Drôles de drames. Dans l’île, agglomérations et routes sont désormais foulées par des cohortes de bovins et suidés. Ils sont partout. À croire que dans une folle évolution les espèces, animaux domestiques et sauvages, soient davantage séduits par les lumières de la ville et délaissent pacages et maquis. Une sorte d’autonomie comportementale.
Par Jean Poletti
Récemment une battue administrative fut organisée au cœur de la cité impériale. Dans la patrie de l’aigle, cette chasse aux quadrupèdes soyeux, sans doute nécessaire, attisa cependant le courroux d’une association de protection animale. De tout temps, la Corse fut prolixe en hordes de sangliers. Les nemrods ne devaient pas ménager leurs efforts pour les débusquer. Il est vrai que dans un passé encore récent, ces animaux n’avaient pas de sauvage que le nom. Depuis, par une sorte d’alchimie de dame nature, ces pensionnaires de pics éthérés délaissèrent en nombre leurs montagnes tutélaires pour côtoyer les humains. Oubliés les châtaigneraies, la myrte ou l’arbousier. Basta le maquis. Bonjour la civilisation. Le bougre a oublié d’être bête. Il trouve à profusion de quoi se sustenter sans effort dans son nouveau domaine. Ici, reliefs de nourriture jetés dans les poubelles. Là, mets succulents qui prolifèrent dans les vergers et jardinets de propriétaires. Et le sentiment de quiétude aidant, ces hardes déambulent près des maisons, quand elles ne traversent pas nonchalamment les voies de circulation au grand étonnement des automobilistes.
Hardes hardies
Au-delà de ces scènes anecdotiques, nul n’infirmera que de telles présences ne sont pas exemptes d’éventuels dangers. Ceux dont la ruralité n’est pas étrangère savent pertinemment que cette faune peut charger si elle se sent menacée ou contrariée dans son parcours. Voilà ce que rappelle en incidence un commandant de louveterie.
Ce panel de désagréments incita le conseil municipal d’Ajaccio à décider d’une opération chasse urbaine, avec l’aval du préfet.
Pour autant un tel phénomène n’est nullement circonscrit à une ville. Il est perceptible un peu partout dans l’île. Sans aller jusqu’à évoquer un fait de société, nul doute qu’il conviendrait de dépasser les mesures factuelles et limitées dans le temps, pour avoir une véritable réflexion afin de juguler définitivement ce facteur de nuisances.
La solution idoine ne s’apparente pas à un simple coup de groin. Mais en contrepoint les autorités concernées doivent-elles demeurer l’arme au pied ?
Dans ce droit fil, revient naturellement en mémoire la plaie de la divagation des bovins. Certes les causes et responsabilités sont différentes, mais elles se rejoignent cependant dans le creuset des nuances et du danger potentiel ou avéré.
Cornecul
Dans ce cas aussi des battues officielles sont programmées. Et dans une sorte de chorus reliant les deux hiatus, elles ne sont pas exemptes de philippiques. Il est vrai que s’agissant des vaches elles ont par essence et définition des propriétaires. Sans jouer la mouche du coche ou ruminer plus que de raison, il convient de rappeler que ces derniers sont responsables de la surveillance de leurs troupeaux. Affirmer une telle évidence renvoie inévitablement à des carences d’éleveurs qu’en euphémisme nous qualifierons de peu attentifs.
Dans ce domaine, il ne s’agit pas de simples désagréments mais de risques patents. La rubrique des faits divers en porte témoignage. Conducteurs ou passagers blessés lors d’une collision avec un bovin. Personne encornée sur le pas de sa porte. Et plus grave encore, comme cela fut le cas aux environs de Corte, la mort d’un motard.
Là aussi, loin de nous l’idée de reprendre le refrain du c’était mieux avant. Mais naguère les éleveurs étaient aussi nombreux, et sans doute plus. Mais ils veillaient à éviter les débordements en faisant rebrousser chemin à leur bétail quand d’aventure il s’approchait des lieux habités. Est-ce toujours le cas ? Poser la question appelle indubitablement une réponse négative. Pis encore lorsque une vache provoque un accident il arrive même qu’une main mystérieuse lui coupe les oreilles afin d’ôter toute identification.
Si dans le cas des sangliers la responsabilité des humains ne peut objectivement pas être mise en cause, il n’en est pas de même s’agissant des bovins. Pour autant, les deux sujets impliquent des réponses. Àmoins qu’il soit admis qu’animaux domestiques et sauvages aient le champ libre pour arpenter les plates-bandes de la population.
Opération défense
Des esprits éclairés clameront à l’envi que l’île a d’autres chats à fouetter. Toutefois en restant dans le domaine animalier, il ne sera pas outrancier de rétorquer que soulever de telles questions n’équivaut pas à être bête à manger du foin !
Bien sûr qu’un tel dossier n’a pas l’acuité des intenses turbulences que traverse l’île. Pour autant faut-il le passer pour profits et pertes en le dissimulant sous une peau de vache ou de sanglier ?
En toute hypothèse villageois ou citadins n’ont pas à être soumis au bon vouloir de celles dont l’omniprésence intempestive ne les classe plus au rang de « nos amies les bêtes », mais à celui des indésirables. Et en réaction s’organise la défense… au sanglier.
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