IND’È I SO OCHJI LUCE A SPUTICHEZZA D’UNA CERCA, PURTATA DA UNA PASSIONE SENZ’ALTRU È U SOFFIU DI E SO RADICHE. À 32 ANNI, A CANTATRICE BASTIACCIA AMMANISCE UNA VISIONE DI L’OPERA INDUVE RISONA OGNI NOTA CUM’È UNA STORIA, OGNI SILENZIU CUM’È UNA PRUMESSA. TRÀ L’ELEGANZA DI I GRANDI REPERTORII È A PUTENZA DI U CANTU CORSU, CI STABILISCE UN PONTE, RIGALENDU PROPIU À L’ARTE LIRICU UN LUME NOVU, INTIMU, DA U LUCALE ÀL’UNIVERSALE.
Par Petru Altiani
« Le chant corse est ma première école. C’est une musique qui va à l’essentiel, qui exprime des émotions brutes et universelles »
Tout commence par un souvenir étonnant, presque trivial : la voix de la Castafiore dans Tintin. « Quand j’avais quatre ans, j’ai annoncé que je voulais être cantatrice », se remémore Amélie Tatti avec amusement. Née à Bastia, dans une famille où la musique est omniprésente, elle grandit au contact des mélodies et des harmonies. Sa mère, professeure de musique, joue un rôle-clé dans son éveil artistique. « Elle m’a initiée au piano, m’a inscrite à la chorale et m’a transmis cette idée que la musique n’est pas qu’un loisir, mais une discipline, un langage universel », confie-t-elle.
Dès l’âge de 12 ans, Amélie découvre l’opéra de manière concrète. « Ma mère m’emmenait à Paris deux fois par an pour voir des opéras. Ce fut une révélation. Ces voyages m’ont permis de comprendre que l’opéra, c’est bien plus que du chant : c’est une expérience totale, où chaque détail compte. »
Pourtant, son parcours artistique n’est pas tracé d’avance. Adolescente, elle explore également d’autres formes d’expression, notamment les arts du cirque. « Je me suis passionnée pour le trapèze et le tissu aérien. Cela m’a appris à habiter un espace scénique, à utiliser mon corps pour traduire des émotions. Ce lien entre le mouvement et la voix reste essentiel dans mon approche de la scène. »
Abandonner l’enseignement pour le chant
Malgré cette passion pour l’art lyrique, Amélie ne se destine pas immédiatement à une carrière sur scène. Après une licence de musicologie à la Sorbonne, elle entame un master pour préparer le CAPES et devenir professeure de musique. « Je pensais suivre les pas de ma mère. Enseigner m’apparaissait comme un choix rationnel, plus stable que celui de chanter. » Mais à un mois de l’examen, elle décide de tout arrêter. « J’ai réalisé que je ne pouvais pas passer ma vie dans une salle de classe. Ce que je voulais, c’était chanter, me produire sur scène. Cette décision a tout changé », souligne la charmante jeune femme. Elle intègre alors l’École Normale de Musique de Paris, où elle suit une formation exigeante auprès de professeurs renommés comme Daniel Ottevaere et Mireille Larroche. Ces années sont marquées par un travail intense, mais aussi par des rencontres décisives. « J’ai eu la chance de participer à des masterclass avec des artistes comme Rolando Villazón et Barbara Hannigan. Ces moments ont confirmé que j’avais trouvé ma voie. »
La Corse : une source d’inspiration inépuisable
Si Amélie Tatti a quitté Bastia pour se former à Paris, ses racines corses restent au cœur de son identité artistique. « Le chant corse est ma première école. C’est une musique qui va à l’essentiel, qui exprime des émotions brutes et universelles. » Pendant longtemps, elle considère ce répertoire comme un trésor personnel, qu’elle réserve à des moments intimes. « Je chantais des airs corses pour ma famille, pour mes amis, mais jamais en public. C’était une manière de me reconnecter à mes origines. »
Aujourd’hui, elle souhaite mêler ces deux mondes, l’opéra et le chant corse, dans des projets ambitieux. « J’ai envie de montrer que ces univers ne s’opposent pas. Ils peuvent dialoguer et s’enrichir mutuellement. »Ce désir prend forme dans des collaborations avec d’autres artistes insulaires, comme Éléonore Pancrazi ou encore Julia Knecht. Ensemble, elles intègrent des chants corses dans leurs récitals, suscitant une émotion palpable chez le public. « Ces moments sont magiques. Ils montrent que la musique, même enracinée dans une culture locale, peut toucher des gens du monde entier. »
Une carrière entre tradition et innovation
Depuis ses débuts, Amélie Tatti s’est illustrée dans des répertoires variés, témoignant d’une grande polyvalence. Elle a incarné des rôles classiques, comme Despina dans Così fan tutte de Mozart, ou Micaëla dans La Tragédie de Carmen, une version condensée et modernisée de l’œuvre de Bizet. « Ce rôle a marqué un tournant dans ma carrière. Il exige une puissance vocale et une profondeur émotionnelle qui m’ont poussée à explorer de nouvelles facettes de ma voix. »
Mais c’est dans la création contemporaine qu’Amélie trouve une liberté artistique particulière. En 2023, elle joue dans Le Métronome de nos errances, une œuvre audacieuse qui mêle modernité et tradition. « Chanter une création, c’est prendre des risques, mais c’est aussi incroyablement stimulant. Cela permet de repousser les limites de l’interprétation. »
Amélie est également saluée pour ses talents de comédienne. Elle a joué dans des productions mêlant théâtre et opéra, comme Les Précieuses ridicules, où elle combine les textes de Molière avec des airs d’Offenbach.« Ces projets demandent une double immersion : dans le texte et dans la musique. Ils enrichissent ma pratique en m’obligeant à travailler sur plusieurs registres. »
La voix : un instrument et un miroir
La soprano au regard magnétique décrit sa voix comme une « alliée de chaque instant ». Mais cette relation, aujourd’hui harmonieuse, a été construite avec patience. « Quand j’ai commencé, certains disaient que je n’avais pas ce qu’il fallait pour réussir. Cela m’a blessée, mais cela m’a aussi donné l’énergie de travailler encore plus. » Avec le temps, elle a appris à maîtriser cet instrument intérieur. « Ma voix est le reflet de ce que je suis. Elle évolue avec moi, et elle raconte mes histoires. »
Moderniser l’opéra sans le dénaturer
Pour Amélie Tatti, l’opéra doit rester fidèle à son essence tout en s’ouvrant à la modernité. « On parle souvent de dépoussiérer l’opéra, mais cela peut être dangereux. Trop de mises en scène modernes dénaturent les œuvres et déstabilisent le public. »Elle milite pour un retour à l’essentiel et plaide en faveur de la création contemporaine. « Si l’on veut que l’opéra reste un art vivant, il faut encourager les compositeurs et les metteurs en scène d’aujourd’hui à écrire de nouvelles œuvres. »
Elle s’investit également dans la démocratisation de l’opéra, notamment à travers les réseaux sociaux. « Je veux montrer que derrière la chanteuse, il y a une personne accessible, avec ses doutes et ses joies. L’opéra n’est pas un art réservé à une élite, c’est une forme d’expression universelle. »
« Si l’on veut que l’opéra reste un art vivant, il faut encourager les compositeurs et les metteurs en scène d’aujourd’hui à écrire de nouvelles œuvres »
L’avenir : une synthèse de ses inspirations
Prochainement, Amélie interprétera Constance dans Dialogues des Carmélites à l’Abbaye de Royaumont, un rôle exigeant qui reflète sa maturité artistique. Elle travaille également sur un projet d’enregistrement mêlant chants corses et répertoire lyrique. « Ce projet est une manière de réunir tout ce qui me construit, tout ce que je suis. C’est un véritable défi artistique. »
À 32 ans, avec sa voix captivante et son approche profondément humaine de l’opéra, Amélie Tatti s’impose comme l’une des artistes lyriques les plus prometteuses de sa génération. En mêlant tradition et innovation, elle montre que l’opéra, loin d’être figé, est un art vivant, capable de toucher toutes les sensibilités. « L’opéra est une passerelle entre les cultures, les époques et les émotions. C’est cette universalité qui me guide chaque jour », conclut-elle.
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