La compagnie aérienne régionale décolla voilà trois décennies. La gageure initiale devint réalité. Au fil des escales entrepreneuriales s’ajoutaient des lauriers de réussite sans cesse et toujours tressés dans la primauté du service public. Atypique dans le ciel commercial ? Sans doute, affirme Luc Bereni, le président du directoire. Mais osons dire que ce particularisme assumé et revendiqué épouse les ailes du succès.
Par Jean Poletti
La palme d’or de l’implication environnementale décernée sous les dorures lambrissées du Sénat ployait sous la symbolique. Elle attestait des visages successifs d’Air Corsica, sans que jamais ne s’estompe la mission originelle d’une pérennité quotidienne du pont aérien entre l’île et le continent.
Les sigles nominatifs inscrits sur les appareils changèrent avec le temps, mais l’esprit demeurait renvoyant en leitmotiv à un devoir, presque une impérieuse obligation de faire vivre et palpiter le concept de service public. Aux antipodes avec les considérations strictement mercantiles qui sont la doctrine du secteur aérien.
Certes depuis qu’elle fut portée sur les fonds baptismaux par Philippe Ceccaldi, les évolutions factuelle ou structurelle furent nombreuses. Flotte accrue et renouvelée, le bord à bord initial se compléta par d’autres destinations hexagonales ou étrangères. Mais cette croissance à l’évidence maîtrisée, pour mieux harmonier l’offre et la demande, ne laissa jamais sur le tarmac l’essentiel. Cette notion qui renvoie au fameux « quoi qu’il en coûte » afin d’assurer sans rupture ni dysfonctionnements les liaisons entre la Corse et le continent. Fut-ce durant la pandémie. Sans triomphalisme mais avec le sentiment d’offrir un rapport d’étape efficient, Luc Bereni évoque une philosophie collective qui transcende le temps « Être au service du plus grand nombre de passagers, des donneurs d’ordre et de l’acheminement des marchandises. »
Esprit mercantile bannit
En bannissant tout esprit polémique, le président du directoire souligne l’originalité d’Air Corsica. « Elle bannit l’esprit business, contrairement à l’ensemble d’un secteur essentiellement composé de sociétés privées, dont la finalité est d’engranger les profits et distribuer les dividendes. »
En l’occurrence un pied de nez au libéralisme débridé qui ne raisonne qu’en occupation optimale des sièges. S’implante sur des lignes jugées rentables, pour les fuir sitôt que s’étiolent les recettes. Philippique exclue, soulignons qu’une telle pratique n’est nullement étrangère à notre île. Avec les beaux jours, low-cost et autres enseignes sont abonnés aux rotations régulières. Mais telles les hirondelles fuient à tire-d’aile sitôt qu’arrivent les premiers frimas. Une attitude qui ne doit rien aux sautes du climat, mais puisent sans conteste dans les bénéfices qui piquent du nez.
Sans jouer les Cassandre, force est de reconnaître que des rotations hivernales sans affluence ou des cabines clairsemées n’a jamais été au sein d’Air Corsica un indicateur pour réduire ou supprimer ici ou là des rotations. Cela semble normal voire naturel dans l’opinion. Mais en scrutant les pratiques abondamment répandues chez d’autres sociétés cet intangible principe de continuité loin d’être répandu revêtirait à maints égards les traits de l’exception.
Une sorte d’isolationnisme dans les pratiques et la méthode qui revêt aux yeux du président du directoire un cap intangible qu’il résume d’une phrase aux accents de constance et volontarisme. « Notre métier est de faire décoller quotidiennement et en simultané neuf appareils, et cela trois-cent-soixante-cinq jours par an. »
Pas d’animosité concurrentielle
Voilà qui suffirait finalement à décrire de manière lapidaire cette structure aux couleurs de la Corse. Elle dit mieux que longues digressions la vocation liminaire, bonifiée et étayée au fil du temps. Héritée du passé et confortée dans le présent tout en préparant vraisemblablement des préceptes similaires pour l’avenir proche ou plus lointain.
Pour autant équipe directionnelle et salariés veulent bannir le plausible amalgame. Ils réfutent toute idée, que certains détracteurs propagent à bas bruit, de vouloir régner sans partage dans une volonté de clouer au sol tout concurrent potentiel. Oublions l’euphémisme et circonvolutions sémantiques que certains emploient pour dire que cette futile polémique n’implique finalement que la saison estivale. Un prétexte que certains utilisent pour applaudir à la concurrence synonyme de prix attractifs et d’afflux touristique. Là encore le jugement de Luc Bereni est aux antipodes d’une intention de se calfeutrer dans une tour d’ivoire ou de mener la guérilla contre les adversaires attirés par les beaux jours. « L’été on prend notre part des prestations et nous ne voyons pas d’un mauvais œil les autres opérateurs. » Étant entendu, secret de polichinelle, que ces arrivants captivés par le chant des grillons plieront bagage avant que tombent les premières châtaignes.
Ne pas briser le pont aérien
Et revoilà, leitmotiv sans cesse réactualisé la différence fondamentale entre la destination profit et celle qui aspire à pérenniser, en surmontant les nombreux obstacles, un authentique pont aérien qui transcende la saisonnalité et l’éphémère bruit du tiroir-caisse au bénéfice exclusif de la continuité sans faille.
Est-ce à dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Dans ce domaine aussi il arrive que la méritocratie connaisse des turbulences aussi absconses que surprenantes.
Dans un peu plus d’un an sera examiné l’appel d’offre européen. Il concernera pour les trois années suivantes le renouvellement des 85% du périmètre d’activité, représentant les douze principales lignes d’Air Corsica. Pour les 15% restant, qui ne relèvent pas du service public, il convient de noter que la compagnie exploite vingt-quatre autres lignes d’une importance sinon moindre à tout le moins d’amplitude plus modeste.
Quoi qu’il en soit ces obligations et délégations de service public devraient en toute logique inclure dans son cahier des charges des paramètres environnementaux. À cet égard, nul doute que Air Corsica aurait une longueur d’avance sur ses hypothétiques concurrents. Son plan ? Ambizone 2025. Le résultat déjà perceptible ? Des avions neufs, peu gourmands en carburants, une empreinte carbone singulièrement réduite.
Le vert est mis
Bref une flotte qui surclasse sans coup férir celles, qui plus anciennes, n’offrent pas, tant sans faut, des qualités similaires susceptibles de répondre à ce qu’en terme générique on nomme les déplacements verts.
Telle est, dans le cadre du développement durable, mais pas seulement, cette feuille de route officialisée par Marie-Hélène Casanova-Servas, présidente du conseil d’administration, et Marie-Antoinette Santoni-Brunelli qui en assure la mise en œuvre. L’enjeu conjugue ambition et réalisme. Il repose sur une trilogie complémentaire consistant à améliorer les performances environnementales, de faire rayonner des valeurs communes et d’amplifier l’ancrage territorial.
En un mot comme en cent, « Air Corsica ne s’engage pas seulement à offrir a ses passagers des prestations sûres et de qualité. Elle s’est aussi fixé des objectifs qui épousent l’écologie, le social et le sociétal. » Voilà assertion limpide de Marie-Hélène Casanova-Servas, qui vaut stratégie politique.
L’arrivée de nouveaux appareils participe à ce processus vertueux. Et ce n’est pas qu’une simple phraséologie puisée dans l’air du temps. Ainsi la compagnie a d’ores et déjà acquis deux Airbus dits NEO, signifiant new engine option, et indiquant qu’il s’agit de version remotorisée. Ce sont pour l’instant les seuls du registre français parmi les milliers qui volent à travers le monde.
Stratégie de modernité
Précurseur ? Sans doute. Mais ne comptant pas s’arrêter en si bon chemin, Air Corsica envisage d’acquérir deux autres avions similaires à échéance plus lointaine.
En corollaire, à partir de ce mois-ci des ATR72 nouvelle génération viendront remplacer les modèles plus anciens. La cadence étant d’un renouvellement par mois, la flotte sera entièrement remise à neuf au printemps prochain.
Là aussi la compagnie régionale fait œuvre d’initiatrice, car elle est la première à exploiter ce nouveau type de turbopropulseurs de dernière génération. Et non sans une certaine malice nos interlocuteurs de prédire « que d’autres ailleurs suivront ce choix de la modernité ».
En incidence à ce panel d’annonces ou de réalisations palpite comme à souhait une posture aux antipodes de celle qui met sur un piédestal la rentabilité à tout crin. En contrepoint s’affiche en effet et se cristallise une notion qui consiste à apporter sa pierre à l’édifice, à la construction d’une collectivité humaine nourrie d’essor partagé.
Voilà la caractéristique qui, en termes discrets ou abrupts, prévaut dans l’entreprise précédemment nommée Compagnie Corse Méditerranée, puis CCM Airlines.
Sans entrer dans le détail exhaustif des réalités et perspectives, relevons qu’Air Corsica, fidèle à ses intemporels préceptes, ne sera pas passive ou étrangère aux enjeux qui déjà se profilent.
Disposée aux mutations
Au-delà d’améliorations qui nourrissent son quotidien, elle porte un regard attentif aux mutations qui se préparent. Parmi elles les biocarburants, l’hydrogène ou la propulsion électrique. Luc Bereni persiste et signe « à cet égard aussi nous sommes partie prenante dans toute séance d’étude et de développement. Nous ne nous interdisons rien si l’épilogue consiste à améliorer, au gré des innovations, fruits de la recherche, nos performances dont les retombées bénéfiques profiteront à la Corse et aux Corses ».
Signalée distinction
La palme d’or de l’implication environnementale attribuée cette année à Air Corsica a « vocation à reconnaître ceux qui contribuent au prestige de la France et à son rayonnement économique industriel ou culturel ». Selon la formule consacrée et en évitant la grandiloquence rien n’interdit d’adhérer a l’idée qu’elle consacre la compagnie régionale pour l’ensemble de son œuvre. Et témoigne de sa fidélité au concept qui prévalut à son avènement, sans pour autant renier les évolutions dictées par l’esprit du perpétuel changement.
Vols écolos
Les A320 NEO, d’une capacité de cent quatre-vingt-six passagers, affichent une baisse de consommation d’environ 15%, une diminution de 50% des émissions d’oxyde d’azote et de 15% de rejets de gaz carbonique. La réduction du bruit oscille autour de 20 décibels ce qui réduit ainsi, notamment au décollage et l’atterrissage, de moitié l’empreinte sonore au sol par rapport à la précédente génération de ce type d’Airbus.
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