
Le funeste virus sape en onde de choc le tourisme, principal socle de notre économie. De manière directe ou induite, il touche aussi maints secteurs du commerce de l’artisanat des transports, risquant de désarticuler en cascade des pans entiers de l’activité. Avec en ombre portée l’accroissement du chômage.
Par Jean Poletti
Une avant saison catastrophique. Des annulations en cascade. Les réservations d’hôtels réduits comme peau de chagrin. Le tourisme à lui seul constitue un tiers de l’économie insulaire, un emploi sur cinq et engrange deux milliard et demi de dépenses. Ce constat vient d’être brisé par la pandémie. Certes le pire n’est jamais sûr. Mais si Les vacances Pascales seront ourlées de désaffections en cascades, rien n’indique que le rush estival sera lui aussi aux abonnés absents. Dans cette triste panoplie des déconvenues, qu’il est vain de détailler de manière sectorielle, le chômage partiel et le report ou l’allègement des charges deviennent les seules armes de riposte.
La Corse, faut-il le rappeler, compte essentiellement des très petites entreprises, ou parfois le « patron » est l’un des seuls salariés. Leurs trésoreries souvent modestes qui atteignent déjà difficilement l’équilibre pourront-elles supporter ce choc frontal ? Ne pas verser dans la psychose ou le défaitisme s’avère à l’évidence essentiel. Mais les faits sont têtus. Dans une région, ou contrairement à toutes les autres le chômage avait encore récemment progressé, et ou l’économie a la fragilité du cristal, cette crise met à mal, ici plus qu’ailleurs, une situation déjà précaire à maints égards.
Structures modestes
Réagir ? Parer au plus pressé ? Tels sont les antidotes qui s’imposent. Mais sans verser dans le pessimisme légitime et ambiant, le monde entrepreneurial s’interroge à mots couverts si cette thérapie nécessaire s’avèrera suffisante. Restaurants et autres bars aux rideaux baissés, instauration de télétravail en palliatif aux salariés consignés à domicile, transports maritimes et aériens en berne. Voilà l’actuel constat. Il indique mieux que longs discours que l’ile vit au ralenti. Les représentants des Chambres de commerce ou de Métiers, l’Etat, et plusieurs organisations professionnelles tentent de juguler cette chronique d’une débâcle annoncée. Le préfet de région, Franck Robine, reçut récemment Charles Zuccarelli président du Medef, afin d’initier une cellule économique dévolue à répondre concrètement aux problématiques rencontrées. Elles sont nombreuses et variées, alliant situations personnelles et déjà alarmantes, a une stratégie d’ensemble susceptible d’encaisser le choc avec le moins de dégâts possibles.
Un fait est d’ores et déjà perceptible. Les structures modestes aux trésoreries par définition limitées et dépourvues de réserves financières seront les plus durement impactées. D’où l’interrogation qui fleure sur bien des lèvres : Combien d’entre elles pourront se relever ?
Plan de relance
Chacun connait, ou a dans ses relations, ce qu’en terme générique on nomme les petits commerçants. Chez eux pas de business plans ou prospectives stratégiques. Ils sont soumis à un flux régulier de clientèle, presque au quotidien. Que les habitués désertent trop longtemps en contraindra plus d’un à mettre la clé sous la porte. Scénario improbable ? Acceptons l’augure des plus optimistes. Toutefois instruits par l’histoire de déboires, de nature différente mais similaires dans les conséquences, d’aucuns disent que les cicatrices sur le tissu commercial et son corollaire l’emploi risquent d’être profondes.
D’ores et déjà se dessine l’idée, lorsque l’atroce pandémie aura vécu, d’un authentique plan de relance insulaire. Il devra impérativement allier ambition, écoute étatique, et consensus. Ainsi, il conviendra une bonne fois pour toutes d’affirmer, à l’aune des réalités, que lorsque le tourisme s’effrite toute la Corse trébuche. Renvoyant ainsi à leurs chères études ceux qui réfutent, au nom de vieilles lunes, la part majeure de l’industrie touristique dans notre Produit intérieur brut. Ensuite, ne pas ignorer les propos de certains, incitant à repenser notre modèle économique. Une réflexion qui bien évidemment ne sera de saison qu’une fois le fléau viral terrassé. En toute hypothèse il conviendra, comme l’explicitent nombre de voix, d’éviter que l’activité insulaire frappée en son cœur ne s’effondre, dans le droit fil de la théorie des dominos.
Stratégie d’avenir
Car dans cette ile, dont Emmanuel Arène disait en boutade qu’elle était entourée d’eau, l’autarcie, fut-elle relative, n’est qu’un trompe-l’œil. Elle réagit avec ses spécificités aux interactions économiques et sociétales. Mais pour repartir d’un bon pied, des mesures pérennes et volontaristes devront être prises. Davantage qu’une réformette il s’agit d’une stratégie d’avenir qu’il convient d’imaginer. En cela elle dépassera le strict cadre socio-professionnel pour verser dans une vision politique, qui parapherait enfin une authentique complémentarité entre besoins et offre. Réalité et artifices. Essentiel et accessoire. Voilà qui induira une claire distinction entre investissements et saupoudrage. Réalisme et utopies. Une union sacrée sera non seulement nécessaire mais aussi possible, dans une région ou la population active n’excède pas les quatre-vingt-dix mille personnes. Et qui, faut-il le redire en leitmotiv, sera demain comme hier riche de ses énormes potentialités…
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