Lors d’une conférence de presse, la présidente de l’ATC annonçait qu’il en serait fini de promouvoir la Corse aux mois de juillet et d’août et que les budgets seront redéployés sur l’avant et après-saison. La virulente réaction des professionnels du tourisme ne s’est pas fait attendre. Ils dénoncent pêle-mêle méconnaissance de la réalité et absence de concertation.
Par Jean-André Miniconi
Le collectif des acteurs de l’hébergement touristique professionnel dénonçait sans ambages une communication à des fins politiques, afin de contenter l’électorat du pouvoir en place et ne tenant pas compte de la réalité des faits. Puis le groupement des hôtelleries et restaurations (GHR Corsica) faisait entendre sa voix avec une formule explicite « pas question de déchirer les cartes postales de la Corse » pour répondre à la volonté de l’ATC de ne plus mettre en avant certains sites « stars » subissant une fréquentation excessive durant la haute saison.
Alors, qu’en est-il vraiment ? Tout d’abord, il faut s’attacher au contexte. Nous avons d’une part une économie touristique qui a prospéré sans véritable fil conducteur et qui a connu ces dernières années une nette accélération sous l’impulsion des compagnies low cost et du développement des plateformes de location. D’autre part, nous trouvons les acteurs historiques du tourisme, en proie depuis 2020 à des difficultés financières, et finalement ne profitant pas vraiment de cet afflux de clientèle, qui se tourne de plus en plus vers le paracommercialisme.
Décision en trompe-l’œil
Allonger la saison et contrôler le flux touristique de la haute saison ? Une telle annonce, à cette époque, sans concertation préalable avec les professionnels, en sachant que la saison commence mal, a de quoi laisser perplexe. D’autant plus que les mesures énoncées ne changeront rien au flux de la haute saison, les médias internet et les plateformes de location se chargeant de mettre en avant la destination. En contrepoint, les professionnels appuient là où ça fait mal. En substance, comment bâtir une offre durable, de qualité en gérant les externalités, si on ne réglemente pas les meublés de tourisme ? Il faut dire en effet, que le parc hôtelier est stable depuis des années et que l’augmentation des nuitées est due en très grande partie pour ne pas dire en totalité à l’explosion de l’offre de type Airbnb. Mais ce n’est pas tout, l’économie informelle met en danger financièrement les structures professionnelles qui se retrouvent ainsi à la merci de groupes hôteliers ou de fonds d’investissement. Ainsi César Filippi, le président de GHR Corsica, dénonçait le comportement de certains prédateurs qui « rachetaient à tour de bras des terres ainsi que des petites et moyennes exploitations familiales autochtones ».
Le discours et la méthode
Que faire pour avancer ? S’il n’est pas question de dérouler un catalogue de mesures, nous pouvons néanmoins mettre l’accent sur la méthode et sur quelques points saillants :
– On ne peut pas bâtir de politique touristique sans volonté réelle ni concertation. Ainsi, l’ATC devra s’appuyer sur l’expertise des autres agences de la Collectivité, des organisations professionnelles, des chambres consulaires et des offices locaux de tourisme. Des objectifs clairs, quantifiables et acceptés par tous devront être définis.
– Sur l’allongement de la saison, tous les professionnels dignes de ce nom y sont favorables. Seulement, allonger la saison veut dire accepter un taux de remplissage moindre avec des tarifs plus bas. Il faudra mettre, au commencement, en place des mesures financières afin d’accompagner les structures dans cette démarche.
– De plus, faire venir des touristes en hors saison ou sur les bords ne se décrète pas d’un coup de baguette magique. On doit penser le tourisme autrement qu’en vendant du sable, du soleil ou de la montagne. Cela prend du temps. Le tourisme doit s’aborder au travers de thèmes et de parcours, patrimoniaux, culturels, historiques, écologiques.
Fâcheux oublis
– La maîtrise des transports est aussi indispensable à la construction de l’offre. Il faut clarifier le rôle d’Air Corsica dans la desserte aérienne de la Corse. Pourra-t-elle développer des destinations y compris hors saisons selon le plan tourisme qui aura été établi ? Tout en sachant que les low cost tapent au portillon.
– Que l’on ne pense pas non plus réguler les flux touristiques en s’affranchissant de légiférer sur les meublés de tourisme. C’est en fait la priorité. Toutes les grandes villes ont pris en compte le phénomène, des régions comme le Pays basque ont mis en place des réglementations strictes pour endiguer ce type de location et rétablir un marché immobilier en adéquation avec les besoins de la population locale. Nous sommes en retard, il faut réguler !
Manne économique
Bien sûr bien d’autres points sont à aborder, mais ceux-là sont essentiels. Enfin pour terminer, je rappellerai que la consommation touristique (seul indicateur régional à ce jour et à ne pas confondre avec le PIB) pèse à peu près 39% du PIB en Corse, ce qui est énorme. N’en déplaise à ceux qui pensent pouvoir se passer de la manne que cela représente, entre 2,5 et 3 milliards d’euros , le tourisme bien pensé, bien organisé, respectueux de ses habitants et de ses sites, est un vecteur de développement pour la Corse.
Alors il serait temps, de s’y mettre, sinon l’éternelle question quel tourisme pour la Corse restera sans réponse encore bien longtemps.
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