Les barrages hydrauliques sont des installations importantes pour produire de l’énergie électrique, stocker de l’eau pour l’irrigation et la consommation humaine, réguler le débit des rivières, contrôler les crues et prévenir les inondations. Cependant, il existe des idées reçues ou des préjugés qui leur sont associés, notamment en ce qui concerne les risques d’inondations. EDF, gestionnaire du barrage de Tolla construit sur le Prunelli, dans les années 60, est la cible à chaque crue dans la vallée, et plus particulièrement depuis celle de décembre 2019, d’accusations de délestage. Les rumeurs ont la vie dure d’autant plus qu’elles se répandent parmi des populations menacées de catastrophe à chaque fois qu’une pluie abondante survient.
Une réunion sur site en janvier a permis aux équipes du service de production d’EDF de faire preuve de pédagogie et de donner toutes les informations disponibles sur la gestion du niveau d’eau contenue grâce au barrage.
Bienvenue sur le site de Tolla.
Par Anne-Catherine Mendez
Première des énergies renouvelables en Corse, l’hydroélectricité est un élément essentiel de la production d’électricité sur l’île. Respectueuse de l’environnement, elle ne participe ni à l’augmentation de l’effet de serre ni à la pollution de l’air, et n’émet pas de CO2 ni de gaz polluants. Avec un total de 199 mégawatts de puissance installée, l’hydroélectricité en Corse est au cœur des enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Au quotidien, il s’agit de concilier énergie et partage de l’eau, comme l’eau potable, l’irrigation des terres agricoles, le respect de l’environnement, et les activités de loisirs sans jamais générer de danger à l’aval des installations.
« Jamais, absolument jamais, nous n’avons déversé en aval du barrage un seul mètre cube de plus que ce que les intempéries déchargent dans le lac. En épisode de crue, le mot d’ordre auquel on ne déroge jamais, c’est de ne pas aggraver le phénomène », assure Thierry Dufour, chef de service production à EDF Corse.
Ainsi, gérées de manière saisonnière, les retenues des grands barrages permettent de fournir une production élevée d’électricité en période de forte consommation, essentiellement en hiver.
Les usines hydrauliques sont mobilisables très rapidement. Lorsque la consommation d’électricité augmente, par exemple, elles peuvent produire de l’électricité deux à trois minutes après l’ordre de démarrage.
Les usines apportent également différents services au système électrique comme le réglage de fréquence et de tension, le démarrage rapide en cas de perte d’un autre moyen de production.
L’aménagement hydroélectrique du Prunelli
Construit au début des années soixante, l’aménagement hydroélectrique du Prunelli est le plus ancien de Corse. D’une puissance globale de 44 MW, l’ensemble du dispositif comprend le lac de Tolla, d’une capacité de 32,5 millions de m³, formé par le barrage haut de 88 mètres. Il occupe une superficie de 115 hectares. C’est la plus grande retenue d’eau de Corse. Plus en aval se trouve l’usine souterraine de Tolla (20 MW), la retenue intermédiaire d’Ocana, formée par un barrage maçonné de 7 mètres, l’usine d’Ocana (16 MW) et enfin le bassin de Pont de la Vanna, qui appartient à l’Office hydraulique et l’usine de Pont de la Vanna (8 MW). Ainsi, l’eau stockée par le barrage de Tolla est turbinée 3 fois, successivement dans les usines de Tolla, d’Ocana et de Pont de la Vanna avant d’être restituée dans le cours d’eau.
Le fonctionnement de l’hydroélectricité s’appuie sur le cycle naturel de l’eau (précipitations, fonte des neiges, torrents, rivières). Les barrages retiennent l’eau issue des apports naturels, formant alors des lacs artificiels. La retenue ou bassin supérieur constitue la réserve en eau, donc en énergie. L’eau est ensuite utilisée à la demande pour faire tourner des turbines et produire du courant électrique avant d’être intégralement restituée dans le cours d’eau.
En période de production maximale, le débit de l’équipement est de 11m3/seconde. La structure est complétée par un déversoir avec un débit d’évacuation de 815 m³/seconde, qui passe à côté du barrage, et se déverse directement sur la falaise. Il est peu probable que cette capacité maximale soit dépassée, le débit d’une crue millénale est évalué en effet à 625 m3/seconde. Par exemple, en décembre 2019, lors de la tempête Fabien, le débit entrant a été mesuré à 425 m3/seconde.
Une seule vanne sur le barrage de Tolla
Une seule vanne est utilisée sur le barrage de Tolla, une vanne de fonds, dont le débit est de 80 m3/seconde. Elle n’est utilisée que dans des cas exceptionnels, le dernier remonte à 2014. « Il n’y a jamais eu plus de 1 m³ de déversement qui a pénétré dans le barrage, explique Daniel Salini, adjoint au chef du Groupement hydraulique Ocana-Rizzanese. Il n’y a jamais eu de crue engendrée par le barrage car notre objectif et notre obligation est de ne pas aggraver le phénomène naturel. »
Les phénomènes orageux se font plus rares mais plus violents, ce qui explique souvent les crues surprenantes dans la vallée. Les prévisions sont fiables mais la quantité d’eau dépend tellement de plusieurs facteurs, que parfois il pleut en aval mais pas en amont.
« En anticipation des alertes, on abaisse donc la retenue. On turbine au maximum pour baisser la cote du barrage, c’est-à-dire le volume d’eau stocké. Sans le savoir, les gens ont pris l’habitude de l’effort tampon du barrage. »
Le partage de l’eau au service du territoire
Au-delà de sa dimension énergétique, l’aménagement hydroélectrique du Prunelli joue un rôle essentiel pour la région. Par convention avec l’Office d’Équipement Hydraulique de Corse et la CAPA, plus de 13 millions de m3 d’eau de la retenue de Tolla sont réservés chaque année pour l’alimentation en eau potable, en eau brute et pour l’irrigation de terres agricoles.
EDF Corse travaille en concertation avec les acteurs locaux au partage et au juste usage de la ressource en eau, avec le souci constant de protéger les milieux afférents.
La retenue de Tolla, via la prise d’eau située au niveau du bassin de compensation de Pont de la Vanna, alimente en eau potable et en eau brute la majeure partie du bassin ajaccien ; soit près de 90 000 personnes. 80% de la production d’eau de la CAPA provient de la retenue de Tolla.
Pourquoi le niveau d’un barrage varie-t-il selon les périodes ?
Plusieurs facteurs sont responsables de la variation du niveau de l’eau d’un barrage : L’hydrologie naturelle : la pluie, la fonte des neiges ou encore les périodes de sécheresse ont un impact sur le niveau d’eau d’un barrage. En début d’été, EDF Corse veille au remplissage maximal de ses barrages pour constituer des réserves d’eau, tandis qu’elle abaisse les retenues avant la fonte des neiges qui, elle, contribue naturellement au remplissage des barrages.
Peut-on vider le barrage avant une crue ?
A réception des alertes météo, EDF Corse turbine au maximum pour déstocker autant que possible la retenue et limiter des déversements, qui représentent par ailleurs des pertes de production hydroélectrique renouvelable. Mais lorsque les débits entrants deviennent très supérieurs au débit turbiné, le niveau de la retenue augmente inexorablement. Selon le niveau initial de la retenue, la crue peut être absorbée totalement ou partiellement.
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