Edito par Jean Poletti
La cause est entendue. La messe dite. Noël, sans cesse recommencé, est promesse de quiétude. L’homme à la houppelande écarlate a préparé ses rennes pour ses périples de rêveries enfantines. Tout serait-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? La carte postale est écornée. Floutée par les turbulences qui agitent la planète. Assombrie au gré des drames qui confinent parfois aux assauts contre un peuple. À l’image des Kurdes abandonnés de tous après avoir été un rempart contre l’islamisme. Le message Urbi et orbi s’apparentera cette fois encore à une voix prêchant dans le désert. Faut-il désespérer ? Nullement. Cette fête transcende à bas bruit les strictes limites de la religiosité. Elle incite à une quête de sagesse et d’humilité pour rechercher la paix et le progrès partagé. Utopie? Sans doute. Mais sans elle, quel espoir de lendemains meilleurs? Aragon nous chuchote à l’oreille son vers prémonitoire: Celui qui croyait au ciel/Celui qui n’y croyait pas/Tous deux adoraient la belle/ Prisonnière de soldats. N’est-ce pas là plus belle invitation à la concorde par-delà les clivages politiques ou religieux? En ce jour de fête, l’imaginaire semble se fonde dans le réel pour en appeler au bonheur, dont le poète disait qu’il rendait sa lèvre sèche tant l’espoir était grand. Voilà sans doute le cœur battant qui anime une nuit à nulle autre pareille. Le souhait universel entre croyants, laïcs ou libres penseurs d’un monde où enfin pourra éclore sans entraves la formule «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté!» L’écho de cette supplique, qui défie l’espace et le temps, parvient naturellement jusqu’à notre île. Ici aussi, et davantage que sous bien d’autres cieux, il relaie une espérance diffuse et palpable à la fois. Qu’il s’agisse du traditionnel notamment du capile, ou de la cérémonie de l’ochju, les symboliques s’enlacent dans les méandres de l’existence quotidienne. Ici réchauffer les corps et les âmes. Là prévenir le mauvais sort. Partout tenter de forger un meilleur avenir.
Altruisme et partage encore avec cette coutume qui survit dans nos villages ou lors des agapes on dresse la table avec un plat en plus: celui du pauvre. Au cas où un tragulinu ou quelque passant égaré frapperait à la porte pour demander gîte et couvert. De la tradition à la modernité, le pas est vite franchi. L’une s’étiole, l’autre s’impose. Et u natale nustrale n’échappe pas à cette règle non écrite. Le cabri et la polenta n’est plus le menu privilégié. Il prend pour ainsi dire une bûche ! Même sort pour le dessert. Tandis que le rituel de mettre dans la cheminée u ceppu fut enseveli sous les cendres d’un naguère révolu. Du passé faisons table rase ? Nullement. Timidement ces pratiques sortent de leur profonde léthargie. Sans doute sont- elles le fruit d’une conscience générationnelle qui aspire à revisiter notre particularisme. Et c’est tant mieux. Sans vouloir jouer les pères fouettards, ni entacher plus que de raison l’harmonie d’un moment où les enfants sont rois, il convient toutefois d’avoir une pensée émue pour tous les précaires qui seront exclus de la fête. Ils sont chaque année plus nombreux. Et si certains accepteront de trouver un peu de réconfort auprès des organismes caritatifs. D’autres par pudeur demeureront cloîtrés dans l’isolement funeste compagnon de la misère. La digression n’a pas pour finalité de faire pleurer dans les chaumières. Mais de rappeler ici et maintenant que l’égoïsme est encore plus insoutenable à l’instant où l’on met le mot partage sur un piédestal. Brisons-là cet appel aux consciences que nous voulons croire inutile tant il est largement partagé. Et pour finir sur une note plus harmonieuse et quelque peu cocardière rappelons que si le père Noël est éternel, c’est un peu grâce à Tino Rossi. Dès lors, dans une explication puisée dans la hotte du chauvinisme, osons dire que le bonhomme à la barbe blanche qui distribue des présents aux petits et grands n’est pas finlandais. Il est corse. La preuve, il dit avanzemu pour encourager son attelage volant!
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