Edito – oct 2016
La Corse au bucher
Par Jean Poletti
Jusqu’où ? Jusqu’à quand ? La Corse est régulièrement sacrifiée sur le bucher du mensonge. Dans une sempiternelle inquisition elle subit les jugements lapidaires, l’injuste réquisitoire et l’inique condamnation. Rien de nouveau sous le soleil. Il suffit qu’un évènement surgisse pour que le concert des détracteurs fasse chorus. Toujours les mêmes antiennes. Xénophobie, prévarication, omerta. Bref, des gens sans foi ni loi. Sénèque et d’autres ouvrirent le bal des faux-culs. Michel Poniatowski depuis la Place Beauvau diagnostiqua en Corse le chromosome du crime généralisé ! Un préfet assassiné ? Une ile préfeticide. Voyoucratie ? Tous complices. Volonté de caïdat sur la plage de Sisco selon le mot du procureur ? Nullement. Des chaines d’infos multipliaient les témoignages partiels, partiaux, mensongers. Comme en écho, d’obscurs sociologues trustaient même les plateaux pour expliquer l’inexplicable, façonnant l’image de coupables avérés en victimes expiatoires de villageois frénétiques. Curieuse alchimie médiatique. Insupportables fumisteries. Eloge du communautarisme dans la presse écrite. Lettre et le néant en quelque sorte !
Sans doute, notre communauté n’est-elle pas exempte de défauts. Loin s’en faut. La critique est même admise si elle est fondée. Pas lorsqu’elle s’enracine dans le mensonge éhonté. Avec comme finalité essentielle de faire le buzz et surfer sur la vague d’une complicité ambiante qui nous représente perclus de vices, ingérables, ne pouvant même pas espérer le qualificatif de « bon sauvage. »
Pourtant, la Corse qui reçoit tant d’injustes leçons serait en mesure d’en donner à cette cohorte de contempteurs, animés d’anti-corsisme primaire. Leur rappeler, par exemple, qu’au temps du servage en France et Navarre, ici Sambucucciu instaurait une démocratie, donnait le droit de vote aux femmes et brûlait les châteaux. Alors que la délation du Juif était un sport national, chez nous tous furent protégés évitant les voyages au bout de l’enfer des camps de concentration. Tandis qu’une foule dense acclamait Pétain a Paris, l’île se soulevait et devenait le premier département libéré. Qu’importent pour ces pourfendeurs patentés les phrases sublimes d’un de Gaulle sur la Corse, la fulgurance de Malraux. L’immortelle thèse de Rousseau. Et tout récemment l’éloge a un peuple de Michel Rocard, exprimant le souhait de dormir de son éternel sommeil à Monticello. Péripéties, anecdotes, banalités pour ceux persistent à tremper leur plume dans le venin.
La désinformation confine fréquemment à la vile propagande. Celle qui demeure a jamais de sinistre mémoire, trouvait alors des réfractaires pour clamer «Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand. » Rien de comparable aujourd’hui ? Pourtant marteler à l’envi que notre communauté est sans cesse et toujours coupable de tous les maux équivaut à la marquer au fer rouge dans l’inconscient collectif. Et la France profonde assimile progressivement les saillies de salle de garde d’animateurs puérils. Réquisitoires récurrents d’éditorialistes. Chroniqueurs abonnés à la vacuité de leurs calembours que récuserait même le sapeur Camembert. La liste est infinie. Préférons les conclusions de l’Hudson Institute, dont le rapport sur le développement économique fit à l’époque grand bruit : « La France prend la Corse comme un sujet de plaisanterie. » C’était voilà près d’un demi-siècle. Nulle raison de cela change. Comme disait Einstein « Deux choses sont infinies, l’univers et la bêtise humaine. Pour l’univers je n’ai pas encore acquis la certitude absolue. »
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