Ne plus changer l’eau des fleurs

Billet d’humeur

Par Nathalie Coulon



C’était le petit post-it imaginaire du matin que je m’étais épinglée dans un coin de ma tête : 

– Changer l’eau des fleurs. 
Moi, j’étais bien décidée à le faire à l’inverse de Viktor Lazlo en 1985 qui nous murmurait : « …Ne plus changer l’eau des fleurs
Se dire qu’on n’était pas vraiment fait pour le rose… » 
Troublant cet air du temps qui nous inflige tant de nostalgie, de douceur et de légèreté. 
En Covidie, nous n’en sommes plus là. 
La légèreté a laissé place au lourd, au triste, l’irréversible parfois. 
Nous sommes devenus obsédés par le présent et pourtant ce besoin d’imaginaire me taraude tant. Les sentiments à distance sont devenus un véritable frein à la spontanéité, le port du masque n’en parlons pas !
Les informations concernant la progression du virus ne nous réservent rien de génial, d’ailleurs sur l’île les tests PCR toujours d’actualité et tant mieux puisqu’on sait dorénavant que les virus anglais et sud-africain circulent ici ! 
J’aurais préféré un week-end à Londres ou un long séjour pour sillonner Cap Town (Le Cap) et m’émerveiller plutôt que récupérer leurs miasmes trois fois plus contagieux que la Covid-19. 
Tout cela est d’une lourdeur ! 
Plus aucune place à la distraction, la culture, un bon ciné, un bon dîner, un concert où se dandiner. Même tout ce vocabulaire me paraît désuet ! 
À force de vouloir se réinventer, nous baignons dans un jus d’angoisse. Bien connu sous le terme de l’affanu en Corse. Il faut dire que la culture corse et les traditions sont ici bien austères, bien noires, on porte le deuil et le noir comme on porte un fardeau, cette île si belle pourtant si triste.
Il suffit d’allumer son poste de radio ou de télé pour presque quotidiennement entendre qu’il y a eu un assassinat. J’ai toujours une pensée pour leurs mères, Chi affanu !
La violence sait aussi tirer sa révérence quand pacifiquement les familles nationalistes se sont réunies à Corte pour manifester leur soutien aux prisonniers Ferrandi et Alessandri et leurs statuts de DPS controversés. Ils veulent et sont dans leurs droits de vouloir rentrer sur leur terre. Malgré la raison de leur emprisonnement sur laquelle on peut avoir un avis contraire, il faut respecter la loi. 

Par contre, ce n’est pas pacifiquement que les jeunes nationalistes ont été reçus à la préfecture d’Ajaccio, ils en sont ressortis à coup de matraque sur la tête. 

Entre réprimandes autoritaires et couvre-feu, tout ce contexte particulier n’est pas propice à l’optimisme ambiant.

Et pourtant, la terre nous rappelle que l’hiver est bientôt finissant, que le mimosa embaume les ruelles et que les jours rallongent. 

Les hommes ont envoyé un robot sur Mars. Nous avons pu voir son sol et son environnement et on nous balance de là-haut que la Terre vue de la planète rouge est insignifiante. Quelle leçon d’humilité que tout ça ! 
Nous serions donc insignifiants dans l’univers.
Je suis interpellée mais pas choquée.
Le Covid nous aura appris à nous isoler, à nous imposer une jauge sociale, à nous défaire des autres par revers de boomerang. 
Mais que nous est-il bien donc arrivé ? 
Quand on sait combien il est important de se fréquenter, échanger, parler, qu’ici avant même de se présenter, on te demandera : « È di qualè si tu? » 
« De qui tu es toi ? », pour la traduction littérale. 
Tout ça pour savoir qui tu es ? D’où tu viens ? 
Parce qu’en Corse, les liens d’affection, de parenté et de sang sont à nuls autres pareils !
Deux mètres de distance, ils nous disent maintenant…
On n’en voit plus la fin ! 

Il ne nous manque plus que : « Ne plus changer l’eau des fleurs… »
Letizia Bonaparte disait : « Pourvu que ça dure… »
Sorry, Letizia mais moi je dis : Non ! 

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.