Faire partie de la même famille, avoir les mêmes envies et des compétences diverses : c’est la combinaison gagnante pour créer une première entreprise quand on est jeune. Deux notions sont essentielles et généralement acquises, dans cette démarche en famille : la confiance et la communication. Pour Louis et Paul-Victor Harmand-Santoni, déjà très proches, avant de décider de travailler ensemble, leur projet est apparu comme une évidence. Ils se sont engagés avec la même passion dans l’aventure unique et humaine de la création d’entreprise. Leur lien est leur moteur. Et même si parfois, au fil des questions chacun prend la parole, c’est très souvent d’une unique et même voix qu’ils s’expriment, comme si chacun pouvait répondre à la place de l’autre. Illustration.
Par Anne-Catherine Mendez
Quel est votre parcours respectif ?
Louis : Je suis titulaire d’un bac technologique en gestion, j’ai fait ensuite une école de commerce à Marseille, aujourd’hui je suis alternant en master management entrepreneurial. Au niveau professionnel, très jeune, je me suis intéressé au monde de l’entreprise. En 2016, j’étais encore au lycée, j’ai créé une société de son et d’éclairages, pour accompagner les tournées de certains groupes corses. Pendant mon stage de fin d’études d’école de commerce, je suis parti à Montréal, travailler pour un groupe hôtelier pendant environ 6 mois. J’ai eu également l’opportunité en tant qu’apprenti de collaborer avec le club de football ACA et la brasserie Alba.
Paul-Victor : Je suis diplômé d’une école de commerce, niveau licence. J’ai effectué un premier stage en marketing en Australie pendant 6 mois. J’ai ensuite poursuivi mon cursus dans la finance. Pendant mon année de césure, je suis parti travailler plusieurs mois en Californie pour un groupe agro-alimentaire, puis j’ai fini mon master 2 à la Banque de France à Ajaccio. À chaque fois, j’ai eu des propositions d’emplois, mais travailler en Corse était pour moi la seule alternative possible.
Comment est née votre idée ?
Le projet est né en 2014 sous l’impulsion de notre frère Pierre-François Albertini, qui avait détecté le besoin pour les entreprises corses, d’avoir un référent local en matière d’ergonomie au travail. Mais ses nombreuses activités professionnelles ne lui ont pas permis de poursuivre le développement de son concept. À la fin de nos études respectives, nous avons alors longuement mûri l’idée avec lui afin de créer une organisation capable de proposer du matériel de bureau ergonomique pour l’aménagement de postes de travail, que ce soit pour des situations de handicap ou pour la prévention des troubles musculo-squelettiques. Evexia Ergonomie a vu le jour en octobre 2020.
Pierre-François est une sorte de mentor pour nous, il nous a toujours encouragés dans cette voie, il a mis à disposition son expérience, ses locaux pour nous permettre de nous développer. Encore aujourd’hui, il nous conseille énormément. Cet accompagnement fraternel nous renforce.
Quel service proposez-vous exactement ?
Nous avons deux types d’activités, deux axes de développement. Le premier s’adresse essentiellement aux travailleurs handicapés dont le poste de travail doit être aménagé afin d’assurer le maintien dans l’emploi. Dans ce cadre, nous intervenons sur préconisation de la médecine du travail ou d’organismes spécialisés comme Cap Emploi qui favorise l’insertion des personnes en situation de handicap dans la vie professionnelle.
Nous ne sommes ni ergonome, ni ergothérapeute, mais nous proposons des solutions adaptées et préconisées par le diagnostic de professionnels dont c’est le métier.
Le deuxième volet de notre projet est dédié à la prévention. À la demande d’une entreprise, nous intervenons pour faire un diagnostic de l’environnement de travail. Nous rédigeons un cahier des charges et nous proposons des solutions ergonomiques.
L’ergonomie au travail ne consiste pas seulement à avoir un siège spécifique. Tout l’environnement peut être amélioré comme par exemple des cloisons acoustiques, des souris et claviers ergonomiques, des bras d’écrans, des pupitres, des repose-pieds, des casques téléphoniques spécifiques, des luminaires appropriés, etc.
La gamme d’intervention est très large et le conseil est essentiel. Jusqu’à présent la Corse ne bénéficiait pas d’une entreprise installée localement, aujourd’hui nous pensons devenir un partenaire fiable. Nous travaillons en partenariat avec le leader français de ce type de matériel. Nous avons longuement échangé avec les responsables de l’entreprise Azergo, nous nous sommes formés. Aujourd’hui, nous évoluons dans une relation de confiance, et nous partageons les mêmes valeurs.
Vous êtes donc chefs d’entreprise depuis peu, est-ce que cela correspond à un rêve d’enfant ?
Ce qui correspond à nos convictions, c’est l’activité que nous avons choisie. Nous pouvons améliorer les conditions de travail d’une personne. Nous vendons du bien-être au travail et sincèrement c’est valorisant. Nous sommes en accord avec notre vision du monde de l’entreprise. L’ergonomie est un métier éthique, on ne plante pas des arbres à l’autre bout du monde mais on permet à un travailleur handicapé de maintenir son activité par exemple ! Et quand tu te lèves le matin avec cette perspective, ta journée a une autre saveur.
Quelle vision avez-vous du monde économique en Corse ?
Paul-Victor : Je baigne depuis l’enfance dans un milieu d’entrepreneurs, et créer mon entreprise était naturel pour moi, et en Corse, vitale. Sur l’île, de nombreux marchés sont à explorer, avec une forte potentialité de développement. Beaucoup de jeunes comme nous ont conscience de ces potentiels, on peut être source de propositions et d’actions.
Louis : Le marché de l’emploi est délicat en Corse. Pour moi, entreprendre sur l’île est une façon de créer mon propre emploi, de contribuer au développement de la région. À notre échelle aujourd’hui, nous sommes sur un axe de développement de bien-être au travail, de solutions innovantes. Cette ambition de créer, il ne faut pas qu’elle s’amenuise. La Corse est une région qui souffre, en particulier pendant cette période de crise sanitaire, mais nous devons proposer des alternatives pour rester productif. Le télétravail par exemple en est une.
Dans votre jeune vie d’adulte, avez-vous déjà croisé l’échec ?
Paul-Victor : Oui, celui de ne pas avoir pu avoir une carrière de footballeur professionnel. À 15 ans, j’étais capitaine de la sélection corse, je vivais mon rêve. À 18 ans, quand tu te rends compte que tu ne seras pas parmi les meilleurs, que tu n’as plus de contrat, il faut lâcher ton rêve. Ce fut compliqué, cela reste un échec pour moi mais c’est très formateur.
Louis : Pour moi, ce fut de ne pas maîtriser l’anglais quand il a fallu partir à l’international. (rire).
De quoi êtes-vous fiers aujourd’hui ?
Paul-Victor : Je suis fier de vivre ici, d’être capable de produire quelque chose.
Louis : Moi, c’est la même chose, mais d’avoir pu entreprendre avec mon frère, c’est une saveur différente, c’est un bonheur.
Avez-vous une devise ?
Paul-Victor : La fraternité au sens littéral du terme, la famille, la fratrie, l’esprit familial.
Louis : De nos passions, de nos convictions, contribuer à un engagement collectif, solidaire.
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