La Tendance sans alcool

Lancé en 2013 en Grande-Bretagne, le Dry January répond à une seule règle : ne pas boire d’alcool durant tout le mois de janvier. En 11 éditions, le défi a convaincu plusieurs millions de personnes à travers le monde. À la clé, pas de bon point, pas de pression, chacun fait ce qu’il peut, comme il peut et constate les bénéfices de l’expérience.

Par Caroline Ettori

Un mois sans alcool: chiche ! Ou pas. Ou un peu quand même. Débarqué en France en 2020, le Dry January convainc chaque année un peu plus de monde. Et c’est peut-être le défi dans le défi quand on sait que la France se hisse régulièrement dans le haut du classement des pays où l’on boit le plus d’alcool avec près de 43 millions de consommateurs. Selon une étude de Santé publique France, plus d’un Français ou Française sur 5 dépasse les repères

de consommation à moindre risque soit 10 verres par semaine et pas plus de deux verres par jour.

L’alcool, ce faux ami

Socialement valorisé, économiquement et politiquement soutenu, l’alcool a des appuis haut placés. Si le Dry January est porté par les mondes associatif et médical, le gouvernement se montre lui nettement plus frileux. Interpellé par une cinquantaine de scientifiques et addictologues sur l’engagement de l’Exécutif en faveur de ce défi sanitaire, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau ne s’est pas déclaré favorable à une action collective. Sur le plateau de BFMTV, il a précisé: «À titre personnel, je suis toujours très méfiant ou prudent quand on dit: “Le gouvernement lance une campagne pour savoir comment vivre pendant un mois”.» S’il ajoute qu’il restera sobre en janvier, il n’encourage pas directement les Français à en faire autant. Minimisant l’influence du lobby de l’alcool, le ministre rappelle ses priorités: la jeunesse et l’alcoolisation fœtale. En attendant, l’alcool est à l’origine de 49000 décès par an selon les chiffres du ministère de la Santé. Un enjeu de santé publique évident pour les organisateurs du Dry January: «Il s’agit de réduire les risques et les coûts sociaux liés à la consommation

d’alcool. Une baisse de la consommation en population générale conduira à une diminution des maladies maladie du foie, cancer, accident vasculaire cérébral, maladie cardiaque ainsi que des hospitalisations liées à des violences, accidents ou blessures dus à l’alcool. »

Un défi qui vous veut du bien

Passons à la pratique. Le Dry January, au- delà de passer un mois sans boire d’alcool après une période plus que chargée côté excès, rassemble une véritable communauté. Pendant ces quelques jours, les abstinents peuvent, s’ils le souhaitent, recevoir un soutien via le site Internet, les réseaux sociaux, l’application, le groupe de soutien en ligne, le blog consacrés à l’opération. Et pour ceux qui prennent goût à la modération l’accompagnement continue tout au long de l’année avec l’application Try Dry et le groupe Facebook d’entraide #LeDéfiDeJanvier #DryJanuary. Pour celles et ceux décidés à tenter l’expérience, voici quelques clés pour comprendre le processus. La période initiale d’abstinence génère quatre effets clés qui relèvent tous de l’apprentissage par l’expérience directe. En clair, elle permet aux participants de mieux comprendre les habitudes et les associations qu’ils ont développées au fil du temps. Ils apprennent que certaines personnes, certains lieux, certaines situations ou certaines émotions peuvent leur donner envie de boire, même si, consciemment, ils n’en ont peut-être pas envie. En participant à ce défi, ces engagés volontaires apprennent de nouvelles tactiques et méthodes pour faire face à ces déclics. En outre, le défi permet aux personnes de faire l’expérience directe de précieux avantages physiques et émotionnels, notamment un regain d’énergie, un meilleur sommeil, une plus grande clarté d’esprit et, dans de nombreux cas, une perte de poids – elles apprennent ainsi que l’absence d’alcool peut avoir des effets bénéfiques concrets. Il donne aux gens l’occasion de vivre différemment des situations où ils auraient auparavant automatiquement bu, par exemple en apprenant à apprécier davantage un divertissement lorsque leurs sens ne sont pas émoussés, en goûtant mieux la nourriture, en étant plus présents avec leur entourage ou encore en ayant plus d’énergie pour faire de l’exercice. Ainsi, Le Dry January s’adresse à toutes celles et tous ceux qui se questionnent sur le contrôle de leur consommation d’alcool et/ou qui ont développé des habitudes de consommation difficiles à changer, sans être alcoolo-dépendants. En effet, lorsque que les buveurs présentent un niveau de dépendance physique, l’arrêt sans suivi médical peut être dangereux. «C’est un challenge positif, ludique et collectif, à relever en famille, entre amis ou entre collègues, mais aussi de façon individuelle. Chacun est libre de le relever à sa manière ! L’objectif n’est bien évidemment pas d’interdire, de culpabiliser ou de faire la morale, mais bien d’analyser nos capacités de contrôle», souligne le Professeur Amine Benyamina, psychiatre, addictologue et président de la Fédération Française d’Addictologie. Il ne s’agit pas d’ajouter de la pression à la pression sociale qui pousse à la consommation. Et c’est peut- être ce qu’il y a de plus compliqué à gérer. À Ajaccio, cela fait maintenant huit mois qu’Antonia a arrêté de boire de l’alcool.C’est donc naturellement qu’elle continuera l’expérience durant ce mois de janvier. «Le plus difficile c’est l’avis des gens, le fait de devoir se justifier à chaque sortie. Ma technique pour couper court au débat: boire du Bitter, beaucoup pensent que c’est de l’alcool.» Notez l’astuce! Par ailleurs, la jeune femme a remarqué une «saisonnalité» dans son envie de consommer de l’alcool: «Si l’été a été plutôt simple à gérer, avec l’hiver, je dois avouer que le petit verre de vin rouge manque un peu.» Pour Antonia, à l’image du Dry January, tout a commencé par un défi… personnel: «J’ai lu qu’on était alcooliquesionnepouvaitpass’empêcher de boire pendant trois mois. J’ai voulu relever le challenge et maintenant j’ai l’impression que je vais perdre si je craque. D’autant plus qu’on se sent vraiment mieux le lendemain et que ça ne change rien à nos soirées bien au contraire, c’est juste une mauvaise habitude.» Karine est aussi prête à essayer. « C’est une bonne initiative, surtout après les fêtes! Il paraît que quelques semaines sont nécessaires pour s’habituer, l’objectif est donc réalisable. Cette pause ne peut nous faire que du bien: pour le sommeil, pour notre peau, pour tout notre organisme.» En 2024, Karine misera sur un mode de vie plus équilibré: «Même si je ne fais pas d’excès, je pense que ce sera ma première bonne résolution. D’une manière générale, j’aspire à une routine plus saine. Lorsqu’on prend de l’âge, c’est la meilleure des choses à faire ! » Et pas seulement avec l’âge quand on sait les ravagesdel’alcoolchezlesplusjeunes.Enfin, cette année les organisateurs du Dry January ont lancé en parallèle une grande enquête auprès des participants. L’étude JANOVER proposera plusieurs questionnaires afin de mesurer l’impact du défi en France. Une première après les résultats positifs constatés danslesautrespaysengagésdansl’expérience.

LE VRAI DU FAUX SUR LE DRY JANUARY

Le site DryJanuary.fr généré par un collectif d’associations et de réseaux nationaux recensent toutes les informations sur cette opération et propose un vrai/faux battant en brèche quelques idées reçues.

Après le Dry January, les participant·e·s recommencent à boire comme avant

FAUX Une étude de 2019 réalisée par l’université du Sussex montre que six mois après janvier les participants au défi consomment moins d’alcool qu’avant. Le sentiment de prise de contrôle sur sa consommation ressenti par 80% des participants continue bien au-delà de janvier.

Promouvoir le Dry January, c’est s’en prendre aux bons- vivants, à l’art de vivre à la française

FAUX Au contraire, le Dry January n’est pas fait pour se priver de quelque chose: c’est essayer quelque chose de nouveau! Les participants le disent souvent : on découvre qu’on peut prendre du plaisir, se détendre, profiter d’un bon repas ou passer du temps avec ses proches sans boire d’alcool.

On peut réussir le Dry January même si on boit un verre en janvier

VRAI Le Dry January est un défi qu’on se lance à soi-même ! La

règle est simple mais il n’y a ni bon point ni trophée à gagner. On propose juste aux participants de reprendre le contrôle de leur consommation d’alcool en repérant les moments où la consommation est plus liée à une routine qu’à un réel plaisir. Alors oui, en 31 jours, il peut arriver de céder. Ces contretemps font partie du défi: tout l’intérêt est d’en apprendre plus sur soi-même pour les éviter.

Arrêter de boire a un impact positif sur la santé

VRAI Même si l’arrêt est provisoire, la plupart des participants le constatent après quelques jours d’arrêt de l’alcool: un meilleur sommeil, une peau plus belle, de meilleures capacités de concentration, plus d’énergie.

Le Dry January s’adresse en priorité aux personnes dépendantes de l’alcool

FAUX et DANGEREUX Pour les personnes alcoolo- dépendantes, l’arrêt soudain de la consommation peut être dangereux. Elles peuvent si elles le souhaitent s’engager dans la démarche mais il est important d’être accompagné.

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