A la une : octobre 2017
Leçons catalanes
Catalogne, Corse, même combat ? Et si ce qui se passe en Espagne était annonciateur de ce qui pourrait arriver en Corse dans quelques mois ?
Par Vincent de Bernardi
Même si la France n’est pas l’Espagne, on ne peut s’empêcher de comparer les deux situations.
Incontestablement, ce scrutin et ses prolongements politiques devront être observés à Paris pour tenter d’aborder plus sereinement une potentielle revendication corse. Son analyse sera évidemment riche d’enseignements pour le gouvernement d’Edouard Philippe qui devra tenir compte des multiples dimensions du dossier corse.
Le cas catalan montre à quel point la bataille se joue surtout sur plusieurs terrains. Il y a bien-sûr le terrain politique, le terrain juridique mais aussi celui de la communication sur lequel le gouvernement espagnol s’est fait débordé. Depuis novembre 2014, date de la consultation symbolique où plus de deux millions de votants avaient souhaité à 80% que la Catalogne accède à l’indépendance, le dialogue avec Madrid est chaotique. Il s’est profondément tendu depuis l’été. Lorsque le président indépendantiste de la Catalogne a annoncé la tenue d’un nouveau référendum d’autodétermination dans sa région, la réponse de Mariano Rajoy, avait été cinglante « Tant que je serai président du gouvernement, cela ne se produira pas ». Le porte-parole du gouvernement espagnol, Iñigo Mendez de Vigo, d’ajouter que la question du référendum n’était qu’une « mise en scène montrant que les séparatistes sont de moins en moins nombreux et ont échoué dans toutes leurs tentatives pour trouver de nouveaux alliés ».En installant un tel rapport de force, la Moncloa n’a fait que conforter un mouvement de fond qui traverse la Catalogne depuis plusieurs années, portant au pouvoir les indépendantistes et renforçant leur audience politique.
Bras de fer
Il y a encore quelques semaines, les Catalans étaient partagés sur la question de l’indépendance. Tous les sondages le confirmaient. Mais une très forte majorité (80%) voulait pouvoir se prononcer par referendum. En choisissant le bras de fer, le gouvernement espagnol a pris le risque de se faire déborder de tout côté, d’autant plus quand une grande partie du monde économique et même le Barça soutiennent le principe de la consultation et contribuent à internationaliser le sujet. Il faut dire que les indépendantistes ont joué une carte astucieuse en invitant des journalistes étrangers et faisant des déclarations en anglais et en français. Lors des manifestations de fin septembre, ils ont utilisé les images de la répression et stigmatisé un « gouvernement totalitaire », qui tente par tous les moyens d’interdire la tenue d’une consultation démocratique, y compris en arrêtant des personnes liées à l’organisation même du scrutin du 1er octobre et en menant des perquisitions dans les ministères de la Generalidad.
Avec cette stratégie de la fermeté, le pouvoir central est apparu intransigeant, menaçant d’interdire le scrutin sans oser aller jusqu’au bout, mais envoyant la Guardia Civil saisir les bulletins de vote dans les imprimeries. Mariano Rajoy a eu beau répéter que le préalable au dialogue avec Barcelone était le respect de la loi, sa marge de manœuvre s’est réduite considérablement pour devenir quasi inexistante. Son attitude a conduit à unir toute la Catalogne contre le pouvoir central, alors même que la question de la sécession divisait ses habitants.
Tirer les leçons
La Vanguardia, journal opposé à l’indépendance soulignait à cet égard : « Ce n’est plus une question d’indépendantistes ou d’anti-indépendantistes. Beaucoup de citoyens sans lien avec le souverainisme sont profondément dégoûtés ».Depuis que Mariano Rajoy est arrivé au pouvoir en décembre 2011, il n’y a pas eu de dialogue avec les indépendantistes au pouvoir à Barcelone. Avec une majorité absolue au Parlement, il n’avait pas à faire de concessions aux Catalans pour obtenir leurs voix. Et concentré sur les mesures à prendre pour sortir l’Espagne de la crise économique, il n’était pas prêt à entendre leurs demandes de plus grande autonomie financière.
Cette situation est de nature à éclairer le Gouvernement français dans une hypothèse où les nationalistes corses remporteraient (de nouveau) les élections territoriales de décembre prochain. A ce stade, ils sont bien partis pour gagner et ont déjà annoncé leur volonté de demander l’ouverture de négociations pour parvenir à une consultation référendaire sur l’autodétermination.
Les voies du dialogue
Elle pourra utilement servir au positionnement de ceux qui sortiront vainqueurs du scrutin et seront au commande de la collectivité unique.
Quoi qu’il en soit, elle montre que l’absence de dialogue est destructrice et conduit au blocage. Ce qui est un problème politique majeur en Espagne peut sans doute être évité en France si le Gouvernement, fort de ces leçons catalanes, anticipe et organise un dialogue constructif et sincère avec les élus de la collectivité territoriale. Cette approche semble compatible avec la philosophie de La République en Marche.
Ce serait une première dans l’histoire tourmentée des rapports entre Paris et la Corse.
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