LÉTHARGIE POLITIQUE OU CRISE À VENIR ?

 

Les appels au blocage du pays et aux manifestations fleurissent sur les réseaux sociaux. Les syndicats ont manifesté le 19 janvier. La contestation des réformes des retraites risque de coaguler les mécontentements les plus divers.

Par Emmanuelle de Gentili 

C’est démontré par le tableau de bord de l’Ifop de janvier 2023. Les préoccupations des Français sont l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires, la grève des médecins libéraux et la réforme des retraites. La guerre en Ukraine est moins évoquée dans les enquêtes d’opinion.

Il faut dire que depuis les deux élections de 2022, le pays est dans une léthargie politique, la majorité des citoyens semblant désabusés et ancrés dans les difficultés quotidiennes.

Le phénomène est alimenté par l’illisibilité politique du pays. Les deux grands partis de gouvernement (LR et PS) ont obtenu ensemble 6,5% des voix au 1er tour de la présidentielle, moins que M. Zemmour : 7%. M. Macron a été réélu pour un second mandat, mais n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée, contrairement à la logique du « fait majoritaire » qui s’était imposée depuis l’inversion du calendrier électoral en 2002. 

Le modèle de l’alternance gauche/droite dominant depuis les années 80 a lassé bon nombre de Français qui ne constataient pas d’amélioration de la situation du pays, scrutin après scrutin. La crise de l’énergie, la pénurie de médicaments et la dépendance à la mondialisation sont venues confirmer leur constat.

De plus, il existe un hiatus flagrant entre la volonté du Président, désireux de se poser en acteur de la scène internationale et la réalité, car la puissance économique et militaire de la France décline. D’ailleurs, la crise ukrainienne a fait apparaître le leadership américain et la mésentente du couple franco-allemand dans l’UE.

Échappatoire présidentielle 

Au surplus, sa politique internationale est perçue comme une échappatoire pour un président qui semble ne plus avoir de prise sur le plan intérieur. Les Français souhaitent, faut-il le rappeler, que la situation de l’hôpital s’améliore, que les prix cessent de s’envoler, que les centrales d’EDF fonctionnent et que la sécurité quotidienne soit restaurée. 

Ils constatent que la politique disruptive que prétendait porter le Président n’a pas transformé le pays. Bien qu’il conserve un socle de 35% de sympathisants, seuls 27% des Français le pensent proche de leurs préoccupations. C’est dire la césure ! 

Les dernières décennies de grandes visions ont fait le pays : catholicisme, communisme, Trente Glorieuses, industrialisation pompidolienne, avancées sociales de la gauche. 

Elles se sont émoussées pour laisser place à d’autres projets et philosophies politiques : Europe et écologie, qui séduisent quelques composantes du pays, sans pour autant lui donner l’élan que portaient les visions antérieures.

Délaissant l’idéologie, la politique ou la religion, le citoyen est devenu un homo economicus, exerçant sa souveraineté au travers de l’acte de consommation. Mais ce pouvoir diminué par l’inflation et les pénuries, va sans doute provoquer des frustrations, fabriquant sans doute un « Tiers-État de la modernité ». 

Économie marchande

La question du pouvoir d’achat devient centrale, reléguant au second plan le chômage toujours là, malgré sa baisse. Le gouvernement tente d’y remédier : bouclier tarifaire et aides diverses. Mais un acteur apparaît plus engagé et crédible, la grande distribution, qui annonce porter le vrai combat : la « lutte contre la vie chère ». L’économie marchande est ainsi en train de participer au pouvoir régalien en s’exprimant sur la situation économique ou la pénurie de tel ou tel produit. 

« La Corse était déjà dans ce système économique avec ses quatre rentes : rente de suremploi public, rentes foncières et environnementales et rente de distribution. » 

Le mouvement ressemble à celui des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), qui font rimer l’intérêt du livreur (Amazon par exemple) imposant ses conditions à ses fournisseurs pour être référencé. Ce système génère une très faible valeur ajoutée, requiert un bas niveau de qualification et de salaire pour la majorité de ses salariés et de faible rémunération des fournisseurs.

La Corse était déjà dans ce système économique avec ses quatre rentes : rente de suremploi public, rentes foncières et environnementales et rente de distribution. 

La récente DSP va asseoir plus encore le pouvoir économique. L’augmentation du prix du fret de l’ordre de 15%, va profiter aux propriétaires des navires qui sont également ceux des grandes surfaces, des entreprises de transport et de construction.

Oligopole et insularité

Nous insulaires, allons devenir des consommateurs soumis à cet oligopole, que même les USA ne tolèrent pas, avec leur loi anti-trust. 

Comment réagiront les Corses face à l’effacement du politique ? Nul ne le sait. Mais leur quotidien va devenir plus difficile. 

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