Baptême du feu réussi. Essai transformé. Dans l’hémicycle territorial d’unanimes louanges furent adressées au Comité d’évaluation des politiques publiques. Cette structure consultative présidée par Marie-France Bereni-Canazzi, composée de bénévoles, prend désormais rang d’interlocutrice privilégiée de la sphère politique. Elle allie l’implication citoyenne aux grands enjeux de l’île.
Par Jean Poletti
Lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse, le premier rapport du comité d’évaluation des politiques publiques a été présenté aux conseillers territoriaux. Avec pour thématique, « l’action de la collectivité de Corse dans le domaine de la crise sanitaire de mars 2020 à septembre 2021 ». Cette instance consultative, composée pour une large part de citoyens, bénévoles, a gagné ses galons auprès de l’ensemble des groupes politiques. Marie-France Bereni-Canazzi, présidente de l’instance, a plaidé pour « le nécessaire dialogue entre société civile et société politique ».
« Un outil récent autant que moderne. » Par ces propos liminaires, elle a pris soin d’expliciter les enjeux de l’évaluation. La force de ce comité tel qu’il existe en Corse est de permettre par l’implication citoyenne, l’ouverture, la prise en compte des avis insulaires sur la valeur d’une action publique.
« Ni cour des comptes, ni audit, ni contrôle de gestion, l’évaluation reste un domaine à part qui consiste à construire pas à pas les éléments d’un projet commun », a encore pris soin de relever Marie-France Bereni-Canazzi. Après avoir sérié ce qui relevait du régalien et ce qui incombait à la stratégie régionale, les 51 membres du CEPP ont décidé d’évaluer la gestion de la crise sanitaire par la Collectivité de Corse.
Un travail dense, qui trouva un épilogue exhaustif grâce à l’implication sans faille de tous et des deux commissions. L’une liée à la méthodologie et présidée par Alain Di Meglio. Et l’autre ayant trait à la question évaluative sous l’égide de Charles Casabianca.
Les leçons d’une crise
Le CEPP a innové en croisant à la fois l’approche quantitative et l’approche qualitative. Pour ce faire, une longue liste de questions a été envoyée à une pluralité d’acteurs à auditionner. Cela permis d’obtenir différents points de vue, dont celui très attendu des « usagers ». S’ensuit une série de recommandations. Parmi elles, un meilleur recrutement des personnels soignants, ainsi qu’une formation plus intensive. Enfin, fut avancée l’idée de la création d’un centre hospitalier universitaire, qui, s’il est bien ciblé, permettrait d’avoir une réponse plus efficace en cas de nouvelle crise.
Dans ce panel prospectif, des pistes à la fois économiques et sociales, ont également été évoquées. Et en toile de fond la proposition de doter la Collectivité de ses propres outils. Ainsi par exemple si d’aventure se reproduisait un problème sanitaire, il serait opportun de réduire les rotations fussent-elles touristiques. Celles-ci seraient exclusivement réservées aux transports utiles à la subsistance des habitants et à leur suivi médical hors de l’île. Des mesures de rapatriement aérien et maritime coordonnées pourraient même être envisagées. Elles pourraient aller jusqu’à la fermeture des ports et aéroports. D’une priorité, l’autre, le comité suggère en résonance avec l’urgence et la solidarité la protection des travailleurs sociaux. Sans verser dans l’énumération exhaustive, le comité soutien une dévolution de compétences nouvelles dans la perspective d’une évolution institutionnelle octroyant à l’évidence une autonomie décisionnelle accrue à la Collectivité de Corse.
Respiration démocratique
La présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis a salué « la qualité de l’engagement citoyen ». Ajoutant : « J’ai pu juger cette qualité dans une logique transpartisane. La démocratie participative et la transparence s’en trouvent valorisées. Il est important qu’il y ait un regard citoyen sur ce que nous faisons. » Elle a également rappelé qu’elle s’est prêtée elle-même au jeu des auditions en tant qu’ancienne présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse. Et s’est en incidence félicitée du sérieux et de la pertinence des demandes.
La présentation du document se prolongea par un débat alimenté de par de nombreuses interventions. Paul-Félix Benedetti, pour Core In Fronte,salua l’action bénévole de ce comité. Et d’ajouter : « Le rapport est pertinent. Cela est nouveau. Il s’agit de faire une introspection, de donner des pistes. Je félicite la méthode et le système d’évaluation qui associe la base citoyenne. Vos conclusions sont très politiques et il convient de doter la Corse d’outils spécifiques. »
Comme en écho, Saveriu Luciani, pour Avanzemu, souligna notamment : « Vous êtes venus proposer une construction. C’est une respiration démocratique. Il y a une liberté de propos, vous êtes utile. L’évènement est à signaler. Il y a un pays à construire, vous avez votre place. »
Pour Murielle Fagni de Fà Populu Inseme, nul doute n’est de mise. Cerapport illustre « l’existence d’un poumon démocratique », autant que la sortie de la seule perspective technicienne ». Elle a insisté sur l’intérêt d’un suivi de préconisations.
Dans ce droit fil, Paul-Jo Caitucoli, affirma sans ambages : « On pourrait même appliquer cette méthode de l’évaluation au niveau local, à l’échelle des territoires. Le choix de la neutralité est un gage de démocratie. C’est un moment historique que nous vivons. »
Transports au crible
Même tonalité pour Jean-Martin Mondoloni. Le leader de Un Soffiu Novu fait en quelque sorte amande honorable. «J’avais des doutes sur le CEPP. Mais on se rallie. Le Sujet est multifactoriel. C’est une respiration démocratique. »
Bianca Fazi, conseillère exécutive en charge du social et de la santé, qui fut auditionnée au cours de cette évaluation se montra encore plus tranchante et ouvrit une piste en forme de plaidoyer « la santé, compétence régalienne de l’État, doit être une compétence nouvelle dévolue à la Corse ».
Enfin, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse déclara : « Le CEPP a son utilité. Il a gagné ses galons. L’instance fonctionne sans ressources budgétaires. Il faut lui donner les moyens de fonctionner. Comment intéresser les citoyens à la chose publique ? Le CEPP est une forme innovante et un outil de transparence. »
Un outil qui vient de loin, comme l’a rappelé dans son propos introductif Marie-France Bereni-Canazzi. Car en 2012 déjà, Jean-Guy Talamonil’avait appelé de ses vœux. Et en 2020, ce fut chose faite, le comité était constitué.
Encouragé par la nouvelle mandature ainsi que par les groupes politiques présents, le CEEP a dévoilé la prochaine politique à évaluer. Elle portera sur la thématique des transports. Ses déclinaisons sont si nombreuses qu’il faudra circonscrire le périmètre d’étude. Le CEPP va s’y atteler dès cette rentrée.
Unique en son genre
On le voit, ce Comité a l’insigne mérite d’éclairer réalités et perspectives de la sphère politique par essence et définition décisionnelle. De bilans d’étapes en ouvertures de pistes d’avenir, il se veut révélateur moderne qui fonde dans un même creuset démocratie et citoyenneté.
Sa force et sa vigueur tiennent à maints égards de son originalité pour ne pas dire de son particularisme. En effet, contrairement à nombre d’entités d’évaluation opérationnelle ailleurs elle n’est pas étatique. Et surtout on peut dire sans crainte d’erreur qu’elle est la seule et unique à fonctionner grâce à des citoyens tirés au sort. Voilà sa spécificité dont elle a seule l’apanage. En cela elle déroge pleinement à ce qui se fait ailleurs sous une forme ou une autre.
Aussi, ce Comité n’a pas comme seul mérite d’exister. Il permet à l’évidence une offre supplémentaire de réflexion et d’action reflétant les préoccupations de la population sur des thématiques majeures. Cela fut légitimement bien compris et adoubé par l’ensemble des édiles territoriaux. En se positionnant comme une sorte de « chambre de conseils », il fait œuvre salutaire tant s’esquisse au gré des travaux actuels et futurs un efficient appui à la gouvernance. Renforçant ainsi le lien entre politiques et société.
Partenaire particulier
En évitant la grandiloquence, nul n’infirmera qu’il s’agit d’un formidable apport d’action et de réflexion qui renvoie à la modernité. Par l’implication de ses membres autour de thématiques retenues, il éclaire sans l’ombre d’un à priori ou de partialité les sujets sociétaux qui transcendent les générations, entités sociales ou implantations géographiques des gens.
En un mot comme en cent, s’il n’avait pas existé il aurait fallu l’inventer. Voilà chose faite. Le comité a pris son essor. Gageons que son implication s’amplifiera avec le temps. Au point dans un avenir proche de devenir un partenaire obligé et incontournable de ceux que le suffrage universel porte aux responsabilités.
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