Une première à Belgodère, et un événement rare en milieu rural. Un bâtiment fonctionnel et coquet a été construit. Il abrite une école, un centre culturel et un espace sportif. La démonstration par l’exemple est ainsi faite que la persévérance et le volontarisme peuvent battre en brèche l’étiolement des communes excentrées.
Par Jean Poletti
Lionel Mortini peut avoir le sentiment du devoir accompli. Ses efforts pour réaliser un ambitieux projet ont porté leurs fruits. Ce n’est pas encore l’heure de la récré pour le maire, tant ses tiroirs fourmillent de dossiers. Mais à l’évidence, faire sortir de terre dans un village une construction, dédiée à la jeunesse et au savoir, confère à un mandat électif ses lettres de noblesse. Nul ne se méprend. Au-delà de l’inauguration qui se déroula en février, c’est une pierre blanche qui fût scellée. Elle indique mieux que longs discours et propos théoriques que l’essor de la jeunesse est non seulement souhaitable mais aussi possible en marge des grandes agglomérations. Car en creux, et de manière incidente, cette belle réalisation est l’exemple d’une insigne réussite qui couronne le volontarisme. Il atteste que vivre et apprendre au village n’est pas une utopie et en incidence que le dynamisme ne se décrète pas. Il s’édifie, à l’image de ce groupe scolaire.
Belgudè, alliant avec bonheur tradition et hommage, inscrivit au fronton de l’école le nom de « Bonfigliu Guelfucci », baptisa « Primo Levi » l’espace culturel. Et de U cinque maghiu mai pu, l’ensemble sportif, en résonance avec la tragédie de Furiani, où le maire et une dizaine de jeunes de la commune furent blessés.
Sans verser dans les détails chiffrés et les éléments techniques ou architecturaux, disons simplement pour fixer les esprits que l’ensemble oscille autour du million d’euros. Majoritairement financé par la collectivité de Corse et une quote-part de l’Etat.
Sur les bancs de la citoyenneté
L’école, déjà opérationnelle, labellisée Eco Scola, devrait accueillir dès la prochaine rentrée près d’une centaine d’élèves. Elle sera, affirment leurs initiateurs, non seulement un lieu de savoir, mais aussi de respect des autres et des différences. Tout en portant haut la bannière de l’expérimentation des libertés et pour tout dire de la citoyenneté. En l’occurrence, ces propos ne relèvent pas de la simple intention. Ou des formules de circonstance. En effet, elle accueillit sans réticence une famille syrienne. Le père devint employé communal, les quatre enfants scolarisés. La fuite d’un pays livré à la guerre aux bombes prit fin.
Ces réfugiés se sont parfaitement intégrés et s’épanouirent dans leur nouvelle existence à des milliers de kilomètres de la peur et des morts. Un exemple qui rejoint l’approche altruiste d’une communauté villageoise, et de la doctrine du premier magistrat municipal qui démontre ainsi l’alliance du nationalisme avec l’humanisme. Voilà parfaite illustration qu’un particularisme revendiqué n’est pas synonyme d’exclusion ou de replis.
Mais ne voulant sans doute pas se parer de lauriers, Belgodère ne met pas en exergue ses réalisations diverses et variées. Elles renvoient à des domaines différents. Mais toutes convergent vers la revitalisation du rural. Davantage qu’un objectif, il s’agit d’une mission collective, tant elle est partagée par les habitants et les édiles.
Fil d’Ariane
Que l’on évoque la caserne de pompiers ou de la récente ouverture d’une épicerie communale, d’autres innovations et bien évidemment du récent complexe, un fil rouge semble les relier dans une complémentarité mutuelle. Offrir les atouts du bien-être et du vivre ensemble, fixer la population active ou retraitée, et l’amplifier par un afflux supplémentaire, séduit par les prestations et l’offre sociétale.
Dynamiser. Briser la spirale de l’exode vers la ville. Et en épilogue, illustrer qu’à flanc de montagne aussi l’existence peut être un long fleuve tranquille si tant est que les prestations soient au rendez-vous. En boutade la formule d’Alfonse Allais peut apparaître comme évidente : « Il faudrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus frais. »
Cette sorte de quadrature du cercle est sans conteste en grande partie résolue du côté de Belgodère.
Mais il devra partager son prix d’excellence avec son voisin Moncale. En ce lieu aussi, le chemin des écoliers peut de nouveau être fréquenté après quarante ans d’oubli et de déshérence. Une maternelle a rouvert ses portes, accueillant dix-sept potaches. Sous le regard bienveillant d’une enseignante bilingue.
Le jeune maire, Jean-Baptiste Filippi, dut peaufiner sa copie et s’armer de ténacité. L’épilogue heureux nécessita des démarches longues et ardues. Mais il ne va pas se contenter du tableau d’honneur ni des encouragements pour reprendre des termes scolastiques. En point de mire, les félicitations méritées lorsque d’autres classes seront ouvertes dans un proche horizon. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Brillante copie
Ainsi deux concrétisations adoubent la microrégion balanine. Nous revient en mémoire cette phrase d’un ancien recteur : « Lorsque nous fermons une école, nous ne faisons que parapher la mort d’un village. » Que n’avait-il raison. Mais à la lueur de ces deux belles réalisations, nous somme fondés à dire que l’inverse est vrai. Ouvrir ici et là des écoles équivaut à redonner force et vigueur aux communes concernées. E Cusi sià.
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