
Sarko prend le maquis
En France, si la primaire des Républicains a pris quelques vacances comme l’ensemble du pays, les polémiques ont été au rendez-vous de l’été, s’étalant en couverture des hebdomadaires. C’est Nicolas Sarkozy qui en fait les frais pour quelques jours de vacances au domaine de Murtoli. Tout y est passé : le prix de l’hébergement, les supposées relations sulfureuses du propriétaire. Les media s’en sont donnés à cœur joie pour décrire les luxueuses vacances de celui qui n’est plus chez les sympathisants de droite, le seul favori de la primaire à droite. Mais au fond, rien de bien nouveau depuis l’enquête d’Ariane Chemin parue dans le Monde avant l’élection présidentielle de 2012, caricaturalement intitulée les « bergeries de la Sarkozie ». Pourtant, ce qu’il faut retenir c’est le retour sur le devant de la scène de Nicolas Sarkozy au cœur du mois d’août. Il s’agit pour lui d’orienter la rentrée politique et reprendre la tête des intentions de vote. Si les leaders des sondages ne sont pas forcément ceux qui sont finalement élus, il n’en demeure pas moins qu’ils créent une dynamique de campagne souvent déterminantesur laquelle ils peuvent construire une image et un parcours. Chaque candidat poursuit son objectif propre : se maintenir, montrer un renouveau, revenir dans le jeu, conforter une enviable place d’outsider. A la différence de la primaire américaine, personne n’entend jouer le rôle de l’ignoble provocateur, le trublion dont l’objectif est de choquer pour exister. Ici, la provocation et la démagogie sont davantage le fait du Front national. Et ce ne sont pas les tentatives d’éviction de son fondateur qui supprimeront ce marqueur du parti d’extrême droite.
Risque de déficit politique
Au-delà des polémiques, Nicolas Sarkozy a profité de l’été pour poser quelques jalons. On l’a vu en maillot de bain au bras de sa femme dans Paris Match, on l’a lu dans Valeurs actuelles… Une opération orchestrée pour contrer la rentrée d’Alain Juppé, son principal concurrent qui a, de longue date, prévu la sortie d’une série d’ouvrages thématiques dont le premier, à l’occasion de la rentrée scolaire, sur l’éducation. La concomitance de ces deux campagnes de primaires présidentielles dans le camp des « conservateurs » promet sans doute des surprises. Il y aura des débats, des controverses, des attaques mesquines et infondées, des dérapages. Nous devons nous en réjouir car c’est l’un des signes de la vie démocratique. Et ce n’est pas parce que la classe politique est discréditée ici comme outre-Atlantique – il faut dire qu’il y a souvent de bonnes raisons- que la politique doit l’être aussi. En réalité, il faut veiller à ce que les démocraties ne souffrent pas d’un déficit de politique. Il en faut toujours plus. A trop tirer sur ceux qui la font on prend le chemin qui mène à l’autoritarisme.
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