Piazza Porta
Sartène au rythme de l’Histoire
Par Karine Casalta
Quatrième roman historique de cette écrivaine férue d’histoire, Piazza Porta évoque les bouleversements qui agitent la France pendant la révolution de 1830 et comment ils trouvent un écho particulier en Corse, à Sartène, où les factions sont aiguillonnées par de vieilles rivalités.
L’autrice, Michèle Corrotti, aborde ici ces événements en parallèle à l’histoire du héros, Giovanni, jeune artisan italien partisan du Risorgimento, réfugié en Corse. Agité par ses rêves d’Unité et de Constitution, Giovanni apporte avec lui les ferments révolutionnaires qui précipitent sa participation aux événements qui ensanglantent la ville, sur fond de vendetta, en écho à la révolution française de 1830.
L’auteure rappelle par là même, une page de l’histoire des Italiens qui, au xixe siècle, furent nombreux à offrir leurs talents et leur force de travail en Corse. N’ayant qu’un bras de mer à traverser, ils parlent souvent la même langue que les Corses et n’ont pas le sentiment d’émigrer. Contrairement aux plus pauvres d’entre eux : charbonniers, bûcherons, journaliers, saisonniers… qui s’échinent pour de maigres salaires avant de s’en retourner chez eux, les artisans, forts de leur savoir-faire, s’installent souvent et font souche. La Corse leur doit de nombreux ouvrages d’art…
Un récit bien documenté qui, en nous faisant partager les aventures et les sentiments de Giovanni lors de son parcours initiatique plein de surprises, offre à Michèle Corrotti l’occasion d’exprimer une fantaisie romanesque très personnelle, et donne l’occasion à l’auteure, elle-même née à Sartène, de mettre en scène un ancêtre fantasmé.
Un livre, un auteur
Retraitée de l’enseignement (Lettres classiques et Cinéma), on doit à Michèle Corrotti d’être à l’initiative d’Histoire(s) en Mai, manifestation dédiée au roman historique, et du « Prix Ulysse » prix de littérature décerné par le festival Arte Mare dont elle est la présidente. Elle a également accompagné la création du festival de cinéma Cine Donne dévolu aux femmes.
Michèle Corrotti figure dans l’ouvrage 21 femmes qui font la Corse, et a reçu la Légion d’Honneur pour son engagement associatif.
Pour écrire, il vous faut…?
Rien que de très banal. Du temps, et ce n’est pas toujours évident car Arte Mare en exige beaucoup. Mon ordinateur, écran XXL, confortable pour la myope que je suis. Une bonne histoire à raconter et l’ingénuité de croire que je ne vais pas la gâcher.
Si vous deviez décrire votre dernier ouvrage en deux phrases ?
En 1829, à la veille de la révolution de Juillet, un « carbonaro », Giovanni Bonucelli, décide de se réfugier à Sartène. Le parcours de ce jeune horloger toscan, travailleur et épris de liberté.
Les thèmes qui vous inspirent ?
La Corse et ses rapports avec l’Italie ; la famille et ses dérives ; les déterminismes qui pèsent sur toute destinée.
La période historique que vous auriez aimé vivre ?
Le xviiie siècle où se dessine un ordre social nouveau, sécularisé. Un siècle de raffinement, d’intelligence et d’impertinence. Les femmes y expérimentent une forme d’indépendance qui ne survivra pas au siècle suivant. Et l’on pouvait encore espérer non seulement le progrès mais la victoire définitive des Lumières.
Votre héros /héroïne (de fiction ou dans la vie réelle) préféré ?
Elizabeth Bennett, l’héroïne d’Orgueil et préjugés de Jane Austen, merveilleusement ironique et critique. Un remède à la bêtise.
L’auteur que vous auriez aimé rencontrer ?
George Sand. Une femme remarquable dont nous pouvons lire non seulement les romans, en particulier Les Maîtres sonneurs, mais aussi l’autobiographie, Histoire de ma vie, le Journal intime et l’immense correspondance. Pour son talent, son courage, ses engagements, ses amitiés, ses amours, sa bonté. Une femme et un écrivain d’exception comme George Eliot.
Les lectures qui vous permettent de vous évader ?
Les romans classiques chinois : Au bord de l’eau, Le rêve dans le pavillon rouge, Fleur en Fiole d’Or, La Pérégrination vers l’Ouest. Irrésistibles.
Votre meilleur souvenir de lecture ?
La bande dessinée : Les aventures d’Oscar Hamel et Isidore de Frédéric-Antonin Breysse.
Oscar Hamel part au bout du monde accompagné de son chien Titus, de son cousin Isidore et du singe Cacahuète. Dans les années 60, cousins et cousines, nous lisions ces albums tous les étés et en cas de cafard, je les relis encore.
Le casting d’un diner idéal chez vous ?
J’ai eu le plaisir de dîner avec des gens formidables, invités du festival, comme Jorge Semprun, Nedim Gürsel, Raja Amari, Victoria Abril, Mario Soares, Erri de Luca, Hiam Abbas, Marie NDiaye, Amos Oz, Anna Karina, Maria de Medeiros, Agnès Jaoui, Pierre Salvadori, Nancy Huston, Marina Vlady pour ne citer que quelques noms. Mais, au quotidien, en compagnie des amis, le casting est également idéal.
Un lieu qui vous ressemble ?
L’alignement de Palaghju, pour avoir ressenti en ce lieu de campagne, impressionnant et banal à la fois, tout ce qui nous rattache à cette terre : le granit, les vieux arbres, les odeurs de maquis, les montagnes à l’horizon, la mer invisible mais que l’on pressent, la beauté parfaite des pierres dressées, le cercle symbolique qui protège l’aura de ces antiques témoins. Mais à cette aune, je ne serais bien sûr qu’un minuscule caillou.
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