A la une : septembre 2017
La confiance jupitérienne, jusqu’où ?
Tentation autoritaire
Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu des chiffres comme ça ! Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les Français ont une meilleure image de la politique et de ceux qui la font.
Par Vincent de Bernardi
C’est ce que révèle la cinquième édition de l’enquête menée par IPSOS pour la Fondation Jean Jaurès, Sciences Po et le Monde, intitulée « fractures françaises ». Derrière ce titre évocateur d’une opinion soumise à des tensions, défiante à l’égard de la politique, cette enquête ausculte minutieusement le jugement des Français sur leurs institutions, la place de leur pays dans le monde, l’état du système économique et social ou encore les rapports entre la religion et la société.
Le précédent quinquennat avait enraciné les Français dans le pessimisme et la défiance. Celui qui démarre ne l’efface pas mais le tempère assez nettement. D’abord du coté des acteurs politiques. Si les maires demeurent les élus préférés des Français, bénéficiant d’une confiance majoritaire (67%, +4 par rapport à 2016), les autres catégories d’élus voient leurs côtes de confiance s’améliorer sensiblement. C’est le cas pour les conseillers régionaux (44%, +8), les députés (33%, +12), les sénateurs (35%, +8). Malgré un jugement toujours négatif, on perçoit un mouvement de décrispation de l’opinion à l’égard des élus et des institutions. La vague de renouvellement en est vraisemblablement la conséquence.
On le note d’ailleurs dans l’amélioration, certes encore timide, des jugements sur le degré de corruption des responsables politiques ou du fonctionnement de la démocratie. Pour 69% des sondés, « les responsables politiques, pour la plupart, sont corrompus », soit 8 points de moins qu’en mars 2016. Et 76% (-12 par rapport à mars 2016) estiment que le système démocratique fonctionne plutôt mal.
Pascal Perrineau, Professeur à Sciences Po souligne à cet égard que la victoire d’Emmanuel Macron a été favorisée par un profond mouvement de critique sur le fonctionnement de la démocratie. C’est ce même mouvement qui a porté les candidats de la protestation populiste à des scores aussi élevés.
Président de rupture
L’effet Macron joue également dans la perception qu’ont les Français de l’ouverture au monde. Et c’est là une véritable inversion de tendance par rapport à la période précédente. D’abord, l’image de la France s’est singulièrement redressée en un an. Il y a bien un avant et un après Macron.
En 2016, 86% des personnes interrogées estimaient que le pays était en déclin. Elles ne sont plus que 69% aujourd’hui, soit un gain de 17 points. Même constat sur l’attitude à l’égard de la mondialisation ou de l’Union européenne. Une majorité d’enquêtés estime désormais que la mondialisation représente une opportunité (52%, +6 en un an). De la même manière, 58% considèrent que l’appartenance de la France à l’Union européenne est une bonne chose, soit une progression de 10 points entre 2016 et 2017. N’en déplaise aux europhobes de tout poil, les Français plébiscitent l’Euro. Ils sont 80% à souhaiter que la France reste dans la zone Euro, soit 7 points de plus qu’en 2016.
En promettant de remettre la France en marche, Emmanuel Macron n’a pas seulement redonné le moral aux Français, il leur a aussi donné un cadre à travers l’incarnation d’une nouvelle autorité présidentielle, en rupture avec son prédécesseur ; Jupiter succédant au président normal.
Pascal Perrineau souligne qu’en concentrant les pouvoirs, il répond à une forte attente d’autorité. 88% des Français considèrent que l’on a besoin « d’un vrai chef » et 84% estiment que l’autorité est une valeur qui est trop souvent critiquée ». Le « je suis votre chef » adressé au général Pierre de Villiers, Chef d’Etat-Major des Armées en juillet illustre la posture que veut incarner le Président de la République.
Cette tentation « autoritaire » est autant partagée par les sympathisants LREM que par les proches de la droite, par les milieux populaires que par les cadres.
Tenir le cap
Pour Pascal Perrineau, ce sont, en réalité, deux types d’autorités qui progressent au sein de la société française. Elles sont de nature à ébranler le fonctionnement démocratique, celle promue par les populismes de droite comme de gauche et celle qui relève du « gouvernement des experts », d’inspiration saint-simonienne.
En s’appuyant sur cette sensibilité autoritaire, Emmanuel Macron en fait un marqueur de ce début de mandat, mais s’il se défend d’instaurer tout caporalisme ou d’ordre jupitérien, il ne sera pas inutile de l’utiliser pour tenir le cap à l’heure d’une rentrée politique et sociale qui s’annonce houleuse.
Tout est une question de dosage !
Exergue « L’incarnation d’une nouvelle autorité présidentielle »
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