Par Jean Poletti
Dans un long texte accompagné d’une vidéo les clandestins « Union des combattants » et « 22 octobre » sortent de l’ombre. Une démonstration de force qui s’inscrit dans le prolongement de la communication de juin dernier, à l’orée de l’élection territoriale. Cette fois le ton est incisif. L’argumentaire sérié déplore, avertit et menace laissant planer la fin de la démilitarisation de l’espace politique.
D’emblée est acté le succès de Gilles Simeoni et de sa majorité. Mais il s’agit aux yeux du Front d’une victoire qui met sous l’éteignoir les fondamentaux de la lutte de libération nationale au profit d’un post-nationalisme portant en germe un néo-clanisme. En contre-point l’attitude du Partitu di a Nazione est signalée pour avoir fusionné avec Corsica-libéra, qui on le sait n’avait pas atteint le seuil de qualification au soir du premier tour du scrutin régional. Tandis de Core in fronte est salué pour son retour dans l’hémicycle.
Malgré cette analyse liminaire, faite de remontrances et de satisfécits, pour le Flnc l’essentiel est d‘une autre veine et d’une dimension différente. Il croit dur comme fer que les suffrages engrangés au fil des scrutins, passant de 35% puis 57% et enfin 68% ne changeront rien ou presque. Il s’agit selon le qualificatif utilisé de victoire à la Pyrrhus. Electorale avant d’être politique.
La nuit combattante ?
S’agissant de l’Etat, l’explication bannit l’esquisse de l’ombre de la mansuétude. Il est qualifié d’aveugle et sourd alors que les scores nationalistes sont chaque fois plus probants. Et en corolaire malgré la longue mise en parenthèse des actions violentes. Paris a-t-il pris cette mise en sommeil pour un renoncement? La discrétion comme un signe d’abandon? Ce serait une erreur stratégique, aux conséquences extrêmes, annonce le Flnc. D’où l’avertissement qui sonne comme une ultime mise en garde «si la politique de l’Etat perdure nous reprendrons définitivement les chemins de la nuit combattante».
Au fil des cinq pages du communiqué les spéculateurs sont aussi dans le viseur. A l’image des mafieux et leurs liens avec le mouvement national. Là aussi le message est clair, il indique que de représailles interviendraient si d’aventure des militants étaient visés.
Le verbe est par ailleurs particulièrement acéré à l’égard de certains, qu’ils soient promoteurs immobiliers pollueurs ou élus ayant une porosité avec la voyoucratie. Tandis que sont ciblés sans ménagement les nouveaux arrivants, d’hier d’aujourd’hui et peut-être de demain : «Nous leur disons que cette terre n’est pas la votre. Et plus particulièrement aux Français qui pensent être chez eux sur la terre de Corse. A Francia fora.»
Au gré de cette communication, il est aisé de comprendre que le fil conducteur atteste la volonté affichée de la structure clandestine, sinon de revenir au centre du jeu, à tout le moins de reprendre toute sa place sur l’échiquier. Ses deux composantes sont désormais rassemblées. On se souvient qu’elles avaient respectivement déposé les armes en 2014 et 2016. Ce temps semble révolu. Elles affirment à l’unisson, dans un non-dit éloquent, que leur patience, et la bonne volonté dont ils firent preuve, arrivent à leur point limite. En schématisant quelque peu disons qu’ils sont fondés à reprendre leur liberté d’action. Et d’agir à leur guise, sous les formes qui leur sembleront les plus opportunes.
Pavé dans la mare
Dans une sorte de rappel à la fidélité historique il est d’ailleurs dit et martelé que «Le Flnc n’a pas vocation à abandonner la lutte, alors même qu’aucun des objectifs pour lesquels il a été crée n’a été atteint.» Aussi invite-t-il au ressaisissement les frères d’armes devenus pacifistes, et invitent les anciens combattants et les jeunes qui utilisent parfois avec légèreté le sigle Flnc à rejoindre leurs rangs. Et à ces militants qui alertent sur le risque de la répression la réponse tombe tel un couperet : «Comme toujours depuis cinquante ans c’est nous qui risquons la prison. Ils peuvent dormir tranquilles.»
Au chapitre des réactions soulignons celle de Laurent Marcangeli pour qui «La Corse ne doit pas revenir en arrière avec une reprise d’actions clandestines que nous avons malheureusement connues par le passé.» Et d’ajouter en substance que la vie politique doit être composée d’acteurs ayant pour objectifs le combat démocratique à visage découvert. Le propos est plus nuancé concernant Jean-Christophe Angelini. S’il s’inscrit en opposition directe face au retour possible de la violence, il partage une partie de l’analyse du Flnc sur la situation de la famille nationaliste aux responsabilités. A ses yeux les causes seraient àrechercher du côté de Femu a Corsica et de l’Etat
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