Les chiffres du soleil

Edito

Par Jean Poletti

La mer qu’on voit danser clamait Charles Trenet, qui décelait des reflets argent dans le bleu infini. Moins poétiques mais animés d’un légitime pragmatisme, hôteliers et restaurateurs souhaitent que leurs tiroirs caisses se remplissent en vagues régulières au fil de la saison estivale. A l’aube du grand rush espéré ceux qui fouleront nos côtes et l’intérieur seront une nouvelle fois un apport conséquent. Pour ne pas dire majeur dans l’économie locale. Les chiffres sont têtus. Ils enseignent mieux que longs discours, ou jugements de valeur, que le secteur touristique représente un quart de notre PIB, génère de manière directe ou induite un emploi sur cinq. Et injecte quelque vingt-cinq millions d’euros.

Qu’il soit maitrisé, nul n’en disconviendra. Mais en dénier l’importance relève du procès d’intention. Pourtant certaines voix s’égosillent encore dans le refrain éculé du tourisme mal nécessaire. Comme cela fut d’ailleurs écrit, noir sur blanc, voilà quelques années à l’Assemblée de Corse, dans un contrat de plan état-région. La perception a changé de degré et de nature. Les vacanciers ne sont plus qualifiés avec dédain ou condescendance de pumataghji.  L’eau coula sous les ponts du Golu de l’Ascu ou du Tavignanu. Désormais cette sorte de pensée unique, orchestrée par un microcosme qui irriguait l’opinion publique, vola en éclats sous les coups de boutoir de l’évidence. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas fruit du hasard si le rapport stratégique, présenté par Nanette Maupertuis, fut adopté à l’unanimité par la collectivité unique. Débarrassée de pesanteurs sinon de diktats, le soleil se lève sur une stratégie novatrice. En une sorte de révolution copernicienne, pour la première fois une enquête aux frontières de grande envergure ne cible plus l’offre mais privilégie la demande. Le diagnostic clair et étayé sur les attentes avec en toile de fond les évidentes retombées financières pour notre ile. Initiée par L’agence du tourisme de la Corse, ce document éclaire d’aveuglante manière les désirs de la clientèle, leur quête de séjours qui ne veulent plus être synonymes de bronzer idiots. Bref une bible de saison, dont les professionnels du gite et du couvert sauront faire leur miel.

Changement de paradigme ? Sans doute. Il est en effet grand temps que la sempiternelle question « quel tourisme pour la Corse » soit définitivement enterrée dans les sables de l’oubli.

Que ces quelques digressions ne prêtent pas le flanc à l’accusation de thuriféraire du tout tourisme. Là n’est nullement notre volonté. Mais, dans une interrogation qui se veut clause de style, est-il réaliste tourner le dos ou pourfendre une activité qui procure de la richesse ?

Tourisme patrimonial, vert, culturel, de bien-être. Le panel est riche et varié. Il s’agit d’autant d’options qui portent en germe le fameux étalement de la saison. Une diversification qui ne jetterait aucune ombre sur les établissements étoilés et autre domaine de Murtoli, positionnés sur le haut de gamme.

Tout est dans tout stipule la maxime. Chez nous plus qu’ailleurs la tendance de lâcher la proie pour l’ombre a parfois la force d’une doctrine. Les temps changent. Vivre dans le splendide isolement fait moins recette. Doivent aussi faire amende honorable ceux qui pensaient que l’été serait un éternel synonyme d’affluence. Car à leurs yeux ici le soleil brillait plus et mieux que sous d’autres horizons.

Un tourisme à visage humain est certes souhaitable mais désormais possible. Les antagonismes d’hier doivent laisser place à une authentique volonté afin qu’affleure une réussite collective. Vous dites u turisimu da fà ?

 

 

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