Les marchés ne savent plus sur quel pied danser avec la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine. Les cours des matières premières flambent et deviennent une préoccupation majeure ce début d’année 2022 ; le marché du pétrole a passé la barre des 100 USD, le cours du blé, dont la Russie est le premier exportateur mondial et l’Ukraine le cinquième, s’envole à plus de 344 euros la tonne.
Par Jean-André Miniconi, président de la CPME-Corsica
Les autres matières suivent la tendance, aluminium, nickel, palladium, tous augmentent, d’autant plus que nous étions dans une reprise économique et que la demande en matériaux est très forte. Lors de l’annexion de la Crimée, les cours des matières premières avaient augmenté de 15 à 20% avant de se dégonfler au bout de 4 à 5 mois. Cette fois-ci, la crise est plus profonde et les prix risquent de demeurer durablement à un très haut niveau. Sans jouer les Cassandre, les conséquences sur une économie qui se relevait à peine du Covid-19 seraient désastreuses. Inflation, hausse des taux d’intérêts, recul de la croissance, hausse du chômage, budgets des états contraints. La Corse n’échapperait pas évidemment à une telle spirale. Plusieurs scénarios sont possibles selon le marché.
Une entreprise en situation de monopole, qui verrait son coût de production augmenté soit à cause de la hausse des prix des matières premières, soit à cause de la hausse des salaires peut théoriquement répercuter ces augmentations sur son prix de vente. La marge serait alors constante et l’entreprise maintiendrait ses bénéfices. La seule contrainte sera de proposer un prix de vente dans la limite de ce que le consommateur est prêt à payer pour le bien ou service.
Cette position de monopole est assez confortable pour l’entreprise, qui n’a à gérer finalement que la demande du client. Bien souvent, afin que les prix ne s’envolent pas, il peut y avoir des dispositifs d’encadrement par l’État. Le secteur de l’énergie en est le parfait exemple. Dans les territoires ultramarins, les prix des carburants sont fixés par le préfet. Les tarifs réglementés de l’électricité n’augmenteront que de 4% au 1er février 2022, cette hausse est plafonnée dans le cadre du « bouclier tarifaire » mis en place par le gouvernement pour limiter la majoration des factures des particuliers et entreprises.
Stratégies différentes
Les entreprises en situation d’oligopole doivent tenir compte de la politique des entreprises concurrentes pour fixer leurs prix. Cependant le faible nombre d’acteurs sur le marché de l’offre permet rapidement de faire le tour de la question. Il y a généralement deux sortes de stratégies : celle de la « paix » où les firmes coopèrent pour atteindre un niveau de profit accepté par toutes et la « guerre » où les sociétés s’opposent entre elles pour avoir le meilleur profit possible dans la branche et au détriment des concurrents. Généralement, ce n’est pas la deuxième solution qui est choisie. Il faut également noter que choisir la paix n’est pas forcément synonyme de collusion (entente illégale entre les entreprises). Il y a souvent une stratégie dominante qui est mise en place par une société, les autres devant suivre. Le plus bel exemple est ce qui s’est passé en Corse sur le marché des carburants. Total a décidé d’accorder une remise de 10 centimes au litre à ses clients à partir du 14 février et pour 3 mois afin de pallier la hausse du prix des carburants. Vito a été obligé de suivre et d’accorder également des marges de manœuvres à son réseau afin de baisser à son tour le prix à la pompe de l’essence.
Les entreprises qui sont dans un marché concurrentiel n’ont aucune marge de manœuvre possible pour coopérer entre elles. Le client est roi, et bien souvent le facteur décisif est le prix. Dans ces conditions, il est souvent difficile de répercuter totalement les hausses de coûts de production et les firmes sont obligées de dégrader leurs marges. Ce sont des positions très difficilement tenables dans le temps et les risques de défaillance peuvent apparaître. Généralement, les entreprises essayent d’innover dans leur process de production pour compenser les surcoûts liés à l’inflation. Ce qui se traduit à terme immanquablement par une baisse des effectifs salariés.
Syndrome inégalitaire
Enfin, le consommateur, dans un contexte inflationniste, se focalisera sur les achats essentiels et sur les prix. La référence n’étant plus la marque, mais le juste prix qu’il entend payer pour un produit. La notion d’utilité prend alors toute sa valeur. Là encore, l’évolution du marché automobile est un exemple pertinent. Devant l’augmentation du prix des véhicules neufs, le client préfèrera acheter un véhicule d’occasion qui finalement aura la même utilité pour lui. On passe d’un achat plaisir à un achat utile.
L’important dans ce genre de situation, c’est de préserver les grands équilibres afin que les inégalités ne se creusent pas plus, aussi bien du côté des entreprises que des ménages. Là encore les autorités de régulation ont un rôle important à jouer, mais également les entreprises qui devront choisir la voie la plus pérenne, celle qui ménage à la fois les actionnaires, les salariés et les clients. Vaste débat que celui de la juste répartition des richesses !
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