Edito – Juin 2016
La cagoule et la plume
Par Jean Poletti
Où va la Corse ? Nul ne le sait vraiment. L’écume des choses dissimule et occulte les attentes de la majorité dite silencieuse. A la dérive et frappée par la crise, elle rejette les annonces sans lendemain. Ou marquées au sceau de l’utopie. A écouter tels leaders d’opinion, tout serait possible pour notre île. Comme si la réalité pouvait être rayée de la carte. La méthode Coué, les grandes théories semblent pallier la cruelle l’absence de remèdes. L’optimisme béat et le marché aux illusions remplaçant la stratégie.
En prenant le pouvoir les nationalistes redistribuèrent les cartes. Ils firent basculer la population dans un inconnu, qu’ils disent riche de promesses. Ils ont cassé les codes, dynamité les forces classiques, brisé le fameux plafond de verre. Mais cette invitation sur les chemins de l’identité doit être bordée de résultats tangibles. Sinon le désenchantement pourrait s’avérer aussi spectaculaire que l’engouement.
La réunion dans le maquis du groupe baptisé 22 octobre vient tout à la fois clarifier et obscurcir le jeu. Si on daigne lire attentivement leur texte, on discerne que le fil rouge relie tous les fondamentaux de la lutte pour l’indépendance. Contrairement à ce qui peut être lu et entendu, ici ou là, cette soudaine apparition sur la scène médiatique pose avec acuité la plausible reprise de la violence dite politique. Et dans cette hypothèse nul ne peut dire la forme qu’elle prendra. L’avertissement, aussi enrobé fut-il d’argumentaire rassurant, s’avère limpide. Il tient en peu de mots. Le dépôt des armes est consubstantiel à la souveraineté. Nous revoilà plongés dans une dialectique s’apparentant aux déclarations initiales du Flnc, alors uni. Cela n’est sans doute pas simple hasard de calendrier ou coïncidence fortuite.
La mouvance séparatiste livre deux messages et une mise en garde. D’abord laisser du temps à la nouvelle majorité territoriale. Ensuite faire peser sur Paris la responsabilité des blocages. Enfin se positionner en sentinelle et avoir le libre choix de briser cette longue trêve, qui ne disait pas son nom. En définitive le groupe du 22 octobre, se rappelle au bon souvenir de ceux qui l’avaient prématurément oublié. Il revendique clairement son statut de seul et unique mouvement clandestin. Prend date et dit implicitement qu’il faudra aussi compter avec lui. Malgré le silence assourdissant des réactions, le concept de clandestinité fait un retour fracassant dans le paysage insulaire. Il prend de court l’échiquier politique traditionnel, mais pas seulement. Aiguillon ou gardiens du temple ? Les cagoulards qui disent vouloir apporter leur pierre à l’édifice, n’en jettent-ils pas aussi une dans le camp nationaliste ?
Il serait vain de jouer les augures et d’annoncer l’avenir de manière péremptoire. Pourtant, cette irruption interpelle. D’autant que les auteurs du texte prennent soin de préciser que nul ne pourra se prévaloir de notre organisation ni utiliser notre sigle. Est-ce à dire qu’il tel risque existerait ?
On le voit, au-delà de la sémantique classique et de la dialectique rodée, le propos éminemment élaboré s’enracine dans une doctrine originelle. Paradoxalement, là est sans doute la nouveauté. Tenter par le verbe et l’explication de remettre la trilogie peuple, nation, état, au cœur du discours nationaliste.
Le masque et la plume avant les bombes ?
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