Les mots laids
Par Jean Poletti
Haro sur Macron qui parla de fainéants ? Mémoire courte des analystes de salon, oubliant que de Gaulle avait qualifié de Français de Veaux. Tandis que Sarkozy qualifiait Chirac de roi fainéant. Ou affirmait que celui qui n’a pas une Rolex a cinquante ans a raté sa vie. Les saillies de nos princes qui nous gouvernent sont en effet longues comme un jour sans pain. Certaines sont bénignes, d’autres plus outrageantes. Toutes conjuguent vers une césure entre le peuple et ses élites. Les sachant et les autres. Dans une sorte de prisme inversé ceux qui veulent parler aux exclus, aux sans grade emploient un langage teinté de populisme. Comme si la dialectique était imperméable aux masses laborieuses.
Le jeu de rôle est donc commun aux apôtres du libéralisme et à ceux de l’étatisme. Quel que soit le sujet, les termes sont réducteurs. Manichéens. Comme si le langage politique devait être impérativement scindé en deux entités, au gré de l’auditoire concerné. Doux euphémisme car celui de clientèle serait vraisemblablement plus approprié. Par quelle mystérieuse alchimie sémantique de fins lettrés utilisent ces formules prisées café du commerce, et autres salles de garde ? Pas de la faute à Voltaire ou Rousseau ! Mais sans doute est-ce là une concession à l’air du temps qui veut que seules les petites phrases et autres mots tranchants aient voie au chapitre dans les chapelles médiatiques. Le président assène devant des grévistes que « le meilleur moyen de se payer un costard c’est de travailler » ? Empruntant lui aussi au registre vestimentaire, Mélenchon de marteler « Le Pen veut m’enlever mon caleçon, trop tard je suis déjà un sans-culotte. » Face à de telles prestations une partie du public applaudit, l’autre siffle. Et inversement. La commedia dell’arte triomphe quand sombre le classicisme. Flatter l’égo de ses partisans, se fondre dans une posture, préférer le buzz à la dialectique est dans l’air du temps. Le slogan remplace l’explication. Tribut a l’audimat ? Partition obligée pour être audible dans une société saturée d’information ? Sans doute. Mais certains mots blessent. D’autres semblent s’adresser à des incultes. Etre soi-même n’est pas une tare en politique. La brutalité ou la commisération ne forgent pas les citoyens de demain. Les Raffinades faisaient rire, mais elles n’agressaient pas. Le premier ministre de la positive attitude eut un jour cette pensée anthologique : « La gravité de la crise, c’est la crise de la gravité. » Amusant. Une dernière pour la route, qu’il prononça en anglais : « le oui a besoin du non pour gagner contre le non. » Notre insoumis national est parfois moins convivial. Ses disciples insulaires veulent faire liste unique avec les communistes lors des territoriales ? Une tambouille grogne méchamment celui qui par ailleurs n’hésite pas à donner une conférence de presse commune avec le patron de la CGT ! Vérité sur les bords de la Seine, erreur entre Liamone et Golu ? En ces temps des formules couperet il ne semble pas illusoire de se remémorer cette formule d’Edouard Herriot, alors président du conseil : « La politique c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde mais pas trop. »
Pas une pincée de bonté dans la cuisine électorale ? Non si l’on en croit Talleyrand « La politique n’est qu’une façon d’agiter le peuple avant de s’en servir. » Bon appétit !
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.