Edito
Par jean Poletti
Du pain et des jeux, disaient les Romains. Une doctrine dévolue à anesthésier le peuple. La période contemporaine n’a nullement expurgé cette dualité qui survit notamment dans les olympiades. Au nom du sport, les exactions de certains pays organisateurs s’effacent. Dans un universalisme à rebours, les performances athlétiques supplantent les Droits de l’homme et du citoyen. Triste spectacle. Surprenant emballement médiatique dont le prisme déformant oubliant tout sens critique ne retient que les prouesses des faux dieux du stade. Pékin en fut cette fois l’épicentre. Cérémonie d’ouverture grandiose. Travaux titanesques pour créer les infrastructures. Mais l’imagination aidant, il était aisé de percevoir que les blanches colombes de la paix lâchées dans le ciel chinois étaient parsemées de rouge sang. Effacées des tablettes l’agonie du peuple ouïghour. Dans cette province de Xinjiang, plus d’un million de personnes sont internées. Elles subissent le travail forcé, la torture, les violences sexuelles et la stérilisation. Le pouvoir évoque avec des accents perfides qu’il s’agit de centres de rééducation. Renouant ainsi avec les vils procédés chers à Mao et sa clique. Certes de nombreux pays occidentaux ont sagement opté pour le boycott. Ils refusèrent d’être complices par omission de ces crimes de masse dûment planifiés. Ou ciblant des individus dénonçant les exactions. À l’image de cette joueuse de tennis disparue après avoir accusé un haut dignitaire de contraintes sexuelles. Comme à son habitude la France une nouvelle fois opta pour la politique de l’autruche. L’essentiel est de participer. Sur les bords de la Seine, la maxime de Pierre de Coubertin ne souffre nulle entorse. Et si notre ministre des Sports ne se rendit pas sur place, cela n’est nullement la cause d’une prise de conscience fut-elle relative, mais simplement parce qu’elle avait les symptômes du Covid. Et signe patent d’un malaise diplomatique silencieux, personne au sein du Gouvernement ne leva la main pour la remplacer au pied levé. Et vogue la jonque sous le regard attristé de Bouddha. L’histoire, malheureusement, nous enseigne que notre pays est coutumier du fait. Sans réécrire la saga, il convient de retenir que lors des Jeux de Munich, il répondit présent sans l’esquisse de l’ombre d’une hésitation. Pis encore en passant devant la tribune officielle où trônait Hitler les équipes tricolores tendirent le bras dans une parfaite harmonie. À ceux qui reprochaient cet hommage nazi, les responsables de la fédération trouvèrent comme seule et indigne excuse qu’il s’agissait du salut olympique. Bref que l’accusation était infondée. Des falsificateurs trouvant d’ailleurs écho favorable dans plusieurs journaux de l’époque, n’hésitant pas à flétrir à longueur de colonnes ceux qui décelaient un acte d’allégeance à l’endroit du Führer. Plus haut, plus vite plus loin ? Quand l’adage sportif devient vassal d’une idéologie ou sa compagne muette, il rejoint la forfaiture. Celle qui valide les dictatures. Dans un silence assourdissant. Rien n’est fruit du hasard. Tout s’articule autour d’une logique transgressive qui transcende les époques et le temps. Il n’est pour s’en convaincre qu’à écouter l’actuel président du puissant Comité international olympique. Son propos au-delà de digressions lénifiantes s’enracine dans un éloquent maître-mot qui revient en leitmotiv : la neutralité. Dans le droit fil de cet argumentaire, le sport n’a pas de conscience. Les athlètes sont des robots, les organisateurs frappés de cécité et sourds aux appels de détresse des victimes sacrifiées sur l’autel de l’arbitraire et de la dictature dissimulés sous les ors et le faste. Et que ces belles âmes de salon cessent de nous rebattre les oreilles avec leurs plaidoyers écologiques. Elles ne décèlent dans les JO de Pékin que des atteintes aux sites naturels nous parlent d’effets nocifs de la neige artificielle produite par des centaines de canons qui endommageront l’écosystème et autres affres que subira l’environnement. Confondre l’essentiel et l’accessoire peut rendre verts de rage ceux qui mènent frontalement le combat humaniste. Et Pythagore de renchérir que « le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux olympiques, les uns y tiennent boutique et ne songent qu’à leur profit »…
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