A la une – nov 2016
Entre louanges et mise au pilori
Corse, je t’aime, moi non plus !
La Corse fait l’objet depuis quelques mois, une fois n’est pas coutume, de grandes déclarations d’amour tout en demeurant l’objet de critiques inépuisables. Dans une sorte de schizophrénie, elle provoque l’intérêt du continent.
Par Vincent de Bernardi
Tout a commencé après l’affaire de Sisco. Beaucoup de continentaux, souvent prompts à dénoncer la violence endémique, les affaires, ou par instinct bassement mesquin, les coûts de l’insularité, ont cru voir, dans un élan populiste, la Corse comme une terre de résistance. Fin août, Natacha Polony, intitulait sa chronique publiée par le Figaro Vox « L’honneur du peuple Français en Corse ». Dans une autre veine, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles mettait en Une la Santa du Niolu et titrait « Cette France qui refuse de mourir ».
Au delà de l’analyse pertinente de Natacha Polony sur la question communautaire, cet épisode qui fait suite à celui des jardins de l’Empereur à Ajaccio en décembre dernier, montre à quel point, la Corse et les Corses retrouvent au yeux de l’opinion une image positive, voire respectable. Désormais, les Corses font preuve de toutes les vertus ; ils ont fait acte de citoyenneté et osent dire ce qu’on ne peut plus dire sur le continent sans voir s’abattre les critiques des biens pensants.
Est-ce pour autant le signe que le contrôle social ne fonctionne pas ici de la même façon qu’ailleurs ? La conception de l’Etat et de son rôle de garant des libertés n’est-elle pas la même ? Tolère-t-on plus facilement en Corse que les citoyens prennent les choses en main et fassent respecter leur vision de la société, alors qu’on ne l’accepte pas sur le continent ? En forçant le trait, laisse-t-on aux Corses, parce qu’ils sont Corses, le droit de faire « justice eux même » ?
C’est, en creux, la conclusion que l’on pourrait tirer des réactions suscitées par cette affaire. Ce serait alors une justification de la lecture communautaire utilisée par certains observateurs et en particulier par Gilles Simeoni, au lendemain de la rixe de Sisco. L’Etat, a en l’espèce, une lourde responsabilité. Il n’a pas su traiter cette question de manière impartiale. La réponse du Gouvernement a été faible. Elle a laissé s’installer une ambiguïté sur la place de la Corse dans la République. Elle a fait preuve de laxisme dans la condamnation de tels débordements et troublé la conception même que l’on doit avoir de la communauté nationale.
Airs de primaires
Sur fond de campagne pour la primaire de la droite, les candidats se sont bien gardés de rebondir sur ce sujet clivant. Les deux principaux concurrents ont préféré vanter la spécificité insulaire à quelques semaines du scrutin. C’est Alain Juppé, l’identité heureuse en bandoulière, « l’homme de la zone franche », qui a ouvert la voie. Avec un discours courageux sur une République ouverte, une approche pragmatique du développement économique, il a surpris jusque dans son propre camp, n’hésitant pas à parler de « peuple Corse composante déterminante de l’âme française », soulignant qu’en Corse, « l’Etat ne peut être respecté que s’il est respectable », appelant à davantage d’autonomie pour l’île.
Quelques jours après, c’était au tour de Nicolas Sarkozy de faire escale à Bastia et à Ajaccio. Personne ne lui contestera son attachement à la Corse. Il l’a montré à de multiples occasions. Pour autant, il aime dire et redire, comme si on en doutait encore un peu « j’aime la Corse et je l’aimerai toujours » ! Lui aussi veut le meilleur pour l’île, plus de développement économique, une reconnaissance constitutionnelle de la spécificité insulaire, plus d’autonomie, un statut social et fiscal dérogatoire…
Unis comme au front
Toutes ces déclarations d’amour pourraient faire tourner la tête tant elles viennent du cœur ! Elles ne font pas oublier la critique ordinaire des tenants de l’uniformité, de l’égalitarisme républicain qui veut que tous les territoires métropolitains soient traités de la même façon. C’est l’obsession de Charles de Courson, député de la Marne depuis 1993, comme ce fut celle de Michel Charasse lorsqu’il était ministre du budget, puis sénateur. En faisant adopter par la commission des finances deux amendements supprimant des exonérations de taxes, Charles de Courson, pour une seule question de principe, a provoqué les Corses. « Multirécidiviste », il avait déjà tenté en 1998 de mettre un terme aux arrêtés Miot. Tous les députés insulaires, oubliant leur chapelle ou leur champion à la primaire, sont montés au créneau à l’Assemblée pour faire battre Courson.
Cet événement aura permis de vérifier, encore une fois, que l’adresse d’Emmanuel Arène à ses compatriotes à la fin du XIXème siècle, de « présenter sur le continent, toujours un front uni », n’était pas galvaudée.
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