Le naufrage politique
Par Jean Poletti
Ici aussi, Les dissensions perceptibles dans chaque parti traditionnel évoquent des logiques en bout de course. Les formations classiques paraissent tétanisées devant les grandes aspirations populaires qui se dessinent. Et impuissantes à théoriser une offre politique en résonnance avec les attentes diffuses ou clairement affichées. Evoquer de manière abrupte et sans explication prospective les luttes intestines qui minent la droite ou la balkanisation de la gauche équivaut à se satisfaire d’un constat lapidaire. La véritable interrogation implique d’en sérier les causes profondes et souterraines.
Sauf à être un béotien invétéré, rien n’interdit d’exclure la panoplie de motivations strictement politiciennes. Mais est-ce l’essentiel ? Le camp libéral craquelle et se fissure aussi sur le mur de doctrines différentes renvoyant à l’avenir de la Corse. Certains affichent leur volonté décentralisatrice. D’autres sont d’une extrême frilosité et rechignent à se défaire des consignes nationales. La droite insulaire a sans doute trop longtemps, et impunément, vécu sur ses succès électoraux sans percevoir la métamorphose sociétale. Sans doute plus clairvoyants, tels réclament un changement de logiciel. Un aggiornamento qui permettrait d’initier une doctrine en phase avec les nouveaux enjeux d’une ile à la croisée des chemins. Cela devient urgent. La droite orpheline de véritable vision territoriale s’abonne aux travers de la pulitichella, que ses militants ou sympathisants vouent désormais aux gémonies.
La gauche n’est pas mieux lotie. Voilà peu encore une unité de façade des diverses composantes faisait illusion. Le réveil est brutal. L’arbre ne dissimule plus la forêt des antagonismes. Les dissensions prient leur source dans l’avènement des statuts. Radicaux et communistes campant sur un Aventin du refus plantèrent les premières banderilles. Depuis tout se délita. La perte de Bastia, d’Ajaccio, de Sartène et autres communes furent l’inexorable traduction dans les urnes de ces cassures atermoiements et entêtement à marier la carpe et le lapin le temps d’un scrutin. Les socialistes, sous la houlette de Laurent Croce, furent durant trois décennies un véritable laboratoire d’idée. Les acteurs majeurs des diverses étapes décentralisatrices concrétisées par Defferre et Joxe. Ils payèrent au prix fort, jusqu’ à être laminés, les animosités le double langage ou l’obstruction maladive des autres formations dites amies. Ces mouvances ne pourront pas faire longtemps encore l’économie d’une clarification. Dire haut et fort qu’il existe, chez nous aussi, des gauches irréconciliables. Certes, les raisons du divorce sont différentes de celles qui s’affichent sur le continent. Mais le constat est similaire.
Opération vérité, de part et d’autre de l’échiquier traditionnel. Voilà l’enjeu. L’exigence d’une saine démocratie. Car dans cette confusion l’électeur y perd son bulletin. Dépité, désarçonné, dubitatif, il s’habitue à renvoyer à leurs chères études les disciples de Jaurès, Marx ou De Gaulle !
Certes, des individualités surnagent. Mais ces succès sont personnels. Ils ne sont que le pâle reflet d’un programme ou d’une vision collective.
Désormais, droite et gauche se positionnent exclusivement par rapport aux nationalistes, maitres du jeu, qui sont devenus force de gestion et de propositions. L’opposition réfute ou adhère à la collectivité unique, au statut de résident, à la coofficialité. Quand certains ne manœuvraient pas dans les coulisses sénatoriales pour défaire ce qui a été approuvé sur les bancs de la collectivité territoriale. Mais en corollaire, chacun est fondé à s’interroger sur l’absence de projets alternatifs, condition nécessaire sans être suffisante, pour entamer une éventuelle reconquête du pouvoir.
Les opposants semblent embarqués sur un bateau en panne qui file encore sur son erre. Pour l’heure nul ne distingue de grands capitaines établissant des caps et des équipages cessant leurs mutineries.
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