Le télétravail est-il la révolution que le monde du travail n’attendait pas ? En deux ans, le dispositif activé en urgence lors de la crise sanitaire est devenu une véritable alternative à la vie de bureau bousculant l’ensemble des acteurs.
Par Caroline Ettori
En pleine vague Omicron, la décision n’aura surpris personne. Depuis le 3 janvier dernier, le télétravail est redevenu la règle afin de limiter la circulation du nouveau variant du Covid-19. Durant trois semaines, les salariés en mesure d’assurer leurs missions depuis leur domicile ont donc retrouvé les joies des visioconférences et des clouds sécurisés 3 voire 4 jours par semaine. Et pour les entreprises récalcitrantes, une amende de 500 euros, initialement fixée à 1 000 euros par salarié, devrait être appliquée. Les objectifs sont clairs : limiter les interactions sociales au sein des entreprises, aux abords des lieux de travail ainsi que sur les trajets domicile-travail. Une nouvelle normalité loin des tâtonnements de mars 2020.
Au sein d’EDF Corse, 300 personnes sur les 800 salariés que compte l’entreprise, sont concernées par le dispositif. Selon la cheffe du service RH, Émilie Paris, la notion même de télétravail a évolué depuis le début de la crise du Covid. « Ce n’est plus tant l’emploi dans sa globalité qui est considéré comme compatible avec le télétravail mais les activités qui le composent. » En clair, si la question ne se pose pas pour les fonctions supports, les emplois qui nécessitent une présence sur le terrain peuvent être en partie « relocalisés » à domicile s’agissant par exemple de la préparation des chantiers, des questions administratives ou des commandes de matériels à passer.
Adaptation permanente
De la même manière depuis le premier confinement, il y aura bientôt deux ans, l’entreprise a adapté les conditions de mise en œuvre du télétravail en fonction des restrictions sanitaires et des intérêts des salariés et des clients. « Nous avons appris à marchant, nous nous sommes adaptés petit à petit. Les salariés à domicile se sont vu confier un ordinateur et un téléphone portable. Nous nous sommes également assurés de leur connexion à Internet. En outre, il a fallu redéfinir les relations au sein des équipes et entre équipes et managers : comment se contacter ? Comment transmettre l’information ? Comment faire passer les consignes mais aussi comment maintenir le lien social à travers des moments plus conviviaux comme les cafés à distance. »
Pour Émilie Paris, au-delà de l’aspect logistique deux notions sont essentielles à la réussite du télétravail : « Ce dispositif ne peut fonctionner que si les managers et les salariés se font confiance. Et avec la confiance vient une plus grande responsabilisation des équipes. Elles sont plus impliquées, forces de proposition et d’innovation. »
Le télétravail serait-il la solution miracle pour réconcilier les acteurs du monde du travail ? Des performances équivalentes, moins de déplacements, de stress, de fatigue, plus de temps et de concentration. Et pourtant. Le dispositif ne convainc pas totalement. « C’est finalement une question très personnelle. Certains salariés vont préférer l’entreprise où les échanges, l’accès aux documents sont facilités, où le confort matériel est peut-être plus grand. Le tout télétravail est compliqué, l’idéal serait de pouvoir alterner », note Émilie Paris.
À manier avec précaution
Même constat pour Jean-Marc Giammari à la tête de Corsica Rete Tecnologiche (CRT), entreprise en charge du déploiement de la fibre optique en Corse. Sur près de 70 salariés, une douzaine aux postes de back office est en télétravail. « Si la mise en place technique du dispositif a été relativement simple pour nous en tant que spécialistes des télécoms, il reste néanmoins diversement apprécié. Certains de nos collaborateurs sont enchantés, d’autres moins, notamment les femmes et les mères de famille. Se rendre au bureau permet à certains de nos salariés d’avoir une vie sociale en dehors du foyer, une vraie respiration. »
Le télétravail, un outil « extraordinaire » à manier avec précaution et discernement. « Il faut de la souplesse pour ne pas qu’il soit vécu comme une perte de liberté, une obligation qui auraient des effets contre-productifs. Une entreprise est un ensemble de personnes qui porte un projet commun autour de valeurs partagées. Si elles ne se rencontrent pas, l’entreprise n’existe pas. » Pragmatisme et lucidité sont les maîtres mots pour Jean-Marc Giammari qui se dit prêt à prolonger le dispositif une fois la crise passée pour ceux qui le souhaitent en fonction de leurs missions.
Accélérateur de transformation
Certains organismes n’ont pas attendu la pandémie pour envisager le télétravail comme alternative. Marie-Madeleine Guillou, directrice de l’Assurance Maladie de Corse-du-Sud, revient sur cette initiative nationale lancée dès 2017. « Un protocole avait été négocié avec les partenaires sociaux et le dispositif reposait sur le volontariat. Nous avions la conviction que cet outil allait répondre à certaines attentes de nos salariés et améliorer la qualité de vie au travail. Déjà à l’époque, nous pensions qu’il représentait l’avenir. »
Alors qu’une quinzaine de salariés avait déjà optée pour le travail à domicile avant le premier confinement, la crise sanitaire va tout précipiter. « Cela a été brutal. Il a fallu faire de gros efforts d’adaptation sur l’ensemble du réseau, équiper les salariés, leur donner un accès sécurisé au système informatique, redéfinir qui devait être sur site et qui pouvait travailler à distance, fixer les priorités et assurer la continuité du service public ! Tout cela a été possible grâce à une forte mobilisation de tous les services. »
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