A la une : Non à la double peine Juin 2013
La dérive sanglante rejaillit sur la vie publique
Non à la double peine
Où va la Corse ? Ayant cassé les amarres de la raison, elle risque le naufrage. L’actualité dominée par le rouge et le noir, laisse peu de place au débat démocratique. Conséquence ou coïncidence, la société civile et le monde politique semblent progressivement gagnés par la polémique,
Eloquent symbole s’il en est, le débat, pourtant qualifié d’historique sur la coofficialité, fut légitimement ajourné au lendemain de l’assassinat de Jean-Luc Chiappini. Voilà qui démontre malheureusement que l’espace citoyen devient, au fil du temps, un vassal de la violence, qui conditionne notre société.
Insidieusement, la gestion des conflits, l’éventuel différent le plausible antagonisme se règlent par la loi du colt. Au détriment de la discussion, mise au point ou confrontation des points de vue.
Comme pur exorciser cette descente aux enfers, certains en appellent à notre histoire tumultueuse. D’autres renvoient à l’anthropologie. Pis encore, tels reprennent en incidence l’abject jugement de Michel Poniatowski, affirmant que les corses possédaient le chromosome du crime ! Certains de ses successeurs de la Place Beauvau, à l’image de Chevènement, Hortefeux ou Guéant brandirent au gré des circonstances la faribole de l’omerta se dédouanant ainsi à vil prix de leurs incuries patentes. En contre-point, convenons que la protection des personnes et des biens est la mission cardinale de l’Etat. Elle fonde la République. Et réclamer, comme le répète Valls, la collaboration de la population ou dire que la violence est enracinée dans la culture corse sont des assertions indignes d’un ministre et insoutenables pour trois raisons essentielles. D’abord elle rend injustement une communauté complice, alors qu’elle est victime et ne sait rien. Ensuite elle consacre l’impuissance des autorités à juguler un mal qu’ils ont feint d’ignorer durant plusieurs décennies. Enfin, osons rappeler que si Israël veut ériger la Corse en Ile des Justes, c’est parce nous ne fûmes pas pourvoyeurs de trains plombés en route pour les camps d’extermination. Et a l’égard des augures journalistiques de la capitale disons simplement qu’ici il n’y eu jamais de Radio Paris, ou de rafle du vel’d’hiv.
Dialectique négative
L’incantation des uns, la phraséologie discriminante des autres, sont d’un surréalisme qui pourrait être risible en d’autres circonstances. Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas disait Napoléon. Que n’avait-il raison !
Pourtant, doit-on nous exonérer de toute responsabilité ? Nullement. L’intérêt général est plus que jamais terrassé par l’individualisme, les prés-carrés et la polémique qui piétinent l’essor partagé. Dans le fracas médiatique insulaire, quelques voix tentent malgré de faire éclore la réalité. Peine perdue. Le fameux espace de dialogue, qui fonde le bénéfique débat est désormais concurrencé par le jugement péremptoire. Réforme cantonale ? A jeter aux orties assènent les réfractaires. Un projet urbanistique, fut-il modeste ? Voué aux gémonies par le camp des opposants. Créations d’emplois d’avenir ? Opération politicienne arguent certains. La liste n’est pas exhaustive. Elle s’enrichit à la cadence de métronome au rythme des initiatives. A l’évidence notre île s’engonce dans la négation systématique. Sans qu’émerge en corollaire la contre-proposition, étayée par une démonstration efficiente. Tout projet est critiquable, amendable, perfectible, voire préjudiciable. Mais sa validation ou son rejet doit impérativement être le fruit d’une analyse qui conjugue le possible, le souhaitable et la faisabilité. Une telle expertise fait désormais cruellement défaut, laissant place au jugement à l’emporte-pièce. A l’ukase et au veto.
Plaidoyer d’avenir
A ce constat, s’ajoute en toile de fond une Corse balayée par les vents mauvais de la paupérisation, ployant sous le joug d’une dérive sanglante qui tétanise Victime d’une double peine, elle cherche désespérément une hypothétique planche de salut.
Sauf à croire les diseurs de bonne aventure, le renouveau ne sera pas une sinécure. Et pourtant, le temps de rebâtir est venu. Ici et maintenant. Malgré la lourde atmosphère, les assassinats, la conjoncture défavorable, l’ardente obligation oblige à définir un cap et affirmer un objectif. En définitive dire et marteler que notre ile à un avenir et sa jeunesse des raisons d’espérer.
Cette démarche citoyenne impose de rejeter les vielles lunes, d’en finir avec les illusions, les mythes et le nombrilisme. Dans la clarté et l’humilité, les querelles de chapelle ou la préservation de futiles prés-carrés, doivent être submergés par les flots de l’intérêt général. Celui qui dessine une vision collective, alliant l’économie et le social, la solidarité et le développement. Elle brisera tel un fétu de paille, les petits calculs politiciens. Isolera ces professionnels du scrutin, exclusivement obnubilés par la préservation de leur rente. Et ceux qui briguent les fauteuils en prônant le renouveau, avec la sincérité des arracheurs de dents. En contre point l’antienne sortez les sortants est absurde. La Corse n’a pas besoin d’une grande lessive. Elle doit simplement reconduire les édiles qui ont fait de leur mieux et remplacer ceux qu’elle juge avoir failli. Cela se nomme le fait démocratique. Car comme le disait un certain François Mitterrand, on a les élus que l’on mérite.
Jean Poletti
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