Bastia Corsica 2028: LE PROJET D’UNE ÎLE
Le compte à rebours est lancé. Dans quelques semaines, la ville de Bastia et avec elle toute la Corse saura si sa candidature figure parmi les derniers prétendants au titre de capitale européenne de la culture 2028. Un label qui donnerait un coup de projecteur inédit sur les possibilités d’une ville et d’une île.
Par Caroline Ettori
Au départ comme souvent, des échanges et des doutes. « Nous avons évoqué l’idée d’une candidature avec l’ensemble des élus. Les discussions se sont enchaînées particulièrement avec ceux en charge de la culture et de l’éducation », indique le maire de Bastia, Pierre Savelli. « Si au départ, cette candidature paraissait impossible, nous y revenions souvent en affinant un peu plus, à chaque fois, la démarche initiale. Placer la culture au cœur de notre projet était une évidence tout comme étendre cette candidature à toute la Corse. Nous n’avons jamais imaginé faire les choses autrement et c’est ce qui nous a décidés. » Ainsi est née Bastia-Corsica 2028.
Une odyssée collective
L’association éponyme est alors créée le 1er décembre 2021. Son objet : mettre en œuvre la candidature sous la conduite du président, Pierre Savelli, du commissaire général, Pierre Lungheretti en lien avec la cheffe de projet, Muriel Peretti. Dans la foulée, un manifeste de soutien est proposé. Véritable plaidoyer pour la culture insulaire, ses racines, sa diversité et son foisonnement, il recueille très rapidement plus de 2 500 signatures dont la majorité d’élus insulaires, toutes tendances politiques confondues, et de nombreuses personnalités du monde des arts et des lettres.
« Seule la culture est capable de tous nous fédérer. Même le sport n’y arrive pas ! Je n’ai jamais eu le moindre doute sur ce point ni sur le soutien dont allait bénéficier cette candidature. Encore une fois, elle est celle de la Corse. »
Une candidature qui a également dépassé le cercle, plus ou moins restreint, des acteurs culturels insulaires grâce à « La Fabrique du Projet ». Bastia-Corsica 2028 a souhaité mener une large consultation dès son lancement. Des ateliers ont été organisés de Corte à Sartène en passant par Porto-Vecchio, Ajaccio ou encore Santa Reparata di Balagna. « Devenir(s) en Méditerranée », « Bousculer, expérimenter », « Investir l’espace », « Laisser une empreinte ». Ils ont permis de mobiliser les forces vives de l’île et de « fabriquer », de définir, les contours du projet. Loin des programmes « clé en main », déclinables à l’envi dont les cabinets d’études et de conseils marketing ont le secret.
Au fil de ces rencontres, ce sont les grands enjeux de la candidature qui ont été identifiés : mobiliser la jeunesse, faire du lien entre culture et patrimoine, valoriser la force d’action et de rayonnement de Bastia et de la Corse, faire entrer art et culture dans le quotidien de la population.
Un projet global, original et durable
« Nous souhaitions partir de la base, des territoires et donner à chacun le temps de s’exprimer. Personne ne doit se sentir exclu du projet, dans les villes, dans les quartiers prioritaires, dans le rural. L’art et la culture sous tous leurs aspects, dans toutes leurs dimensions sont des vecteurs d’intégration sociale et d’émancipation », souligne Pierre Savelli.
Porteuse de développement économique, de cohésion sociale et de rayonnement, Bastia-Corsica 2028 veut offrir une opportunité de réflexion collective de nature à renforcer la pertinence de la politique culturelle du territoire et de ses synergies avec d’autres politiques publiques.
Elle a à cœur de porter un projet innovant d’avenir, une action durable fondée sur des valeurs de connaissance, d’ouverture européenne et internationale. Un modèle original de développement social par l’art et la culture. Pour la ville et pour la Corse, c’est une occasion unique de se présenter au monde et de mettre en lumière leurs spécificités.
« Nous avons de nombreux atouts, notre patrimoine, notre langue, notre musique, notre art vivant, notre cinéma, je pourrais continuer comme ça indéfiniment. Surtout, notre message est différent. Il s’adresse autant aux insulaires qu’à l’ensemble des Européens. Nous défendons les valeurs de l’Europe depuis très longtemps : l’esprit démocratique, la mise en valeur des diversités, des minorités, l’intérêt pour la chose politique, la vie publique et malgré l’insularité, nous entretenons des liens très forts avec certains territoires européens et méditerranéens. Tout ceci nous place au centre d’un dialogue interculturel, c’est notre richesse. Tout comme notre îléité qui plutôt que de nous enfermer doit nous pousser à nous ouvrir aux autres. »
Les lauréates de la promotion 2028 qui réunira une ville française et une ville tchèque ne seront pas connues avant 2024. Entretemps, il y aura d’autres étapes à franchir, d’autres audits. Dans quelques semaines, un grand oral face à un jury de 10 experts européens indépendants et de deux experts du ministère de la Culture désignera les finalistes qui devront alors produire un Big Book. Un dossier complet présentant les projets phares de l’année d’élection. Le travail est donc loin d’être terminé.
« Nous réfléchissons aux prochains rendez-vous avec les autres villes insulaires ainsi qu’avec tous les acteurs culturels : service public, secteur privé, associations… Nous avons également reçu le soutien d’autres régions européennes, italiennes par exemple. » Autant de motivations pour poursuivre l’effort collectif. « Il est certain que cette initiative nous fait gagner un temps précieux pour construire un véritable projet de société. On veut que la chrysalide devienne papillon », résume Pierre Savelli.
Alors que le manque de vision du personnel politique, local autant que national, est régulièrement dénoncé, Bastia-Corsica 2028 est peut-être ce dont l’île a besoin. Pour se rassembler, pour se dépasser, pour promouvoir un projet multidisciplinaire et multidimensionnel à la fois culturel, environnemental et économique. « Tellement de personnes d’horizons divers se sont investies, ont appris à se connaître, à se parler et à travailler ensemble que Bastia-Corsica est déjà une épopée porteuse. 2028 est une étape dans ce que nous voulons construire. Quel que soit le résultat, ce sera une victoire », conclut confiant Pierre Savelli.
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