C’est d’abord sur les planches que ses mots ont conquis le public. Aujourd’hui, c’est dans le prétoire, devant les tribunaux qu’il s’en sert pour convaincre son auditoire. Après des débuts très prometteurs dans l’univers cinématographique, c’est en effet dans une carrière d’avocat pénaliste que Baptist Agostini-Croce, qui a prêté serment il y a quelques semaines seulement, a choisi de se tourner.
Par Karine Casalta
À 24 ans à peine, le jeune avocat présente en effet un parcours atypique, car si les exemples d’avocats passés des prétoires à la scène sont relativement nombreux, l’inverse est bien plus rare. C’est avec le stand-up que Baptist Agostini-Croce a fait ses premiers pas sur scène.
Un talent précoce
Déjà à l’école, il aimait bien faire le pitre et faire rire ses camarades en leur racontant des histoires. S’il n’est alors pas très attentif en cours, il révèle en revanche un talent précoce pour raconter avec humour sa vie sur scène, ce qui va le conduire à se produire dès l’âge de 13 ans devant un vrai public, en première partie du spectacle de Didier Ferrari qui jouait alors son one man show « Le Grand Saut » à Corte.
Prenant un réel plaisir à l’exercice qui comble à la fois son appétence pour la narration d’histoires et son goût de l’éloquence, il s’y plongera avec délice durant sept ans, jouant sur des formats d’une dizaine de minutes, de première partie en première partie, jusqu’à la création de son propre spectacle « Baptist Agostini plaide coupable ». « Faire du stand-up m’a réellement passionné et au fil des rencontres m’a ouvert aussi pas mal de portes par la suite dans le milieu artistique, me conduisant à faire de la comédie et passer devant la caméra. »Fort de son succès, c’est assez naturellement qu’il envisage alors une carrière artistique. « Enfant, on m’a toujours raconté des histoires et donné le goût des films et des livres. Sans avoir envie de devenir acteur, j’étais très attiré par le théâtre et le cinéma. J’avais envie de faire quelque chose dans cet univers. »Autodidacte, Il se lance donc bientôt dans la réalisation de deux courts métrages Simu Leoni en 2015 et Le Loup en 2017 puis en 2016, la série « Studiente », diffusée sur France3 Corse ViaStella qui connaît un gros succès auprès du public et débouchera en 2021 sur un premier long métrage, Localisé(s), coécrit avec son ami Jacques-Antoine Lando-Cancellieri.
La Une attirance réelle pour l’avocature
Durant ces années où le succès est pourtant au rendez-vous, il se rend très vite compte que cette voie ne le satisfera pas à long terme. Il a ainsi commencé à réfléchir à ce qu’il pourrait faire : « La profession d’avocat m’avait toujours attiré, mais je n’étais pas un lycéen extrêmement attentif ni scolaire, au grand dam de mes parents, je ne travaillais que lorsque cela m’intéressait. Je m’étais donc persuadé que je n’étais pas fait pour de longues études. J’avais donc un peu mis cette idée de côté en m’orientant vers une carrière artistique qui démarrait plutôt bien. Mais au fil du temps, je me suis vite rendu compte que j’avais envie d’autre chose. » Et curieux de tout, c’est en allant assister à un procès en comparution immédiate, que son attrait pour le métier d’avocat va se confirmer. « Alors âgé de 16 ans, j’ai su ce jour-là que je ne pourrai pas faire autre chose de ma vie. C’est difficile d’expliquer pourquoi, comment, mais lorsque je suis sorti du palais de justice je savais que c’était ce que je voulais faire. Peu importe le temps que ça prendrait, et la difficulté que cela pouvait représenter. » Il se décide alors à franchir les portes de la fac de la fac et se lancer dans des études universitaires dans l’objectif de pouvoir un jour passer le barreau. « J’ai besoin de me fixer des objectifs pour savoir où je vais. Je me suis donc inscrit dans la foulée en fac de droit à Corte, où je suis resté deux ans avant de partir à Paris poursuivre mes études. » Sans abandonner pour autant totalement son activité artistique. « J’aime bien l’imprévu mais je préfère tout prévoir,précise-t-il non sans humour, j’ai donc continué le cinéma en parallèle de mes études, ce qui m’a aidé notamment à les financer. »
Aller au bout de ses rêves
Et de fait, il a dès lors mené les deux de front jusqu’à très récemment. On pouvait ainsi le retrouver cet été encore avec Jacques-Antoine Lando-Cancellieri, en tournée dans toute la Corse pour la promotion de Localisé(s), leur premier long métrage.
Engagé avec passion dans ses études juridiques, il obtiendra un Master en Droit pénal international et des affaires et un diplôme universitaire de droit des entreprises en difficulté de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et poursuivra par la suite sa formation à l’école de formation des barreaux de la cour d’appel de Paris. Il se forgera aussi une expérience auprès du cabinet Garbarini&Associés ainsi qu’au sein des chambres correctionnelles financières de la Cour d’appel de Paris. Sa détermination à toute épreuve l’a conduit à prêter serment au mois de novembre dernier. « Aujourd’hui, je suis à 1 200% dans cette profession d’avocat que j’ai aimée avant même de le devenir. » Lui, qui s’était toujours dit qu’il voulait réaliser ses rêves d’enfant, est aujourd’hui inscrit au barreau de Paris, et a sollicité une inscription secondaire au barreau de Bastia. Désormais appelé à plaider, son expérience de la scène, qui lui a appris tant à placer sa voix, que la gestion du tempo ou celle du trac, sera sans doute utile à l’homme de loi pour aborder ses prises de paroles. Mais dit-il : « Il ne me viendrait pas à l’esprit de prendre ça comme un spectacle. Il y a un enjeu humain au-delà de notre performance qui nous dépasse ! »
D’une insatiable appétence pour la narration, il vient aussi de sortir un premier roman, Pyramides, aux éditions Maïa, un projet littéraire en gestation depuis des années qui vient d’aboutir, et qui comme l’ensemble de sa production artistique, parle de la jeunesse et des problématiques qui le touchent. Il continuera certainement aussi, en prenant le temps, dit-il, à écrire et réaliser, mais ne compte plus monter sur scène. De ce côté-là, la page est tournée, le futur ténor du barreau a définitivement changé d’auditoire.
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.