A la une – Janvier 2016
Le discrédit de la « vieille » classe politique
Décomposition ou recomposition ?
Par Vincent de Bernardi
Les élections régionales ont donné le signal d’une décomposition du paysage politique. Le score du Front National au premier tour, son record de voix au deuxième, le retrait de la gauche dans ses bastions historiques pour faire barrage à l’extrême droite, le maintien de la droite partout, sans parvenir à s’imposer dans un scrutin intermédiaire, ont semé la panique dans les états-majors. Les électeurs ont exprimé un choix. Peu importe qu’il soit motivé par un ras-le-bol ou une exaspération, par une aspiration au changement ou une adhésion à des valeurs. Ces élections qui bouleversent profondément la carte électorale, n’en finissent pas de produire une déflagration à l’intérieur de la « vieille » classe politique. Comme à son habitude, elle n’a ni anticipé, ni préparé ses réactions et ses réponses face à un cataclysme pourtant pressentis par une quantité phénoménale de sondages d’intention de vote et d’analyses. Ces partis dits de Gouvernement s’enfoncent dans le discrédit lorsqu’ils se renvoient les responsabilités de la déroute. A droite de l’échiquier, le doute s’est installé, à tel point qu’aujourd’hui un sympathisant sur deux prédit une implosion des « Républicains » selon un sondage Odoxa. A gauche, la décomposition se poursuit en sourdine entre les archaïques du parti contre les modernes de la ligne sociale-démocrate du Gouvernement Valls.
Ouverture et repliement
Certains ont vu dans ce coup de semonce, l’occasion de donner vie au vieux rêve de l’union nationale constamment plébiscitée par les Français, dès qu’on leur pose la question. C’est louable, sans doute souhaitable, mais infaisable. Ses promoteurs le savent depuis belle lurette. Pour autant, ces appels venus des plus modérés de chacun des anciens camps, pourraient préfigurer une recomposition du paysage pour établir une nouvelle carte politique. Avec au centre une force sociale libérale et européenne allant de Macron à Juppé, une gauche conservatrice rassemblant les tenants d’un protectionnisme démocratique qui associerait Mélenchon à ses ex-camarades et enfin une droite qui assumerait pleinement son bonapartisme avec une Maréchal Le Pen, comme nouvelle figure d’une droite extrême décomplexée. D’autres se sont figés, voire repliés sur leurs certitudes, refusant de voir en face la réalité du changement qu’ils ont contribué à installer. Mais tous savent qu’une page s’est tournée, que c’est la fin d’une époque où les comportements électoraux étaient moins volatiles, plus stables.
Faux procès a la Corse
C’est le cas en Corse où, comme sur le continent, les repères ont été brouillés par l’absence de ligne idéologique, par la recherche de la triangulation permanente, les calculs, les combinaisons, les promesses oubliées et l’inefficacité dans les réponses apportées aux préoccupations de la population. Les derniers scrutins étaient annonciateurs d’une possible victoire des formations évoluant en dehors du spectre politique traditionnel. Nous y sommes. Et dès le premier discours prononcé par le président de l’Assemblée territoriale en langue Corse, la classe politique nationale s’est offusquée de cette atteinte aux principes républicains, négligeant même de s’attacher aux propos tenus. Ils auraient sans doute gagné à s’y intéresser. Les commentateurs dans la presse nationale y sont aussi allés de leur couplet, oubliant de mettre en perspective cet évènement avec l’histoire politique insulaire et faisant mine de découvrir le vrai visage de ces nationalistes, dont la dérive identitaire représenterait une menace pour notre République une et indivisible.
Changer ou disparaitre
A moins de deux ans de l’élection présidentielle, les analyses ne vont pas manquer pour tenter de comprendre ce phénomène de dérégulation. Déjà, à partir des résultats des élections régionales, les simulations sur d’autres scrutins laissent entrevoir les conséquences politiques alors même que les partis cherchent à trouver le bon positionnement pour sauver ce qui peut encore l’être. Leurs responsables, dans une attitude autocentrée, veulent apparaître comme les champions de la vertu républicaine en abandonnant le mandat de trop ou en démissionnant de la fonction publique, perçue comme un parachute doré dont il faut se débarrasser pour mieux plaire aux électeurs. Il s’agit là d’une évolution importante du rapport à la politique qui est en train de s’installer. Tout se passe comme si pour contrer des mouvements dont l’essor est né de l’insatisfaction, de la protestation contre l’inefficacité des gouvernants, la gauche comme la droite cherchaient dans son propre affaiblissement, la réponse à son déclin. Quand la politique tue la politique !
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