La route pour Tokyo s’annonce plus longue que prévue. Alors que plane encore le doute sur la date exacte des Jeux Olympiques initialement prévue cet été et reportée « au plus tard à l’été 2021 », la karatéka Alexandra Feracci n’entend pas changer de cap. Entretien à bonne distance avec la championne ajaccienne.
Alexandra, comment allez-vous ?
Ici, tout le monde va bien. Le confinement n’est pas évident, d’autant plus qu’il risque d’être long mais il faut prendre notre mal en patience. Être responsable, c’est bien là l’essentiel.
Plus personnellement, comment appréhendez-vous ce virus et ses conséquences sur le quotidien ?
Comme tout le monde, je pense que je suis passée par différentes phases. J’étais plutôt très inquiète au début, je faisais très attention à tout. En rentrant à Ajaccio, j’ai été un peu moins vigilante et ma mère m’a de nouveau sensibilisée, m’a demandé d’être prudente. Là, nous n’avons plus le choix, je reste confinée en espérant que la vie reprenne vite son cours. En attendant, soyons vigilants, respectueux des règles et reconnaissants envers le personnel soignant qui est en première ligne.
Le coronavirus a d’abord eu raison de l’Euro 2020 de Karaté auquel vous deviez participer et qui devait se tenir fin mars à Bakou et maintenant les JO de Tokyo reportés au « plus tard à l’été 2021 ». Un coup dur pour les compétiteurs…
Je ne vous cache pas que j’ai eu un pincement au cœur en apprenant la nouvelle. La préparation demande beaucoup de sacrifices, j’ai enchaîné des saisons éprouvantes… Mais bon, je me dis que le rendez-vous n’est que reporté et pas annulé contrairement à l’Euro 2020. Je sais aussi et surtout que c’était la décision la plus sage à prendre.
Conséquence : il faudra repenser toute votre préparation, au-delà du confinement…
J’ai la chance de pouvoir continuer mon entraînement de karaté et ma préparation physique depuis chez moi. Mon préparateur physique en équipe de France m’a établi un programme sur mesure qui restera inchangé pour les trois semaines à venir : footing, exercices trois fois par semaine et le reste étant consacré à la préparation technique et au perfectionnement. On réfléchit à un break, éventuellement après le confinement pour que je puisse en profiter ! Tout dépendra du calendrier de la prochaine saison. La World Karate Federation y travaille encore. En attendant, je positive en me disant qu’il me reste encore un an pour m’entraîner et progresser. C’est une véritable course contre la montre y compris pour la gestion du mental. Certaines compétitrices peuvent craquer mais pas question de baisser les bras. On doit garder la tête haute et froide. Et peut-être que ce report est un signe, j’y crois beaucoup…
Vous n’avez pas attendu les JO pour vous rendre au Japon. Vous êtes partie dans la ville de Tottori pour vous entraîner en février dernier, qu’avez-vous retenu de ce voyage ?
J’ai effectué ce déplacement dans le cadre de mon perfectionnement. Pour accéder aux Jeux olympiques, je pouvais passer soit par ce qu’on appelle le ranking qui aurait impliqué que je participe à de nombreuses rencontres pour cumuler un maximum de points. Soit par le TQO, le Tournoi de Qualification Olympique où l’accent est mis sur le travail au long cours avec une grosse compétition à la clé. C’est ce que nous avons choisi pour moi. J’ai donc passé 18 jours au Japon pour préparer ce TQO [également annulé ndlr] avec mon père et l’entraîneur des équipes de France, Ayoub Neghliz, qui est resté une semaine avec nous. J’ai découvert d’autres méthodes, un autre rythme avec 4 heures d’entraînement d’affilée au quotidien. C’est dur mais ça a été bénéfique. J’ai senti une progression quasi instantanée. Tout comme ceux qui m’accompagnaient. Mon corps s’est relâché. Les Japonais sont très forts sur ce point qui accélère la vitesse d’exécution des mouvements. J’ai eu de bonnes sensations et je suis revenue avec un nouveau bagage technique et de nouvelles choses à améliorer.
Vous détenez un palmarès impressionnant : équipe de France kata en 2005, plus d’une quarantaine de médailles et de titres nationaux et internationaux dont une médaille de bronze décrochée l’année dernière aux Championnats d’Europe, pourtant les JO restent un événement particulier, un rêve de petite fille…
Cette compétition, c’est tout simplement le graal, le but ultime pour tout sportif. Et pour les karatékas en particulier car la discipline a été évincée des listes additionnelles des sports olympiques 2024. En clair, il n’y aura pas de karaté aux JO de Paris. Pour moi, ce sera peut-être la seule et unique fois où j’aurais le privilège de concourir. Je ne veux pas louper ce rendez-vous. Et malgré l’incertitude qui pèse sur l’organisation, je garde espoir. Je reste concentrée sur Tokyo.
Ce serait aussi une belle manière de représenter le sport corse aux JO. Vous en êtes d’ailleurs l’une de ses ambassadrices…
Ce titre me tient à cœur. J’aime partager mon expérience, rencontrer les gens, le jeune public à qui je dis, oui, c’est possible d’atteindre le plus haut niveau en débutant en Corse. J’ai envie d’être un exemple pour eux. Trop souvent, on ne voit que les inconvénients de l’insularité alors que si on travaille, qu’on s’accroche, on y arrive malgré tout. Il ne faut jamais baisser les bras. C’est ce que représente ce titre pour moi. Porter encore plus haut nos couleurs, faire tomber les barrières et construire la relève.
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