A la une Juillet-Aout 2013

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Parti pris     La télé rend fou

A rebrousse-poil

 

En quête d’audience 

Il a les boules Jean-Claude Gaudin le sénateur maire de Marseille, et on le comprend. Marseille capitale du crime de la délinquance et du grand banditisme il en a marre !  Il a écrit au président du CSA, pour se plaindre du traitement de sa ville dans les médias et plus spécialement sur les chaines de télévision.

«  Depuis l’été dernier où des  règlements de comptes se sont déroulés dans certaines cités HLM sur fond de trafic de drogue, la ville subit un procès à charge permanent dans un grand nombre de médias et en particulier à la télévision qu’il s’agisse des débats ou des journaux télévisés « , explique-t-il. « Même si malheureusement ces événements traduisent une réalité, il existe une autre réalité marseillaise beaucoup plus positive qui, elle n’est jamais mise en valeur. » Il relève ainsi que la presse américaine a classé Marseille en 2e  position des sites à visiter en 2013, ou que la presse allemande a souligné le succès du démarrage de l’année capitale européenne de la culture. « Le regard injuste qui est posé sur la ville de Marseille par les médias audiovisuels français ne traduit que rarement la réalité vécue par les Marseillais », déplore il encore, évoquant « une situation qui devient insupportable pour une immense majorité des 860 000 habitants ». Nous ne rentrerons pas ici dans l’éternel débat sur les effets pervers de la surreprésentation permanente  de la violence dans les  médias qui non seulement aurait un effet dévastateur sur l’image d’une  ville ou d’un pays, mais encouragerait aussi le développement de la délinquance et de la violence.

Caméra sélective

Ne nous assène-t-on pas comme une vérité invérifiable depuis quelque temps que, plus fort que Marseille,  nous sommes la région mafieuse la plus criminogène d’Europe par tête d’habitant ? Ce qui est certain c’est que  l’image présentée de la Corse avec complaisance dans les médias est insupportable pour l’immense majorité de la population insulaire. Elle vit également une autre réalité beaucoup plus positive. On ne peut pas dire que nos politiques réagissent avec la même vigueur que le maire de Marseille devant la manière dont nous sommes traités. La lassitude sans doute. Récemment par exemple nous avons eu droit à une brillante démonstration du magazine d’investigation de la petite chaine D8 « En quête d’actualité » dont le titre était  déjà  prometteur « Corse : paradis des touristes ou paradis des magouilles ? ». Le point d’interrogation n’étant là bien sur que pour justifier en images des réponses déjà connues à l’avance. Une vraie promotion  pour la Corse au début de la saison touristique. Le synopsis de l’émission dans Télérama qui reconnaissait au passage un titre inutilement racoleur était déjà tout un programme : « La Corse offre des paysages uniques, une mer turquoise et des plages de sable fin. Mais quand vient l’été, l’île de Beauté voit sa population passer de 300 000 habitants à 3 millions. »

Fausses vérités 

Dès lors  l’investigation  fait dans le cliché. «Pendant deux mois, commerçants, restaurateurs et plagistes mettent tout en œuvre pour profiter au maximum de cette manne touristique estimée à près d’un milliard d’euros. Sur les plages paradisiaques du sud de la Corse, les escroqueries sont les plus nombreuses et les plus choquantes. »

On nous  apprend ainsi comme un scoop à travers des reportages, forcément dangereux, qu’il existe en Corse de la fausse charcuterie, du faux bruccio, du saucisson  d’âne du Brésil, des paillottes illégales et du littoral privatisé.  Ce qui veut dire que nous avons donc en Corse des cons et des magouilleurs comme il en existe partout, au sommet de l’Etat, au Vatican, à Paris, sur la Côte- d’Azur  ou même à  D8. Mais nous en plus on doit avoir une race de cons masochistes contents de  passer à la télé dans des émissions d’enquête qui sont à l’investigation ce que la télé réalité est à la vraie vie. La gloire n’a pas de prix ! En réalité, ce qu’on apprend surtout à travers ce genre d’émission  c’est qu’il y a autant de reportages réchauffés à la télévision que de plats surgelés dans la restauration industrielle. Et que la course à l’audience autorise le pire sensationnalisme.

Religion cathodique

A quand une émission intitulée  «  En quête d’audience » et dont le titre serait « D8 paradis de l’info ou paradis de l’intox ? » avec le synopsis suivant : « Une équipe de journalistes corses s’est infiltrée  pendant la préparation, le tournage et le montage de l’émission de D8 « en quête d’actualité » sur la Corse. Une plongée édifiante en caméra cachée dans  les coulisses de ces chaines de  télévision lancées  dans une course effrénée à l’audience à coup d’émissions racoleuses pour quelques adeptes de la religion cathodique. Les fins limiers d’ « en quête d’actualité » qui traquent sans relâche les arnaques et les magouilles sous la conduite du commissaire Lagache seraient en réalité de vulgaires ripoux  de l’information qui vendent leur daube trafiquée et réchauffée sous une appellation frauduleuse. Pour réaliser  leurs reportages ils mettraient tout en œuvre pour profiter au maximum des travers et des faiblesses de la  population locale. Au cours de leur enquête, ces incorruptibles de l’audimat auraient en effet trouvé et dégusté de la vraie charcuterie et du vrai fromage corse, à l’ombre d’une  paillotte légale sur un littoral encore vierge. Au nom de l’hospitalité insulaire sans doute. Comme le dit une autre émission de télévision positive celle là, faut pas rêver !

Paul Antonietti

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