Un New Deal corse
Par Jean Poletti
Vers quel horizon s’oriente la Corse ? Désormais parvenue devant une sorte de carrefour sociétal elle ne peut se fourvoyer dans une voie de traverse. Tout retour en arrière lui sera interdit. Nous sommes confrontés à un choix majeur. Celui qui va dicter le futur collectif d’un peuple. Le bilan de nos difficultés est désormais connu. Les remèdes multiples et variés furent dans le passé des cautères sur jambes de bois. Précarité, économie en berne, jeunesse désemparée, chômage endémique. Chi fa ? Se complaire dans les récriminations ou se draper dans le fatalisme ? Tenter de trouver encore et toujours des coupables extérieurs afin de pallier nos propres errements ? Les faits sont têtus. La vérité aussi. Notre pseudo développement repose à maints égards sur les piliers du tourisme et des travaux publics.
La féroce concurrence du marché des loisirs laisse l’ile face à ses carences et au refus de nous immerger sans réticence dans ce secteur lors des décennies écoulées. La fin de la manne financière étatique a étranglé les entreprises qui vivaient presque exclusivement de grands travaux structurants. Au passage il est assez cocasse d’entendre les adeptes du libéralisme flétrir à tout bout de champ l’Etat interventionniste, et en même temps lui réclamer à cors et à cris des subsides pour remplir leurs carnets de commande. Tocqueville et Marx jouant a embrassons- nous fol amour !
Nul besoin de s’abreuver aux propos d’économistes patentés pour se rendre compte que la Corse est en panne. Certes l’antienne officielle nous affirma depuis des lustres que l’embellie était à portée de main. Mirage sans cesse évoqué et qui ne se réalisa jamais. Entre fausses vérités et sempiternelles vallées des larmes la Corse décroche. Elle s’installe insidieusement dans un marasme ambiant. Le sursaut doit impérativement placer au centre de la réflexion un concept qui vaut doctrine et tient en un mot : sursaut. N’est-ce pas le moment d’imaginer un new-deal insulaire qui bannisse les recettes éculées pour embrasser l’innovation non pas technologique, mais celle qui doit s’ancrer dans les dans les esprits.
Là est le point de départ d’un possible progrès collectif. Il implique que s’esquisse rapidement un projet pour la Corse expurgé des vieilles lunes, des clivages surannés et de la méthode Coué. Dire enfin et une bonne fois pour toutes quel devrait être le visage d’une ile dans la prochaine décennie. Faut-il donner au tourisme la part du lion dans le développement ? Alors il ne faut plus tergiverser. Le dire clairement. Lui offrir enfin les moyens de s’épanouir et le repenser pour qu’il profite de manière directe et induite à l’ensemble des activités. Et à l’emploi. Doit-on pousser les feux des nouvelles technologies pour hisser dans ce domaine une communauté au rang d’excellence ? A cet égard il ne faudra pas se contenter de quelques exemples de réussites individuelles, mais instaurer une véritable culture de l’innovation. Et en toile de fond jouer la complémentarité entre littoral et intérieur, briser les excroissances anarchiques des grandes villes, qui voisineront bientôt avec un désert démographique. Voilà quelques pistes. Elles sont validées par la nouvelle majorité territoriale qui foule aux pieds le fatalisme. Le chantier est vaste. Nul n’en disconvient. Mais s’atteler à la tâche sera sans doute un premier pas vers la réussite.
Il faut admettre et comprendre que nous sommes au milieu du gué. Les risques sont perceptibles. Ecoutons le grand théoricien politique Antonio Gramsci nous dire « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »
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