A la une – Mai 2015
Parti pris
De quoi les républicains seront-t-ils le nom ?
La référence au pamphlet d’Alain Badiou paru en 2007 « de quoi Sarkozy est-il le nom » était trop tentante. Mais toute similitude avec cet ouvrage provocateur serait purement fortuite. Oui, je le reconnais. J’ai un peu cédé à la facilité pour introduire un sujet de changement de nom qui traite de l’identité de la droite française, ou plutôt de la recherche désespérée de cette identité.
Par Vincent de Bernardi
Changer de nom, n’est pas anodin même si beaucoup de partis politiques se sont prêtés au jeu avec plus ou moins de succès au cours des dernières décennies. La droite y est habituée. Depuis 70 ans, ses différentes composantes ont joué avec les acronymes. Il y eu le RPF d’après-guerre, l’UNR en 1958 devenu UDR en 1967, le RPR en 1977 qui deviendra l’UMP en 2002 intégrant une partie de l’UDF et de Force Démocrate (ex CDS, lui-même ex MRP). Les plus attentifs s’y retrouveront, mais avouons que l’on pourrait facilement se perdre dans cette valse de noms où la République et les démocrates sont toujours à l’honneur à l’exception de l’UMP qui dérogeait à la règle mais qui (ré) introduisit le « peuple » comme marqueur d’une droite qui avait eu pour adversaire, non plus la gauche mais l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle de 2002.
A quelle logique, à quel impératif répondaient ces changements patronymiques ? A chaque étape, il s’agissait de marquer une rupture pour acter des dissensions internes, faire oublier des affaires, élargir sa base électorale. Avec les Républicains, on ne déroge pas à ces objectifs tout en installant une nuance supplémentaire dans le clivage traditionnel droite gauche.
Buisson aux oubliettes
Premier avantage, le FN ne peut plus parler d’UMPS. Il va falloir à Marine Le Pen, à Florian Philippot et aux stratèges du parti frontiste, un peu d’imagination pour renouveler une formule usée jusqu’à la corde. Deuxième avantage, la gauche s’indigne et conteste à une droite qu’elle qualifie volontiers de « buissonnière » le droit de se revendiquer comme telle et de monopoliser un nom qui appartient à tous les démocrates. Troisième avantage, en se revendiquant républicaine, elle peut ratisser plus large et afficher le rassemblement indispensable pour gagner les prochains scrutins. Dernier avantage pour Nicolas Sarkozy, amener ses concurrents à la primaire sur son terrain, les obliger à prendre une position compliquée comme les Juppéistes qui raffinent en se disant dans le camp « des républicains » mais pas forcément incarnant seuls « les républicains ».
Dans un sondage Odoxa réalisé quelques jours après l’annonce du nouveau nom qui sera soumis au congrès du parti le 30 mai, les Français semblent sceptiques. Ils sont deux sur trois (66%) à préférer le l’actuel nom du parti. Même conservatisme chez les sympathisants de l’UMP qui partagent aussi majoritairement cette opinion (56%). Parmi les raisons avancées, ils jugent à 53% que le futur nom Les Républicains fait «trop américain», à 36% qu’il est «trop consensuel», à 6% qu’il est «trop de droite» et à 4% qu’il est «trop de gauche».
Espoir de reconquête
En réalité, ce changement de nom qui s’inscrit dans un contexte de reconquête, devrait permettre à la droite d’affirmer son identité. Pour autant, cela marquera-t-il la « fin de l’histoire », celle des trois droite, écrite par René Remond au début des années 50 et régulièrement mise à jour au cours des quatre décennies suivantes ?
Comme tout système, les partis politiques sont le fruit d’une histoire qui ne saurait s’effacer soudainement ou se dissoudre par la rupture. « Les Républicains » peuvent-ils y prétendre ? Depuis une dizaine d’années, Nicolas Sarkozy s’est adressé successivement, dans ses discours, aux trois droites. A la droite légitimiste, il a vanté les valeurs d’ordre et du travail. A la droite orléaniste, il a donné des gages pour déverrouiller le système, libéraliser l’économie et réformer l’Etat providence. A la droite bonapartiste, il a parlé le langage de la fermeté et du courage, celui du mérite et de la grandeur de la France. Pour autant, il n’a pas réussi à en faire la synthèse car ces trois droites relèvent de courants historiques divergents. La seule chose qui les rassemble, c’est l’idée que notre destin individuel s’inscrit dans une dimension qui nous dépasse.
La fin du « ni-ni »
« Les Républicains » seraient-ils différents de ce produit hybride qu’est le « sarkozysme » mélange de fascination pour l’Amérique, de volontarisme politique et de libéralisme contrarié, prônant un retour des valeurs sans condamner clairement ceux qui les bafouent ? Alain-Gérard Slama y répond par une formule particulièrement acide : « des trois droites de René Rémond, Nicolas Sarkozy a su prendre tous les défauts ». Mais en plaidant pour « les Républicains », Nicolas Sarkozy met à distance la droite radicale ou national-populiste, quatrième droite identifiée par Michel Winock. Il établit une frontière entre la droite républicaine et une extrême droite nationaliste et xénophobe se nourrissant de l’inquiétude née de la crise et de la globalisation. On devrait s’en réjouir car cela tranche net le débat sur le front républicain et met un terme au ni-ni qui a conduit à des déchirements absurdes. Voilà de quoi les Républicains devraient être, pour moi, le nom. Un parti qui combat tous les populismes qui vident la République de ses valeurs.
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