Cédric Appietto De toiles en étoiles

L’acteur originaire d’Ajaccio, qui a grandi à Miomo, enchaîne les rôles dans les séries, les longs métrages et autres courts. Des performances exceptionnelles qui conduisent souvent à des rôles de mauvais garçons et pourtant… Rencontre.

Par Véronique Emmanuelli

Cédric Appietto, 44 ans, originaire d’Ajaccio, aime bifurquer et s’ouvrir sans cesse à de nouveaux horizons. Au sortir de l’adolescence, le penchant pour la digression l’amènera à vivre une vie d’étudiant en dilettante. « Je suis né à Ajaccio mais mes parents se sont installés en haute Corse. J’ai dons grandi à Miomo, j’ai fait mes études au lycée de Bastia et après le baccalauréat je suis parti en fac à Montpellier », résume t-il. Il se pose la question de son avenir professionnel. Il est atteint par une sorte de conformisme qui le porte alors vers une première année de médecine. Très vite il a la conviction que l’orientation prise n’est pas la bonne. Durant les années qui suivront, il s’efforcera de trouver le bon chemin du côté des sciences économiques, du droit… Il a un peu de mal à tenir sur les bancs des amphis. À un moment donné, les tergiversations sur son avenir l’inciteront à remettre ses idées en cohérence et à suivre ses états d’âme. Très vite, les malentendus se dissipent. «Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose qui me plaisait. Je me suis lancé dans un deug (diplôme d’études universitaires général) arts du spectacle parce que j’aimais beaucoup le cinéma, le monde du spectacle en général», raconte-t-il. Le pari est réussi. Dans la foulée, le jeune homme complète sa formation en « montant à Paris ». À l’évidence, il a l’endurance des explorateurs. « J’ai fait le tour des cours de théâtre parisiens, je suis passé par le cours Florent, le cours Simon puis, j’ai fini par atterrir dans un petit cours de quartier. Cette structure me correspondait très bien.» Il y a quelque chose de réconfortant, un côté familier. Il s’y sent bien. Il a trouvé son souffle et sa forme. « J’y suis resté trois ans, jusqu’à la fin de ma formation», précise-t-il. Le cursus inclut des influences aussi positives que déterminantes. «Là, je suis tombé sur Charles H. Nischa,un enseignant très humain, qui a su me mettre en valeur et me dire aussi que j’avais des choses à faire dans ce métier», commente-t-il.

Rencontres

D’entrée, Cédric Appietto a donné à voir son talent. Il a aussi témoigné d’une curiosité peu commune. Bienvenu sur les planches ! « Au bout de six mois, on me confiait un premier rôle dans une pièce.
Celle-ci s’intitulait, Cinq hommes sur une chaise. Il était question d’enfermement. Je m’appelais Julien Danvers.» Très vite le jeune insulaire développe une véritable addiction pour le théâtre. Sans doute, parce qu’on puise sur scène beaucoup de matière grise. Les planches laissent des traces, dans plusieurs sens. Il en est persuadé. « Au théâtre, on apprend la discipline, la présence sur scène. Le fait de lire, de jouer des textes, a un impact linguistique important aussi. On prend l’habitude de s’exprimer dans une langue française qui est belle. Cet apprentissage permet de devenir un meilleur acteur. Il m’a été utile pour le cinéma, mais aussi dans mon existence quotidienne. Je prône l’enseignement du théâtre dans toutes les écoles. Tout gamin qui est un peu timide, qui a du mal à s’exprimer, va vite prendre confiance », insiste-t-il tout d’un trait. Son parcours se construira également en «actes», dans les décors de l’Aria, à Pioggiola dans le Giussani. Cette fois, c’est auprès de Robin Renucci qu’il interprète la vie des autres. La période favorise les rapprochements artistiques. Le comédien peut passer à la vitesse supérieure. «Grâce à l’Aria, j’ai croisé pas mal de monde, j’ai rencontré plusieurs metteurs en scène notamment Thierry de Peretti et Cristèle Alves Meira qui m’a proposé une pièce La marelle de l’oubli, tirée de textes de prisonniers et du livre de Jean- Marc Rouilland, ancien membre d’Action directe. Ils expliquaient leurs conditions de vie, la manière dont ils vivaient la prison. Aria a été un déclencheur très important.» Le compagnonnage durera plusieurs années. Dans la feuille de route commune de la réalisatrice et du comédien figurent Vénus de Parks, Les Nègres et Splendid’s de Jean Genet. «Aujourd’hui, elle présente son film Invisible Hero à Cannes. Les choses avancent pour tout le monde. Il arrive qu’on se suive pendant quelques années dans ce métier. Lorsqu’on s’accorde avec les gens. On se retrouve et on donne envie les uns aux autres », analyse-t-il.

« Une île »


Le principe fonctionne avec Thierry de Peretti aussi. Le lien se tisse devant la caméra cette fois, en alternant court et long métrage; entre autres, Le jour de ma mort, Une vie violente. Selon lui, le film construira une part de son identité de comédien. Il revient volontiers sur «une expérience énorme, un des plus beaux rôles dans ma vie. Ce film aborde un sujet important pour la Corse. Il m’a donné, en plus, l’occasion de vivre Cannes avec un film à défendre. C’est ce que je voulais». Cédric Appietto compte bien évoluer toujours en bonne compagnie. « Je choisis mes rôles en fonction du sujet et dans la mesure du possible pas pour des raisons financières ni en vertu de considérations étrangères à ma profession. Car j’envisage le métier de comédien comme le moyen de transmettre quelque chose. Par exemple, sur scène, j’ai besoin de sentir que les textes que je dis ont un impact sur le public, qu’ils font réagir. L’artiste est là pour être le prisme de l’auteur. Je travaille avec des gens en fonction de ce qu’ils ont à raconter. S’ils n’ont rien à dire, en général, cela ne m’intéresse pas », développe-t-il. Il est curieux aussi. Il visite volontiers d’autres formats. Son jeu se diversifie. Cédric Appietto relève le défi de la série télévisée. « À un moment, j’ai enchaîné sur les séries avec «Mafiosa». Je suis apparu dans quatre saisons sur cinq. J’incarnais des personnages différents, Gino Poletti ; le fils du chimiste, un garçon qui n’avait même pas de nom, puis Guy Bastiani, un des hommes de main de Sandra Paoli», énumère-t-il. Il y aura aussi, des épisodes d’«Engrenages» puis de « Section de recherches » et tout récemment « Une île ». « Il s’agit d’une série fantastique réalisée par Julien Trousselier. Elle vient de remporter le prix de la meilleure série française. Le tournage s’est déroulé à Centuri avec Laetitia Casta et Sergi Lopez. Je suis César, la mémoire du village, qui est aussi le détenteur d’un certain secret. On m’a mis une perruque, on m’a bien vieilli pour le coup.» Mais le décor change vite. «J’ai participé à une série dont la diffusion débutera en septembre sur ViaStella et qui s’intitule Over la nuit. C’est une production de Paul Rognoni et de Mareterraniu. L’action s’organise autour d’une station essence reprise par une famille de continentaux dont le fils est atteint du syndrome d’Asperger. Il y a beaucoup de tendresse, d’humour. C’est un beau projet, très proche du cinéma italien aussi.» Cédric Appietto s’est aussi frayé d’autres chemins. Il parvient à être intense sans esbroufe dans Un Prophète de Jacques Audiard. «J’interprète un des Corses, un type plutôt calme et effacé, qui est loin d’être le plus méchant de la bande. Il s’agit d’un petit rôle et de la concrétisation d’un but que je m’étais fixé : tourner un jour avec Audiard avant mes 40 ans, j’avais 33 ans à l’époque», confie-t-il.

Aventures


Il aura encore la nonchalance lumineuse dans L’immortel avec Richard Berry, s’emparera avec une énergie réjouissante de Chocolat, avec Omar Sy. Quoi qu’il en soit, tous les films semblent mener jusqu’au « voyou, au méchant garçon ou bien au flic ». Le côté sulfureux prime. Pour cause de « gueule de l’emploi ». « Je ne suis pas lisse mais pas totalement buriné. On m’imagine, selon le fantasme du commun des mortels, comme un peu voyou. Le cliché agit. Le contre-emploi est très difficile. Des castings d’interrogatoires purs et durs, j’en ai reçu des centaines. Certaines personnes vous sortent de ce rôle, comme Thierry de Peretti. On fait des essais, ça marche et l’histoire est réglée », commente-t-il. Il n’empêche, il continue à faire partie de ces personnages que la foudre a traversés, qui enchaînent aventures et coup du sort. Ce printemps, il a prêté sa voix et sa silhouette à Vidar, naufrageur intrépide, dans un petit village perdu au milieu de nulle part. «D’avril à fin mai, j’ai tourné dans un film intitulé Naufrages, réalisé par Dominique Lienhard. Les prises de vue ont eu lieu à Piana sur la plage de Ficaghjola et à Cargèse en studio. Le scénario, inspiré d’un conte japonais, fait référence à une petite ville quelque part dans le monde. Pour subsister les habitants font naufrager les navires avant de les piller. Vidar est un guerrier. Il est aussi le bras droit du chef du village. Il est là pour aller au carton lorsqu’il le faut », décrit-il. Des histoires abominables, pleines de bruits et de fureur se trament. Cédric Appietto déploie toute son épaisseur en bondissant sabre au clair. C’était prévisible. «Le réalisateur m’a proposé le rôle sans passer de casting. Il est venu me chercher. Il connaissait mon travail, il l’appréciait. Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire de sa première assistante Anaïs Versini. Le feeling est bien passé. Il m’a fait essayer plusieurs rôles et au final, je suis arrivé à Vidar», explique-t-il. Depuis le 27 mai, le comédien a cessé d’arraisonner les goélettes, à la tête d’une horde féroce. Il a revêtu costume croisé et borsalino, a gominé ses cheveux pour devenir un autre homme, François Marcantoni plus précisément. Mais c’est la plus célèbre des mères maquerelles qui crèvera l’écran et qui donnera son nom au film, Madame Claude.

Musique


Le comédien est en perpétuel mouvement, en plein renouvellement. Cédric a du mal à se mettre en pause. Il retrouve des sensations théâtrales avec Orlando Furioso dans Ulysse sans terre, excelle à changer de registre. « J’ai co-écrit un scénario avec Corentin Lecourt et Jean-Louis Rossi. Nous cherchons à présent à co-réaliser. J’ai envie de me mettre à la réalisation. Il s’agit d’un « buddy movie » (film de potes) qui
se passe en Corse. J’espère me donner un second rôle, qui renvoie à quelqu’un de candide, certes bas de plafond mais une vraie personne humaine avec ses principes. Je me suis inspiré de toutes les anecdotes que j’entends localement, de mes références filmiques, Francis Weber, Blake Edwards, les frères Cohen. J’affectionne le comique de situation, les univers un peu barrés qui frôlent l’absurde », assure-t-il. Sa trajectoire est désormais indissociable de la musique aussi et du groupe Kanaï formé avec Jean Castelli, Hervé Damiani, Adrien Ribat et Alexandre de Sèze, son co-auteur et co-compositeur. «De fil en aiguille, on s’est dit pourquoi ne pas faire de la musique ensemble », commente-t-il. Ainsi va la vie d’artiste !



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