Une inflation galopante sur fond de crise énergétique, près de 20% de la population en situation de pauvreté, un tissu entrepreneurial hyper dépendant de la saison, du marché intérieur, du prix des matières premières… N’en jetez plus ! Face à une rentrée économique et sociale des plus préoccupantes, la question de l’autonomie et plus largement de l’évolution institutionnelle paraît bien dérisoire. Sauf que…
Par Caroline Ettori
La Corse a-t-elle besoin d’un nouveau statut pour vivre mieux ? Les entreprises bientôt rattrapées par la dette Covid misent-elles sur l’autonomie pour créer de la valeur ? Autonomie ou économie ? C’est un peu notre version de « fin du monde vs fin du mois » opposant l’environnement au porte-monnaie. « Les deux mon capitaine ! » répond à cela la majorité territoriale pour laquelle un statut d’autonomie pourrait améliorer le quotidien des insulaires. Rapport à l’appui. En effet, en juillet dernier la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, a présenté « Autunumia è Benistà », une étude réalisée par le cabinet Kyrn’Economics couvrant 80 pays et établissant un lien positif entre autonomie fiscale et croissance économique.
Parce que c’est notre projet
Une bonne chose donc que les questions sociales et économiques aient été posées à Paris en septembre dernier dans le cadre du cycle de négociations sur l’avenir de la Corse entre le ministère de l’Intérieur et une vingtaine de représentants insulaires. Après une journée de discussions, le bilan de Gérald Darmanin est implacable : l’économique doit être renforcé et les urgences comme le pouvoir d’achat, le prix de l’essence ou le problème des déchets, doivent être traitées urgemment. Le ministre de l’Intérieur a également donné des devoirs aux élus. À coup de baguette magique, comme dans un entretien d’embauche, la majorité devra imaginer son projet économique rêvé pour la Corse. Chacun y va de ses vœux : fiscalité, adaptation législative, rallonge budgétaire. Mais qu’en est-il du projet global ? De la stratégie de développement qui sortirait la Corse des urgences urgentes ? Des choix politiques tout simplement. Apportera-t-on un jour une réponse à la question : quel tourisme pour la Corse ? sans avoir peur de se fâcher avec son électorat. Et qu’en est-il de l’âge du capitaine ? Les prochaines semaines nous éclaireront peut-être sur le sujet.
En attendant, du côté des acteurs économiques, les propositions sont prêtes depuis un certain temps. Loin des considérations de politique institutionnelle et de la tout aussi classique « qu’entend-on par autonomie ? »
Quoi qu’il en coûte
Jean-Louis Albertini est depuis janvier 2022 à la tête du Medef Corse. Ce chef d’entreprise spécialisé dans la gestion de structures médico-sociales rappelle sa mission première : « Depuis 1982, des discussions sur le statut de la Corse et de ses institutions ont été régulièrement organisées entre l’île et Paris. Ce n’est pas nouveau mais je pense qu’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’aspect politique. Notre rôle est de porter la voix des entreprises. C’est l’occasion de mettre sur la table les vrais problèmes de la Corse, de définir un cap et d’y aller quoi qu’il en coûte. Très concrètement, dans ce nouveau cycle, nous souhaitons un calendrier clair qui fixe les grandes étapes et les thématiques abordées. » Le président du Medef Corse a pu échanger avec la majorité territoriale et faire passer un message essentiel. « L’enjeu est d’aboutir à un véritable modèle économique et social. Nous en sommes encore au stade du tissu économique, trop fragile, trop dépendant et peu organisé. Ce n’est pas suffisant. »
Une analyse confortée par les chiffres de l’Insee. La répartition sectorielle de la richesse produite se caractérise par la prépondérance du tertiaire marchand, à laquelle contribuent les activités liées au tourisme, et par une surreprésentation du tertiaire non marchand et de la construction. En 2018, un peu plus de 40 000 petits établissements dominent le tissu économique régional dont 55 % n’ont pas de salariés et 95 % en ont moins de 10. En outre, l’île enregistre la densité artisanale la plus forte de France avec 449 entreprises pour 10 000 habitants et le nombre d’exploitations agricoles se maintient, voire progresse légèrement. Si le taux de chômage reste en dessous de la moyenne nationale, respectivement à 6,4 et 7,3% au deuxième trimestre 2022, une autre spécificité insulaire est la concentration d’actifs pauvres due entre autres à des temps de travail annuels très faibles. Par ailleurs, les indépendants sont particulièrement exposés à la précarité, un quart d’entre eux vivant en situation de pauvreté.
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