Napoléon – P. Paoli : Le Choc des Titans*
Napoléon remporte son ultime bataille. Celle de la popularité face à Pascal Paoli qui impose malgré tout son empreinte dans l’opinion.
Laquelle de ces grandes figures historiques insulaires préférez-vous ?
Avantage Napoléon. C’est le cas de 59% des hommes, 60% des personnes âgées de plus de 50 ans et de 65% des sympathisants de droite. Paoli réunit 48% des moins de 35 ans, 58% des sympathisants de gauche et 71% des nationalistes.
Entre ces deux personnalités, laquelle a été la plus marquante dans l’histoire de la Corse?
Avantage Paoli. Plus précisément, il s’agit de 63% des hommes, 64% des 50 ans et +, 68% des sympathisants de gauche et 91% des sympathisants nationalistes. Napoléon rassemble 41% des femmes, 43% des moins de 35 ans et 45% des sympathisants de droite.
L’historien et tout nouveau chef du projet napoléonien de la ville d’Ajaccio, Philippe Perfettini nous donne les clés de cette enquête:
« Êtes-vous surpris par la popularité de Napoléon face à Pascal Paoli ? Comment l’expliquer ?
En effet c’est étonnant. Toutefois, depuis quelques années au niveau national, Napoléon est de nouveau sous les feux de la rampe avec une multitude d’émissions spéciales et de docu- mentaires qui lui sont consacrés. Plus récemment, Napoléon a également fait son grand retour au niveau local pour des raisons politiques. Les nationalistes s’en sont emparé lors d’un colloque à l’Université de Corse alors que la droite ajaccienne en avait fait un argument de campagne électorale. Le travail effectué autour de la figure napoléonienne a permis de la remettre au goût du jour; un phénomène amplifié par une large exposition médiatique. Par ailleurs, on assiste peut-être à un éveil général au fait que Napoléon reste un vecteur très fort d’identité. Une référence au temps lointain où la Corse fabriquait des grands hommes et où la France gagnait. Le rappel de cette grandeur napoléonienne fait que le personnage est de plus en plus populaire.
Si vous deviez dresser leur droit d’in- ventaire pour la Corse ?
Ce sont deux grands symboles qui se succèdent. Le premier, Pascal Paoli, a mis en œuvre toutes les théories du siècle des Lumières. La Corse était l’exemple le plus parfait de l’émancipation des peuples, du développement des richesses locales, des premières mesures liées à l’éducation avec l’Université… Son influence a bouleversé l’Europe et bien au-delà. Pascal Paoli est le faiseur de la Nation Corse. Napoléon laisse un tout autre héritage. Malheureusement, on retient en premier l’aspect guerrier et brutal de l’homme qui a installé le général Morand en Corse. Or, le côté positif a été inversement proportionnel au côté néfaste. Il y a eu le plan de développement pour Ajaccio avec l’assainissement du port, de l’air, l’alimentation en eau potable, la création de nouvelles artères… Le même projet avait été prévu pour Bastia mais il n’a pas eu le temps de le réaliser. Pascal Paoli a posé les jalons d’une Corse indépendante et émancipée, Napoléon lui a donné les moyens de se développer en termes d’urbanisme et de volonté politique. C’est un prolongement, pas une rupture. Si rupture il y a, elle réside dans la méthode: l’un est philosophe, l’autre général.
Quel sens donner à l’opposition de ces deux grandes figures historiques ?
Il existe une véritable filiation spirituelle entre les deux hommes. Mais il faut être clair: sans Paoli, Napoléon n’existe pas. Ce qui les a opposés, c’est plus une récupération de l’Histoire. Nous sommes dans les années 70, en Corse. Il faut alors trouver un totem au nationalisme naissant. Naturellement, on se tourne vers la figure du Babbu, l’antithèse sera Napoléon. Il endosse le rôle du «méchant» mais c’est une transformation partiale et manichéenne de l’Histoire. Aujourd’hui, et c’est une bonne chose, on revient sur ces fondements idéologiques pour voir en Napoléon, la figure de la réussite sociale. Parti de rien, il a su tourner toutes les situations à son avantage et il ne le doit qu’à lui-même. Il a été le premier à faire ça dans le monde occidental. Un modèle comme ça dans une région en difficulté comme la nôtre, est définitivement un exemple à suivre. »
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