Par Jean Poletti
Comment aider une population précaire, dépourvue d’aides car leurs revenus excèdent légèrement les minimas sociaux ? Le Centre intercommunal d’action sociale du Pays ajaccien relève le défi de l’injustice patente. En organisant récemment son premier colloque il entend contourner la législation couperet qui mutile et ignore des personnes reléguées au rang d’invisibles
D’emblée un constat, cruel et qui doit interpeller les consciences. Dans l’ile un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Ce phénomène frappe certes dans les villes, mais n’épargne désormais plus la ruralité. La microrégion ajaccienne n’échappe pas à ce fléau puisque quarante pour cent de sa population ne parvient plus à joindre les deux bouts. Derrière la froideur des chiffres se dessinent, à qui veut bien faire preuve d’une élémentaire analyse, des difficultés familiales, fréquemment source de drames humains, souvent de frustrations. Toujours d’inquiétude. Cela fut décliné sans ambages par Caroline Corticchiato. La vice-présidente du CIAS, relayée par plusieurs voix concordantes, soulignent qu’au regard des strictes normes ces « invisibles sociaux » n’intègrent pas les statistiques de la pauvreté. Ils sont exclus des dispositifs parfois pour une poignée d’euros. Une double peine en quelque sorte qui frappe de plein fouet retraités, travailleurs, familles, jeunes ou personnes isolées. Poser le problème dans toute son acuité. Cerner les besoins réels afin d’adapter les critères d’accès aux diverses allocations. En un mot comme en cent trouver des solutions. Acteurs locaux et régionaux et aussi des experts venus du continent livrèrent certes un diagnostic sérié, mais en corollaire ébauchèrent diverses pistes pour remédier, autant que faire se peut, à cette logique gestionnaire de l’action publique. Tables rondes et débats abordèrent des thématiques factuelles, qui se fondirent dans une préoccupation unique : Comment réinventer des politiques publiques en adéquation avec le contexte actuel. Concrètement ? Détecter et accompagner cette population émergente qui souffre et trime en silence, presque dans l’oubli. Rapidement, et cela revêt une implacable logique la nécessité d’une approche globale s’imposa. Elle conjugua la stricte question sociale avec des notions d’accès à la santé, au logement, à l’emploi, l’éducation ou encore aux transports.
Approche sociale spécifique
Didier Gelot, en sa qualité d’animateur de cette rencontre, sut privilégier la dimension concrète des propos et interventions. Lui qui fut secrétaire général de l’observatoire national de l’exclusion, sait pertinemment qu’il est toujours préférable de partir du réel pour inventer le possible. D’ailleurs il prêchait pour des convaincus. Tous étaient intimement persuadés que ces douloureuses situations de précarisation ne rencontrent pas de réponse probante. D’où la démarche volontariste et ambitieuse de la CIAS d’adapter son action sociale au territoire. Elle sait les enjeux d’envergure. Ils consistent à empêcher ces « invisibles » d’être happés par la maléfique spirale de l’irréversible misère. Celle qui brise le fil ténu du vivre-ensemble et rabote le concept même de citoyenneté. Cathy Mayeur, responsable du pôle administratif et accès au droit du Centre intercommunal ne dit pas autre chose. Sa formation d’assistante sociale lui permet d’alimenter son propos par le vécu et l’expérience : « Il faut capter ces personnes en difficulté et adapter les dispositifs qui existent déjà. » « Il faut des vraies solutions pour les aider efficacement » surenchérit Marie Hélène Moretti, animatrice de la structure.
Le CIAS n’est cependant pas demeuré inerte. Tant s’en faut. Une expérimentation conjointe entre les travailleurs sociaux et Caroline Corticchiato se déploie depuis deux ans déjà. L’objectif ? Pérenniser une méthode spécifique privilégiant un accompagnement global sur le socle du partenariat. Cela rejoint, à maints égards une volonté et un chemin qui impliquent une nouvelle approche et en incidence un nouveau mode de gouvernance.
Unir les énergies
S’atteler à la tâche est déjà un premier pas vers la réussite stipule l’adage populaire. Du docteur François Pernin président de la coordination de la lutte contre l’exclusion, à Hyacinthe Choury, président du Secours populaire les nombreux intervenants dirent aussi que la superposition des actions et des dispositifs conjugués a une absence ce rationalité dans la répartition des compétences se veulent source de confusion. Et à l’évidence ne sont pas synonyme de clarté. Le Centre intercommunal d’action sociale, qui revendique légitimement un rôle de fédérateur et de coordonnateur des énergies en « pays ajaccien » aspire à mettre en commun l’ensemble des énergies. Une sorte de révolution de velours, afin que l’invisibilité sociale devienne à terme un mauvais souvenirs.
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