Le sexe et la sexualité, deux notions très différentes, seraient partout. Dans nos esprits autant que dans nos vies qu’elles soient physiques ou virtuelles. « Tout » nous ramènerait à « ça ». Pour autant, doit-on considérer que la parole est libre ou même libérée dans l’espace public ? Qu’elle participe à créer une société plus tolérante ? Pas sûr. Ces derniers mois, la Corse a su prêter l’oreille à de nouvelles voix. Des voix de femmes qui parlent et font parler de sexualité autrement.
Par Caroline Ettori
Ce sont de nouvelles plateformes, de nouveaux espaces d’expression qui font désormais le lien entre les jeunes et les acteurs publics de la santé sexuelle.
Audrey Royer est l’une des fondatrices de l’association Podcastu Sexistu créée en 2021. En une année, la jeune femme a co-développé deux plateformes consacrées aux questions de genre et à la sexualité, Podcastu Sexistu et Sx by Step. Aujourd’hui, elle est accompagnée au quotidien par deux alternants et peut s’appuyer sur un réseau de partenaires, privés et institutionnels.
« Podcastu Sexistu est le premier podcast insulaire qui traite des questions de genre. Avec une approche pluridisciplinaire, chaque épisode va tenter de repérer, comprendre et déconstruire les stéréotypes qui entourent ces questions. Au fil des saisons, différent.es intervenant.es viendront apporter leur expertise sur les problématiques abordées et présenter leur point de vue. C’est un appel à la réflexion, une sensibilisation autour de sujets divers et transversaux. » Les deux premières saisons comptent déjà plus d’une vingtaine d’épisodes qui traite autant de la santé mentale que de l’influence qu’exerce la société sur le corps en passant par les liens entre couple, genre et sexualité.
« Ça a beaucoup parlé et bougé dès le début. Très vite, j’ai été en contact avec Vanina Saget, la directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité. Nous avons eu envie de collaborer avec La Maison des Adolescents Sud Corse et sa responsable, la psychologue Sophie Ettori ainsi qu’avec Marie-Ange Filippi la créatrice du programme Au Fond des Choses, pour proposer un nouveau média à destination des jeunes, fait par des jeunes. » Le projet voit le jour sur Instagram en décembre dernier. Sx by Step est un programme court réalisé sous la forme d’un micro-trottoir qui reprend les questions abordées lors des Love Talk organisés par Sophie Ettori à la Maison des Adolescents. Une parole pertinente et libre autour des premières expériences intimes et amoureuses. « Ces jeunes sont âgés de 11 à 18 ans et ne sont pas si timides que ça. L’effet de groupe peut être déstabilisant mais aussi moteur. Ils se questionnent les uns les autres, la discussion se crée. C’est plutôt lorsqu’on les approche seuls qu’ils refusent de s’exprimer. D’une manière générale, nous avons été surprises par leur connaissance, leur bienveillance et leur inclusion. Ces notions sont rarement abordées même chez les adultes. » Une relation de confiance entre l’intervieweuse et ses sujets qui permet aussi de faire tomber quelques idées reçues. Oui, le sexe est partout et surtout sur les écrans mais non, tous les jeunes ne sont pas scotchés devant YouPorn et autres sites spécialisés, certains même font la différence entre ce qu’ils regardent et la réalité des rapports intimes. Consentement inclus. Toutefois, tout n’est pas gagné. Loin de là. « A contrario, les idées fausses sont bien ancrées. Il est difficile voire impossible de les faire changer d’avis. Dans ce cas, seul un ami ou des personnes de leur âge peuvent les convaincre. Les médias traditionnels et les institutions ont moins d’influence. »
Déborah Moracchini, chargée de mission santé sexuelle à l’ARS, précise quelques données objectives et chiffrées de la situation en Corse ainsi que sur le territoire national. « La santé sexuelle est un enjeu de santé publique. La Corse présente le taux d’IVG le plus élevé de France pour les mineures âgées de 15 à 17 ans avec 9,5 cas sur 1 000 contre 5,4 sur 1 000 en moyenne nationale. En 2020 en France, sur 1 000 femmes en âge de procréer, 15 ont eu recours à l’IVG. Un taux élevé par rapport aux pays voisins tels que les Pays-Bas, l’Allemagne ou encore la Belgique qui présentent une moyenne de moins de 10 cas sur 1 000. »
Une différence qui s’explique en partie par, dans la pratique, un accès facilité à la contraception d’urgence ainsi qu’une politique de prévention et de sensibilisation active des plus jeunes à travers des cours d’éducation sexuelle systématiques à l’école. « Une approche décomplexée », précise Déborah Moracchini. Ce qui ne semble pas être le cas en France alors que cet enseignement a été rendu obligatoire par la loi de 2001.
D’après une enquête réalisée par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) en 2016, 25% des écoles élémentaires, 11% des lycées et 4% des collèges déclarent n’avoir mis en place aucune action ou séance d’éducation sexuelle. L’étude rapporte également que 84% des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe alors que 53% d’entre elles savent représenter le sexe masculin.
Paule Maerten, animatrice territoriale au sein de l’Enipse en Corse et du Corevih Paca Ouest Corse, revient sur cette problématique. « Nous avons effectivement quelques difficultés à entrer dans les classes. C’est bloquant pour la jeunesse d’autant plus que nous sommes devant deux réalités qui s’opposent. On ne va pas pouvoir parler aux enfants dans des termes choisis en fonction de leur âge et de leur maturité alors que la génération de leurs parents est inscrite sur des sites et applications équivoques. Il y a quand même des questions à se poser. Plus les jeunes sont avertis, plus ils se protègeront par la suite. Et je rappelle que la santé sexuelle touche aussi à la santé mentale. »
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